Un déploiement inédit de troupes sur les bases de l’Otan en Roumanie
De plus en plus de troupes de l’Otan sont stationnées en Roumanie. Plus de 5 500 soldats étrangers s’y trouvent actuellement. Plus de 2 000 sont arrivés après que le sommet de l’Otan de Madrid, en juin dernier, a décidé de renforcer le flanc oriental. Leur nombre devrait encore augmenter. La plupart des étrangers viennent des Etats-Unis, suivis de la France.
- International, Roumanie
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La plupart des soldats étrangers sont stationnés sur la base militaire de Mihai Kogalniceanu1Base aérienne américaine depuis 2005, située au bord de la mer Noire, au sud-est de la Roumanie.où plus de 2 400 soldats de la 101e division aéroportée sont arrivés en juillet avec déploiement de drapeau, pour la première fois en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
Un groupement tactique2Constitué de forces multinationales prêtes au combat. y a été formé sous le commandement des Américains, immédiatement après le déclenchement de la guerre en Ukraine, avec plus de 1 000 soldats. Il y a maintenant aussi 170 soldats canadiens effectuant des missions de police aérienne. Ils ont remplacé les militaires britanniques et italiens. Au total, environ 4 700 soldats de la 101e division ont été déployés pour renforcer le flanc est.
Depuis 2022, la France, « nation cadre » de l’Otan pour la Roumanie, y a implanté sa principale base dans le pays (voir aussi Informations ouvrières no 740).. Il s’y trouve 800 Français, mais aussi 200 Néerlandais, qui viennent par rotation en Roumanie. Il y a aussi 50 ingénieurs belges qui aident à construire la base. La France a également apporté un système anti-missile Mamba au cap Midia. De plus, 250 soldats polonais et 250 soldats portugais, qui renforcent la brigade multinationale à Craiova.Par ailleurs et pour la première fois, un groupement tactique, sous commandement de l’Otan mais dirigé par les Français en tant que « nation cadre », a été établi en Roumanie à Cincu3Base militaire au nord du pays.
Il y a aussi des missions de surveillance aérienne à Borcea. Ce sont des Américains, sous le commandement direct de l’armée américaine.
La force de réaction de l’Otan4Force multinationale à haut niveau de préparation déployable n’importe où et rapidement dans le monde. passera de 40 000 soldats, actuellement, à 300 000.
Ils ne seront pas déployés dans les pays alliés mais seront des troupes prêtes à attaquer, dans les 48 heures au plus. Selon Stefan Dania, général de réserve, « des soldats américains sont stationnés dans cette base, mais ils seront placés sous le commandement de l’Otan en cas d’attaque imminente », précisant qu’ils n’étaient pas « présents pour défendre la Roumanie en cas d’attaque. D’autres forces réagiront si nous sommes attaqués ».
Le président Iohannis a informé le Parlement qu’il approuvait l’augmentation des troupes alliées en Roumanie. Ainsi, les 40 000 soldats de la force de réaction rapide de l’Otan peuvent entrer en Roumanie en cas de besoin.
Dans le même temps, un groupe naval du groupement tactique permanent de l’Otan sera déployé en mer Noire ainsi que plusieurs avions américains et hélicoptères britanniques. Iohannis a également annoncé qu’il avait autorisé l’opération d’unités américaines de renseignement et de surveillance à la frontière avec l’Ukraine.
Il a annoncé au Parlement qu’il avait approuvé une série de mouvements des troupes alliées en Roumanie. Le Parlement a « pris note de l’information du président Iohannis ».
Ainsi, il a été décidé en 2022 de déployer, si nécessaire, la « force interarmées à très haut niveau de préparation » (Very High Readiness Joint Task Force – VJTF), la plus élevée des forces de l’Otan. C’est d’abord une brigade franco-allemande de 3 500 hommes qui a servi de noyau à la VJTF, tandis que la Pologne, l’Espagne et le Portugal rejoindront les troupes.
