Restitution des subventions au théâtre Toursky, à Marseille ! Pas touche à Richard Martin !
Pour la deuxième année consécutive, la municipalité de Marseille supprime 80 000 euros de subventions au célèbre théâtre, fondé il y a un demi-siècle par Richard Martin. Un comité de soutien s'est constitué.
- Culture, France
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Le mercredi 25 janvier 2023, plus de cent participants pacifiques et fraternellement réunis attendaient au théâtre Toursky, à Marseille, une table ronde qui était prévue normalement avec la Drac (ministère de la Culture), la région, le département et la ville pour savoir ce qu’il en était des attaques engagées contre le théâtre et contre son directeur (suppression de subventions, retrait de la maintenance de sécurité …). Ni l’Etat, ni la ville, ni le département ni la région ne sont venus. L’adjoint à la culture de la ville a déclaré depuis qu’il ne discutait pas « sous la menace ». Même chose de la part de la Drac qui ne voulait pas « mettre en danger ses techniciens » (sic). Mais qui menace qui ? Et pourquoi ?
On ne peut banaliser le comportement de la Drac qui représente le ministère de la Culture, alors que ce dernier a nommé il y a peu le directeur du cabinet de Brigitte Macron à la tête du Mucem. Est-ce le volet « culture » du « Marseille en Grand » qui se met en place ?
Un théâtre déjà attaqué par la municipalité, de droite, précédente
Richard Martin, fondateur du théâtre Toursky, à Marseille, installé depuis plus de 50 ans dans l’un des quartiers les plus pauvres du pays, rassemblant tous les défenseurs de la culture libre et populaire, le définit ainsi sur son site :
« Laboratoire artistique, espace de création, le Toursky accueille ainsi les saltimbanques du monde qui, au-delà de leur art, nous convient à faire tomber les barrières culturelles et sociales qui s’opposent au dialogue entre les peuples.
Des artistes pour qui la guerre est un aveuglement, une faillite de l’intelligence, un accroc dans l’homme et qui ont en commun de se faire entendre pour que ceux qui attisent les haines et provoquent de véritables vindictes ethniques et religieuses reviennent sur la radicalité de leur prise de position. »
Pour la deuxième année consécutive, la mairie de Marseille a supprimé 80 000 euros de subvention au Toursky qui a été obligé de procéder à quatre licenciements, et à réduire le nombre de ses spectacles.
On n’avait pas vu ça depuis Gaudin, en 2019, ce qui avait entraîné une troisième grève de la faim de Richard Martin pour la défense du théâtre.
Ceux qui dénonçaient hier une « décision injustifiée » s’en font aujourd’hui l’instrument
A l’époque, un communiqué du 16 mai 2019 déclarait : « Alors de grâce, Monsieur le Maire, cessez d’étrangler financièrement le Toursky, revenez sur votre décision injustifiée et injustifiable de baisse de subventions et redonnez à ce théâtre les moyens de vivre et de se développer, comme vous vous y étiez engagé ! » C’était celui de Jean-Marc Coppola, alors conseiller municipal PCF. Aujourd’hui, il est adjoint du maire (ex-PS) Benoît Payan à la culture, et c’est lui qui justifie les suppressions de subvention dans une interview publiée par La Marseillaise, le 26 janvier 2023.
Lors des municipales, Agnès Freschel, aujourd’hui adjointe « aux cultures » de Sophie Camard, maire de secteur 1er-7ème, déclarait à propos de Richard Martin : « C’est un homme formidable qui ne manque pas de qualités, mais il ne fait plus de création depuis longtemps et il devrait penser à sa succession. » Aujourd’hui, elle travaille à la mairie avec J.-M. Coppola qui, dans le communiqué déjà cité précise : « Tout le monde se rend compte qu’il y a besoin de sang neuf. Mais j’ai parlé de transmission. (…) Je lui ai juste demandé comment il comptait faire venir des jeunes dirigeants… ». Doux euphémismes qui ne trompent personne …
Ils veulent éjecter Richard Martin. Mais ils doivent tenir compte de la protestation en cours.
L’argument de l’âge est particulièrement ignoble. Il servirait de précédent à l’égard d’un grand nombre d’artistes et de créateurs. Le délit d’opinion ne serait pas plus acceptable.
