Multiplication des gardes à vue : Darmanin cherche à intimider

Dans une lettre datée du 17 avril et rendue publique sur son site, Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, nommée par Emmanuel Macron, interpelle le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.

Lors d’un rassemblement contre les violences policières à Paris, le 30 mars, à l’appel des députés FI-Nupes (photo AFP).
Par Marie-Paule LEMONNIER
Publié le 14 mai 2023
Temps de lecture : 2 minutes

Une enquête a été menée par trois équipes de contrôleurs dans neuf commissariats parisiens, les 24 et 25 mars 2023, pour « contrôler les conditions de prise en charge des personnes interpellées dans le cadre ou en marge des manifestations » contre la réforme des retraites.

Cette enquête révèle « un recours massif, à titre préventif, à la privation de liberté à des fins de maintien de l’ordre public. De cette approche “préventive”, qui n’est prévue par aucun texte de droit français ».

Dominique Simonnot dans sa lettre, « résultent non seulement l’illégalité des mesures coercitives en cause, mais également de nombreuses atteintes aux droits des personnes concernées, majoritairement libérées sans aucune poursuite (…) Cette banalisation de l’enfermement ne peut que susciter la plus vive inquiétude du  CGLPL (contrôleur général des lieux de privation de liberté, Ndlr) », appelant Gérald Darmanin à la vigilance « quant à la nécessité de veiller au respect des dispositions législatives et réglementaires applicables à la procédure de garde à vue. »

Une forme d’intimidation de la part du pouvoir

Le rapport, joint au courrier, dénonce des interpellations violentes, des irrégularités dans les documents de la procédure ayant trait à la garde vue, des durées de garde à vue anormalement longues et prolongées de façon injustifiée. A l’appui, le témoignage de personnes interpellées, entendant les policiers chargées de leur surveillance décider « au hasard, au terme de discussion triviale, des infractions à retenir ». Dans certains commissariats, des fiches préremplies ont été distribuées aux agents interpellateurs, qui ont informé les contrôleurs « avoir eu pour consignes et ordres hiérarchiques d’interpeller sans distinction des individus se trouvant dans la rue (…) à Paris ».

Le rapport pointe également des atteintes aux droits des personnes placées en garde à vue, des fouilles systématiques en sous-vêtements, les femmes se voyant contraintes d’enlever leur soutien-gorge, une notification des droits tardive et incomplète, des conditions de détention « attentatoires à la dignité » , une hygiène des cellules indigne, un accès à l’eau et la nourriture défaillant.

Au terme de ces gardes à vue, 80 % des personnes ont été relâchées sans aucune poursuite.

En réponse, Gérald Darmanin accuse la contrôleure d’outrepasser ses pouvoirs et tente de justifier sa politique répressive en faisant accroire que c’est uniquement faute de preuves et non parce qu’elles sont innocentes que les personnes interpellées ont été relâchées.

« En démocratie, quand une infraction n’est pas prouvée, elle ne peut être punie », commente Dominique Simonnot sur Franceinfo, le 3 mai.

« Il y a une forme d’intimidation de la part du pouvoir, intimidation qui veut dire : ce n’est pas la peine d’y aller, vous voyez ce qui arrive ».

Cette caractérisation de la situation, par une de ses serviteurs, nommée par Macron, trois semaines après le rapport de la Défenseure des droits dénonçant la détérioration des droits dans l’Hexagone, en dit long sur la profondeur de la crise de l’appareil d’Etat. De plus en plus isolé, Macron n’a d’autre choix que la violence, que ce soit celle du 49.3 ou celle des forces de l’ordre contre les manifestants.