En termes de force aérienne, la flotte aérienne alliée opérant en Roumanie est devenue officielle et se compose, entre autres, de 8 avions F-16 Fighting Falcon de l’US Air Force et de 4 avions F/A-18 Super Hornet, des United States Naval Forces of America en Europe, et 2 F-35 Lightning II de la 5e génération de l’US Air Force. Tous ces avions décolleront en cas d’urgence de la 86e base aérienne Lieutenant Aviator Gheorghe-Mociornita de Borcea. Ils sont rejoints par 8 avions Eurofighter Typhoon de l’armée de l’air italienne, qui constituent le détachement Black Storm, 6 avions Eurofighter Typhoon de l’armée de l’air allemande et 4 avions Eurofighter Typhoon de la Royal Air Force (RAF) britannique effectuant des missions de police aérienne depuis l’aéroport international Mihail-Kogalniceanu. Tous ces appareils viennent en appui aux 17 avions F-16 A/B Fighting Falcon de l’armée de l’air roumaine, qui effectuent actuellement des missions de police aérienne aux frontières de la zone Otan.
La 101e division aéroportée de l’armée américaine envoyée en Roumanie est donc la première force qui se déploie à nouveau en Europe depuis quatre-vingts ans.
CBS News a interviewé le commandant adjoint de la division, le général de brigade John Lubas, et le colonel Edwin Matthaidess, commandant de la 2e brigade de combat, dans un hélicoptère Black Hawk, juste à la limite du territoire de l’Otan, à quelques kilomètres de la frontière ukrainienne en Roumanie.
« Nous sommes prêts à défendre chaque centimètre du territoire de l’Otan. Nous venons avec des capacités spéciales, notre capacité d’assaut aérien », a notamment expliqué Lubas. L’hélicoptère Black Hawk a atterri sur la base où les troupes américaines et roumaines frappaient des cibles lors d’un exercice d’assaut terrestre et aérien. Il visait à recréer l’atmosphère de combat que les forces ukrainiennes traversent chaque jour face à l’armée russe, à quelques kilomètres de l’autre côté de la frontière. Matthaidess a déclaré que lui et ses troupes étaient les forces américaines les plus proches de la guerre en Ukraine.
« Les éléments de la 101e division aéroportée de l’armée américaine opèrent-ils sous l’égide de l’Otan, du commandement français ou sont-ils indépendants ? Dans la dernière période, le président de la Roumanie n’aurait-il pas dû solliciter une décision du Parlement ? Et si nous avons des troupes militaires étrangères sur le territoire national qui ne sont ni sous le commandement de l’Otan ni sous le commandement local, alors qui a approuvé leur déploiement ? » Ce sont les questions que l’ex-ministre de la Défense, Vasile Dîncu, comptait poser lors de la réunion du Conseil suprême de la défense du pays (CSAT). Mais il n’y est pas parvenu puisqu’il a été contraint de démissionner à la suite d’une déclaration dans laquelle il proposait l’ouverture de négociations de paix. Ainsi, il semble que la « défense » de la Roumanie est assurée par les troupes d’assaut américaines !
Des dizaines d’agents américains et d’instructeurs militaires de l’armée américaine se sont installés au siège du ministère de la Défense nationale. Là, sur un étage entièrement sécurisé par la DGIA (l’intelligence militaire roumaine, Ndt) et la police militaire, les partenaires ont installé un véritable quartier général pour les « équipes tactiques-opérationnelles », relocalisées en urgence à Bucarest depuis le 26 septembre.
Même les chefs de l’armée roumaine, les « généraux américains » Nicolae Ionel Ciuca (Premier ministre) et Daniel Petrescu (chef d’état-major de la défense), sont sous les ordres du chef de la division 101, n’ayant pas l’autorisation d’entrer dans les bureaux, occupés par des dizaines de « moniteurs », sans une convocation spéciale…
Contrairement à d’autres pays européens, en Roumanie, il n’y a pas eu de manifestations contre la guerre en cours ou contre les préparatifs d’expansion de la guerre qui implique l’escalade des armements et l’augmentation du nombre de soldats dans la région, y compris les troupes étrangères. Il n’y a, du moins pas encore, d’actions qui questionneraient la responsabilité des dirigeants roumains qui, par le « fait du prince », ont mis le pays à disposition de l’Otan.
La guerre impérialiste, qui s’étend avec la mise en place de cette machinerie, conduit à la barbarie. Les budgets d’armement explosent alors que ceux de la santé ou de l’éducation sont reconduits tels quels. Dans ces deux secteurs, des mobilisations revendicatives ont lieu, sachant que les prestations sociales de sécurité sociale et de retraite sont littéralement anéanties par l’inflation exorbitante.
Rejeter cette politique de guerre, exiger un cessez-le-feu et arrêter les livraisons d’armes passera par la lutte contre l’acceptation du dispositif « parapluie de protection » de l’Otan.