Et si on n’a pas compris, J.-M. Coppola rappelle « quand même que la ville est propriétaire du théâtre. » Le pouvoir politique, au lieu de protéger l’art vivant, veut-il imposer sa loi dans un domaine qui, en démocratie, doit rester libre et indépendant, utilisant le chantage financier, et le droit de propriété ? Ceci nous rappellerait d’autres régimes et d’autres temps.
Nous avons gagné en 2019 nous gagerons aujourd’hui !
Les participants ont exprimé unanimement leur volonté de défendre le théâtre Toursky. Il y avait là Gilles Ascaride, il y avait le responsable du off du Festival de Cannes, l’ancien directeur de feu le théâtre de Lenche, un jeune acteur, champion de MMA, porte-parole des habitants du quartier, s’adressant à Richard Martin : « Tonton, ne fais pas la grève de la faim… » exprimant l’avis de beaucoup. Et beaucoup d’autres qui disent : « On va se battre. »
Chacun va trouver les moyens : les uns s’adressant aux célébrités, les autres aux habitants du quartiers, aux syndicats et à tout ce qui compte de défenseurs de l’art et de la liberté.
La réunion fut ouverte par Christian Poitevin, délégué à la culture de l’ancien maire de Marseille, Robert Vigouroux.
Il faut rappeler qu’à l’initiative de notre camarade René Sale, en 2009, Robert Vigouroux, alors maire de Marseille et face à la suppression de la subvention de l’Etat qui était de 185 000 euros en 1991, a pris la présidence d’honneur du comité de soutien où figuraient de nombreux artistes célèbres.
Comme le dit le programme de l’Union populaire de 2022 : « Il y a nécessité de faire confiance aux travailleurs de l’art. Vecteurs d’altérité et d’émancipation, les arts et la culture sont le cœur du progrès humain. » (L’Avenir en commun, p. 116).
Ce mercredi 25 janvier 2023, un nouveau comité de soutien s’est constitué. Nous avons gagné en 2019, lorsque Gaudin avait voulu supprimer 85 000 euros de subvention. Nous gagnerons aujourd’hui de la même façon, parce que nous restons fidèles à nos convictions. Il n’y a pas d’art officiel qui soit de l’art. Les subventions doivent être restituées au théâtre Toursky. Les licenciés doivent pouvoir être réembauchés. Pas touche à Richard Martin !
Communiqué du syndicat national libre des artistes (SNLA-FO), 31 janvier« Une nouvelle fois, le théâtre Toursky est menacé, par retrait de subventions, en l’occurrence de la Ville de Marseille. Déjà, à la suite de 80 000 euros de subventions déjà amputées en 2022, 4 postes ont été supprimés ! Aujourd’hui, c’est l’existence même du théâtre qui est en jeu, et avec lui les emplois permanents et la programmation, c’est-à-dire le partage de milliers d’heures de travail des artistes avec les publics. A plusieurs reprises, le théâtre Toursky a été menacé par les pouvoirs publics. Notre syndicat avait du notamment intervenir auprès de Frédéric Mitterrand alors ministre de la culture pour que les subventions d’Etat soient rétablies. Ce dernier n’y était pas allé par quatre chemins et nous avait répondu que « la direction du Théâtre signe la convention et elle aura les subventions ». Allégeance aux injonctions gouvernementales ou des collectivité territoriales, c’est ce que la direction du théâtre Toursky a toujours refusé. Aujourd’hui, la ville de Marseille use d’un nouvel argument : l’âge du directeur. C’est argument a t-il été invoqué à l’endroit de Peter Brook qui dirigea longtemps l’outil qu’il avait créé, les Bouffes du Nord, ou plus récemment à l’endroit de Daniel Barenboïm, qui de lui-même a renoncé pour raisons de santé à certaines fonctions de direction ? A l’inverse, une pluie de regrets s’est écoulée suite à ces décisions. Le théâtre Toursky n’est ni un centre dramatique national, ni une scène nationale. Au vu de la qualité de la programmation du théâtre Toursky, du nombre d’artistes qui y travaillent, du succès public des saisons, nous dénions à des élus quels qu’ils soient le droit de décider en lieu et place des professionnels et du public. Etre dépositaires de deniers publics, en subvention ou en propriété foncière, ne leur que le devoir d’aider la création artistique, et tous ceux qui la portent. |