Palestine : la poudrière

L’Etat israélien est traversé par une crise sans précédent. Dans le même temps, une nouvelle vague de répression frappe la Cisjordanie.

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blindent fait une déclaration à son arrivée à l'aéroport Ben Gourion, le 28 janvier (photo AFP).
Par François Lazar
Publié le 3 février 2023
Temps de lecture : 3 minutes

Plusieurs manifestations massives ont exprimé le rejet, par une partie conséquente de la population juive, des annonces du nouveau gouvernement Netanyahou. Marqué par son alliance avec l’extrême droite religieuse qui exige l’annexion des territoires de Cisjordanie et l’accélération de leur colonisation, le gouvernement entend également remettre en cause plusieurs prérogatives de la Cour suprême de justice israélienne.

Dans le même temps, une nouvelle vague de répression frappe la Cisjordanie. Des experts militaires se montrent publiquement soucieux de la montée des tensions qui pourraient déboucher sur une nouvelle intifada. L’état-major de l’armée d’occupation quant à lui fait encadrer, protéger les colons dans toutes leurs exactions par ses troupes. Face à l’effondrement de l’Autorité palestinienne, et comme s’il s’agissait de préparer l’annexion pure et simple de la Cisjordanie, l’armée d’occupation a doublé le nombre de ses bataillons permanents sur place en un an, le faisant passer de 13 à 26.

Jeudi 26 janvier, dans une action présentée comme « préventive », une opération de l’armée d’occupation dans le camp de Jénine a provoqué la mort de neuf militants et civils palestiniens en blessant vingt autres.

Il s’agit du massacre le plus important subit depuis cinq ans. Le lendemain, dans un geste désespéré, un Palestinien a ouvert le feu sur des passants israéliens dans la colonie de Neveh Yaacov, tuant sept d’entre eux. Dans la foulée, c’est un jeune de 13 ans qui a tiré sur des Juifs religieux avant de se faire abattre.

Le journaliste franco-israélien Charles Enderlin, tout en précisant que les tirs n’ont pas eu lieu dans une synagogue (contrairement au message de soutien écrit par le président français, Macron), mais dans la rue, note que l’on a entendu à la suite les cris de « mort aux gauchistes »  dans une manifestation de colons israéliens, faisant directe ment allusion, non pas à la population palestinienne, mais aux manifestants israéliens qui protestent contre les menaces sur leur système judiciaire, voire contre ceux qui affirment régulièrement avec courage leur soutien aux populations palestiniennes victimes des exactions des colons. Charles Enderlin indique que les plateaux des chaînes de la télévision israélienne rendus sur place ont été attaqués par des colons manifestants et que des journalistes ont dû se sauver.

Selon le décompte d’associations palestiniennes, plus de 170 Palestiniens, dont 30 enfants, ont été tués par balle en Cisjordanie et à Jérusalem-Est en 2022. Pour le seul mois de janvier 2023, on compte déjà 30 tués, dont cinq enfants, ce qui fait dire à un représentant de l’Onu, cité par al-Jazeera, que si « 2022 a été la pire année depuis 2006 en nombre de tués, 2023 est d’ores et déjà en train de la dépasser ».

Blinken et le chef de la CIA à Tel-Aviv

Il y a quelques jours, les colons ont mis à sac un bar dans le quartier chrétien de Jérusalem, et le patriarche arménien a été brutalisé parce qu’il portait un drapeau arménien. Dans l’émission « C politique », Charles Enderlin a expliqué que « la jeunesse palestinienne considère qu’elle n’a aucun avenir, et des petits groupes commencent à faire de la résistance (…) face au rouleau compresseur de l’armée israélienne, ils n’ont aucune chance » .

La situation dans le camp de Jénine, cerné de check-points est particulièrement catastrophique sur le plan économique, d’autant plus qu’il s’agit de l’un des principaux centres d’opposition à l’Autorité palestinienne.

Tous les observateurs constatent que cette dernière est détestée par l’immense majorité de la population palestinienne, en raison de la corruption qui y règne et de son rôle assumé de supplétif sécuritaire de l’armée israélienne.

Des militants considèrent que Netanyahou pourrait avoir intérêt, compte tenu de la situation politique israélienne, à mener des opérations de représailles avec des résultats marquants ; certains craignent une nouvelle guerre – des bombardements viennent de reprendre contre la bande de Gaza.

Pourtant, malgré la situation sécuritaire, une nouvelle manifestation a eu lieu samedi 28 janvier, rassemblant 60 000 personnes à Tel-Aviv contre les mesures prévues par Netanyahou. Dans le même temps, toujours samedi 28 janvier, Nafissa Khabees, militante palestinienne du quartier de Sheikh Jarrah, a été arrêtée, alors qu’elle protestait contre les expulsions, comme elle le fait toutes les semaines et, dimanche, plusieurs militants palestiniens ont été arrêtés à des check-points militaires en Cisjordanie, parmi eux, Yahia Zubeidi.

Dès le lendemain de la mort des colons de Neve Yaacov, les ministres qualifiés comme extrémistes religieux, notamment Ben-Gvir et Smotrich, ont appelé à la destruction des maisons des familles et proches des Palestiniens qui ont ouvert le feu et l’accélération des expulsions et de la colonisation des maisons palestiniennes qu’ils convoitent à Jérusalem, ainsi qu’un renforcement de l’armement des colons.

Netanyahou, quant à lui, a indiqué que l’Etat prendra des mesures, tout en appelant les colons israéliens de Cisjordanie à ne pas faire justice eux-mêmes.

Craignant une situation qui pourrait vite devenir incontrôlable, Joe Biden a annoncé que la visite prévue au Proche-Orient de son secrétaire d’Etat, Anthony Blinken, avec le directeur de la CIA et le conseiller à la sécurité nationale, essentiellement pour discuter du cas de l’Iran avec les alliés arabes, commencera par l’Etat d’Israël.