« Nous voulons garder nos contrats Renault »

La parole à William Audoux, secrétaire général CGT Renault Cléon.

Les salariés de Renault Cléon envahissent le CSE, le 24 novembre (Photo DR).
Par la rédaction d'IO
Publié le 1 décembre 2022
Temps de lecture : 3 minutes

Qu’annoncent les constructeurs automobiles ?

William Audoux : Ils ne disent pas tous la même chose. Renault a choisi la stratégie du tout électrique. La direction nous dit : c’est l’Europe qui impose la fin des moteurs thermiques pour 2035, on est bien obligés… Tavarez, le patron de Stellantis (Peugeot-Citroën) dit : on continuera de produire du thermique ; l’avenir, ce n’est pas le tout électrique. D’autres constructeurs disent la même chose.

Ce qui intéresse notre direction, avant tout, c’est faire du fric. Elle veut de la « marge opérationnelle » et tripler le free cash flow (réserve de liquidités).

Et ça se traduit comment ?

La direction vient de faire ses annonces en comité central le 7 novembre et à Cléon en CSE le 8. C’est pire que ce à quoi on se préparait.

Nous connaissions le projet de deux entités : Horse pour le thermique, et Ampère pour l’électrique, mais là, tout est en plus découpé en entités autonomes.

L’usine Renault de Cléon deviendrait une société autonome appelée Ampère Cléon SAS, nos contrats de travail seraient transférés dans cette nouvelle société qui serait notre « nouvel employeur ».

L’objectif de la direction : la mise en concurrence ; il faudra toujours être moins cher.

Par exemple, nous devrons vendre les moteurs Diesel 2 litres de cylindrée, et la boîte de vitesses à l’entité Horse, l’entité thermique, détenue à 50 % par Renault et 50 % par le chinois Geely, si Horse veut bien l’acheter et ne trouve pas moins cher ailleurs. Cléon vendrait aussi des moteurs électriques à Ampère Electrique SAS, avec les mêmes risques… De plus en plus de salariés quittent Renault, c’est encore pire depuis ces annonces.

Que se passe-t-il depuis ces annonces ?

La question cruciale pour tous les salariés c’est la fin de leur contrat Renault. Dans les ateliers, les discussions ce n’est que ça. Le 23 novembre, nous avons tenu des AG qui ont réuni 270 salariés.

Le 24 novembre, nous avons envahi le CSE avec 110 salariés pour interpeller la direction.

Le directeur et la DRH ont pris la fuite, seuls deux responsables RH sont restés.

Les salariés ont contesté en direct la filialisation, le changement du statut juridique, les menaces sur l’emploi et aussi les salaires trop bas. Mais surtout, ils ont dit avec force : « On veut garder le statut Renault. » Ou : « Faites comme vous voulez, mais nous voulons garder nos contrats Renault ».

Les DRH n’ont pas répondu. Nous savons qu’ils vont chercher à diviser.

Quand nous avons contesté les restructurations en interpellant deux directeurs du groupe Renault, Luca de Meo et Jose Vincente de los Mozos, en visite à Cléon, los Mozos nous a répondu : « Pourquoi vous ne cherchez pas à négocier un bon accord à Cléon ? » C’était une allusion aux usines Renault de Douai, Maubeuge et STA, où tous les syndicats ont signé un accord qui les fait sortir du groupe, ces sites ont été filialisés et les salariés ont perdu leur statut Renault.

Nous allons voir comment résister à ça avec les ouvriers et même l’encadrement.

Nous allons discuter dans le syndicat et, bien sûr, dans les ateliers pour contrer les projets de la direction. Je te tiendrai au courant.

 

« Oui, nous pourrions perdre très gros »
(extraits du tract CGT Cléon)

Cléon intégrerait l’entité Ampère, en tant que Ampère Cléon SAS. Cléon deviendrait une nouvelle société « autonome » ! 
A Cléon, en 2023, sur les 3 142 CDI, les contrats de travail de 2 763 salarié(e)s seraient transférés automatiquement dans cette nouvelle société. 263 resteraient Renault (dit la direction) : Ailn, Tooling, Ingénierie packaging, paye. Les contrats de travail de 101 salariés seraient transférés chez Ampère SAS, ceux de 15 salariés seraient transférés chez Ampère Software… Même Cléon est coupé en morceaux… La direction veut nous séparer, nous diviser, à Cléon et sur le groupe, elle crée des entreprises différentes, mais nous resterons unis !

Ce qui est clair, c’est que nous n’aurons plus de contrats « Renault », que nous serons dans une « société » de 2 763 salariés, avec les risques que cela comporte. Cléon vendrait ses produits à la filiale Renault ElectriCity, pour les moteurs électriques et à l’entité Horse, pour le moteur M et la boîte P…

Le site de Cléon serait une filiale à 100 % de Ampère SAS qui serait une filiale à 100 % de Ampère ListCo qui serait une filiale à 100 % de Renault SAS qui serait u ne filiale à 100 % de Renault SA… Quelle usine à gaz ! Et au niveau social pour Cléon ? Pas de perte de salaire dit la direction (et certains hiérarchiques). Au moment du transfert peut-être, mais après ?… Eh bien, la direction l’écrit elle-même dans les documents présentés : « Au bout de 15 mois, soit un nouvel accord est signé, soit c’est le minimum qui s’applique. »  (Chantage ?…) Rappelons que tous nos accords ont déjà été dénoncés suite à la disparition de notre convention collective (disparition signée par les autres syn dicats)… Oui, nous pourrions bien perdre très gros.