Réflexions après les déclarations de Gérald Darmanin
M. Darmanin est en train de faire la démonstration que, n’ayant convaincu quasiment personne – même par les instruments d’une démocratie frelatée –, il ne dispose plus que de la brutalité, de la coercition, de la répression, de la peur pour imposer la volonté d’une minorité.
- Actualité politique et sociale
Acculés par le plus grand nombre, M. Macron, Mme Borne et consorts ont réussi à susciter le rejet des dispositifs du type 49.3, 47-1, etc. Proclamant que leur utilisation était légale et constitutionnelle, ils ont conduit à ce que de plus en plus nombreux soient ceux qui maintenant estiment que toute la Constitution de la Ve République est tout simplement antidémocratique.
L’État mis à nu
M. Darmanin est en train de faire la démonstration que, n’ayant convaincu quasiment personne – même par les instruments d’une démocratie frelatée –, il ne dispose plus que de la brutalité, de la coercition, de la répression, de la peur pour imposer la volonté d’une minorité.
Comme pour d’autres avant lui, et pas seulement en France, « extrême gauche », « pyromanes », « minorité agissante »… ne sont qu’un rideau de fumée qui ne trompe pas grand monde, venant, qui plus est, de ceux qui ont menti sans vergogne, par exemple au sujet des tragiques événements du Stade de France.
Bien sûr, les militants, les démocrates, avocats, institutions judiciaires, simples citoyens, responsables syndicaux ne s’en laissent pas conter.
Mais, et M. Darmanin devrait y prendre garde, même les défenseurs de l’ordre s’en inquiètent. Le Département d’Etat américain (ministère des Affaires étrangères), l’Onu, l’Europe, des députés européens ici et là, la Haute Autorité… tirent la sonnette d’alarme.
Par-delà les calculs minables pour la prochaine présidentielle, par-delà l’utilisation des termes et idées de l’extrême droite (alors que Mme Le Pen, plus avisée, se fait discrète),
M. Darmanin ne met-il pas à nu l’Etat ? Après la mise à nu de la place de la Constitution de la Ve République, ne pousse-t-il pas à la conscience de la place de l’Etat et de ses rouages répressifs pour maintenir la domination d’une minorité ? Et brutalement, sans le moindre artifice ?
Parler de guérilla, utiliser les exactions, fort opportunes d’une infime minorité, avoir recours à un tel déploiement armé, organisé, équipé d’armes de toute sorte pour interdire à 20 000 citoyens qui s’inquiètent des destructions écologiques, de se rassembler autour d’un trou, quel aveu !
Finis, les concertations, le dialogue même faux, le « en même temps », l’« écoute des gens », face aux refus massifs et à l’incapacité de convaincre, l’Etat et sa force armée se retrouvent en première ligne. Le cœur de l’Etat et sa fonction ne sont pas autre chose qu’un instrument de domination.
« Filles et fils du peuple »
M. Darmanin, qui le sait très bien, se cherche déjà des arguments de défense. Parlant des policiers et des gendarmes, il dit dans Le Journal du Dimanche : « Ils sont filles et fils du peuple. » Passons sur la démagogie qui voudrait que « filles ou fils du peuple » devienne une absolution pour tout et n’importe quoi. M. Darmanin, qui se déclare lui-même à toute occasion fils du peuple, en fait la démonstration.
« Filles et fils du peuple », et si, comme le leur propose M. Darmanin, ils décidaient de se ranger de ce côté ? Quelles que soient les motivations, et peut-être bien souvent fort honorables, qui les ont amenés à choisir cette voie, ils n’en sont pas moins des citoyens comme des millions d’autres et ne vivent pas en dehors des grands événements qui secouent le pays.
Et s’ils s’avisaient, eux aussi, de penser comme l’écrasante majorité ? Et qui peut dire que ce n’est pas déjà en cours ?
Pure spéculation, naïveté ? Recherche de cacher les exactions et les brutalités visibles de tous ? Certainement pas. Notons déjà que tous les syndicats de police se sont nettement prononcés contre la réforme des retraites. Ce qui en dit long sur l’état d’esprit de leurs membres et certainement au-delà.
Comment croire qu’ordonner de bloquer ou de réprimer, bien souvent dans des conditions qui les dépassent, des manifestants et des citoyens avec qui on partage le même refus de la réforme des retraites n’a aucune conséquence ? Surtout lorsque quelques subalternes zélés, appliquant les ordres, leur enjoigent de s’attaquer frontalement, de gazer, de frapper les dirigeants syndicaux du carré de tête.
Aucune sensibilité à ces scènes accessibles à tous sur les réseaux sociaux ou peut-être juste à côté d’eux ? Lorsque quatre d’entre eux s’acharnent sur un seul passant, l’insultent, l’humilient. Ou que des malabars mettent à genoux des lycéens mains sur la tête. Ou bien ces « collègues » qui visent soigneusement les têtes et les yeux des manifestants ?
Aucun état d’âme, aucune interrogation lorsqu’ils sont à ce point utilisés contre la démocratie au bénéfice d’une minorité ? Peu probable.
Même en Israël, dont les observateurs disent : « En général, l’Etat a une armée, ici c’est l’armée qui a un Etat », des dizaines de milliers de soldats, de gradés, habituellement occupés à réprimer les Palestiniens, sont descendus en masse dans les rues. Même de leur point de vue, la remise en cause brutale de la démocratie dans un Etat sioniste dont ils se réclament, c’était trop.
Motivations diverses, approches différentes, mais il arrive des moments où c’est le « trop, c’est trop » qui s’impose.
Décidément, les pyromanes ne sont pas vraiment ceux qu’on tente de désigner à la vindicte populaire avec un résultat bien relatif.