La France sous la botte du 49.3 pendant cinq ans ?

En à peine plus de vingt-quatre heures, les 19 et 20 octobre, le gouvernement Macron, minoritaire à l’Assemblée nationale, a dégainé par deux fois l’article 49.3 de la Constitution de la Ve République, lui permettant de faire passer sans vote deux textes budgétaires (concernant la Sécurité sociale puis les finances de l’Etat).

Elisabeth Borne, ici le 24 octobre, à la tribune de l'Assemblée Nationale, lors des débats sur les motions de censure après qu'elle a dégainé l'article 49.3 les 19 et 20 octobre (Photo AFP)
Par Michel Sérac
Publié le 27 octobre 2022
Temps de lecture : 6 minutes

Assemblée muselée, société brutalisée : c’est le projet de l’Elysée

Lorsqu’elle était jeune, belle et fière, notre République avait ce langage :  « Le premier objet de toute constitution doit être de défendre la liberté publique et individuelle contre le gouvernement lui-même. »6Robespierre, discours du 10 mai 1793,  Sur le gouvernement représentatif..

A l’inverse, née d’un complot factieux, hostile à la démocratie, renouant avec la monarchie, l’actuelle Constitution a pour « premier objet » de protéger l’exécutif, durant des années, de l’opinion majoritaire et de la colère du peuple. Elle permet à des corrompus de plastronner au pouvoir et dans ses allées.

Et, comme nous le voyons ces jours-ci, elle permet à l’homme de l’Elysée, succédané de roi, de réduire à néant des votes de l’Assemblée nationale, comme un seigneur congédie ses manants. Et tous les « experts » des médias qui banalisent cette violence légale, en jacassant sur un « équilibre des pouvoirs », font mine d’oublier, dans leur soumission servile, l’aveu très clair par l’auteur de la Constitution de 1958 de sa volonté : rétablir la continuité avec Louis XVI7En 1961, il assure au comte de Paris (prétendant au trône) qu’il espère que la France « va doucement vers sa traditionnelle et bonne vieille monarchie » ; à son fils, au même moment (quand il prépare le plébiscite présidentiel de 1962), il déclare qu’il crée « cette sorte de monarchie populaire qui est le seul système compatible avec les conditions et les périls de notre époque ». Cette monarchie populaire « institue une nouvelle légitimité qui fait la jonction avec la légitimité interrompue par la Révolution » (Julian Jackson, De Gaulle). Enfin dans ses Mémoires, il affirme avoir voulu rendre à l’Etat, en 1958, « la stabilité et la continuité dont il est privé depuis 169 ans », c’est-à-dire depuis 1789..

Et que sont donc les articles 34, 44, 49 et autres, qui imposent à l’Assemblée ses ordres du jour, qui lui fixent ce qu’elle a le droit de discuter et de voter, qui peuvent balayer ses amendements (« vote bloqué »), enfin lui (…)


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