Délestage électrique : les « réponses » des ARS aux maires ruraux
Michel Fournier, président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), livre à « Informations ouvrières » ses inquiétudes sur les conséquences des délestages électriques prévus, notamment pour les personnes hospitalisées à domicile.
- Tribune libre et opinions

Les communes rurales, pas seulement elles, ont le poids de l’augmentation importante des coûts de l’énergie. Elles sont face à une situation qui risque d’être gravissime…
Michel Fournier : On a voulu répondre à un besoin qui a été exprimé pour l’écologie, il ne faut plus de centrales nucléaires. Finalement, on n’a arrêté que Fessenheim, et heureusement, mais on a laissé tomber le parc nucléaire ; on s’est désintéressé de cela. Aujourd’hui, avec la guerre d’Ukraine et autres, il n’y a plus d’autonomie et on est confronté au coût de l’énergie. Les 28 000 petites communes rurales ont une forme de bouclier énergétique, avec cette limitation de l’augmentation à 15 %. Ça permettra au moins d’avoir une connaissance exacte du coût énergétique pour la fabrication des budgets. Ce n’est pas le cas quand il y a plus de dix salariés et plus de deux millions d’euros de budget.
Mais le plus grand risque, c’est une désaffection, un maire d’une petite commune avec un petit budget va dire : bon j’arrête, je ne fais rien, ça ne sert à rien, je ne peux rien faire, on me demande tel ou tel projet, je peux pas vous dire oui.
Et pour les communes qui ont le tarif non réglementé ?
Ce sont les effets de seuil, c’est l’aventure. Ça veut dire que ces communes sont considérées comme une entreprise.
Il y a les annonces inquiétantes pour les personnes hospitalisées chez elles, qui risqueraient de se retrouver sans électricité en cas de coupure. Et puis, lié à cela, il y a le dossier qui est sur votre site, « l’accès aux soins en milieu rural, la bombe à retardement ? »
Il y a eu deux études simultanées. Et la première a révélé que l’espérance de vie était de deux années inférieure en ruralité à celle en milieu urbain. Donc, ça veut dire que ce n’est pas la qualité de vie qui est en cause, c’est la qualité de la réponse du service médical, ça c’est clair.
Il y a des endroits où il n’y a plus de médecin traitant, il y a des secteurs qui en sont complètement dépourvus. Et la deuxième chose, c’est que, pour avoir un spécialiste, il faut parfois six mois de délai. Et ce spécialiste, il faut faire une heure trente de route pour le trouver. En raison de ça, les gens prennent moins soin d’eux-mêmes, parce qu’ils n’ont pas la réponse que l’on peut trouver en ville. Même s’il y a aussi des problèmes en milieu urbain.
Si on est dans cette volonté que l’hospitalisation à domicile soit préférée à l’hospitalisation parce que les coûts sont moindres, il faut que les choses soient assurées. Et là, il y a deux réponses contradictoires.
La première, c’est que les services de l’Etat nous disent, et je l’ai entendu : « Il n’y aura aucun problème pour les personnes qui sont hospitalisées chez elles puisqu’elles sont recensées. L’ARS les connaît toutes, et s’il y a un problème, c’est Enedis qui doit répondre à la problématique. »
Je n’invente rien ! C’est-à-dire que des gens de chez Enedis iront avec je ne sais pas quoi pour produire (de l’électricité, Ndlr) à domicile ; sauf qu’on sait que l’information est prévue trois jours avant et confirmée la veille à 17 heures.
Donc, avec des façons de procéder comme ça, il y aura des « trous dans la raquette ».
Un collègue vient de nous faire savoir ce matin que dans un autre secteur de France, la réponse de l’ARS a été celle-ci : « S’il y a un problème pour relier ces personnes-là au réseau électrique, il faudra qu’elles s’adressent au maire. » Vous voyez le maire rural ? Il est obligé d’aller pédaler pour produire je ne sais quoi, charger la dynamo avec son vélo.
Il y aura du délestage, il y aura des « trous dans la raquette » et, là, il faudra absolument qu’on précise qui endossera la responsabilité et qui trouvera la meilleure solution pour qu’il n’y ait pas trop de dégâts. Outre ces questions de responsabilités, il y a quand même l’aspect sensibilité et humanité, et, là, ce n’est pas la machine ARS qui va verser des larmes de crocodile.
Propos recueillis le 13 décembre par Jean-Louis Bagault.
