France Travail : une machine à détruire les droits

La mise en place de France Travail est prévue pour janvier 2014. De quoi s’agit-il ? Quels buts et objectifs ? Nous avons interviewé Gérald Fromager qui, durant neuf ans, fut secrétaire général du Syndicat national CGT-FO de l’ANPE.

Dans l'agence Pôle Emploi de Gap (Hautes-Alpes), en février dernier (photo Thibaut Durand / Hans Lucas via AFP)
Par la rédaction d'IO
Publié le 23 mai 2023
Temps de lecture : 9 minutes

S’agit-il d’une nouvelle réforme aménageant l’existant ou d’un chamboulement des structures qui concourent à ce que l’on appelle les services de l’emploi ?

Gérald Fromager : La réponse est un peu contenue dans ta question. Le « service public de l’emploi », initialement, reposait sur le « service public de placement », qui était, principalement, l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi, héritière des Bureaux de la main-d’œuvre, sous la tutelle du ministère du Travail) et les Assedic, qui étaient le régime d’assurance chômage (Rac). Lors de la première cohabitation, le ministre du Travail de l’époque, Philippe Séguin, a modifié, par ordonnance, le statut de l’ANPE qui, dès lors, « concourait au service public de l’emploi ». Cela se passait en 1986.

Il est nécessaire de remonter si loin ?

Oui, car il s’agit d’un long processus de destruction, où chaque gouvernement a depuis mis la main à la pâte. Cela dit, on va faire un saut en avant et arriver à la fusion de l’ANPE et des Assedic, voulue par Nicolas Sarkozy, qui expliquait que « la main qui indemnise doit être la même que celle qui propose des emplois » et, éventuellement, sanctionne les chômeurs récalcitrants. C’était en 2008, et la « réforme » était déjà présentée pour « rendre plus efficaces les politiques d’activation des demandeurs d’emploi ».

Sarkozy foulait là aux pieds un principe fondamental : l’allocataire d’une indemnisation versée par les Assedic percevait en fonction des droits qu’il avait acquis par ses cotisations pendant son emploi.

A noter que, ce faisant, l’Etat mettait la main sur tout le patrimoine immobilier du Régime d’assurance chômage acquis par le salaire différé des travailleurs. Pour en revenir au sujet, « l’activation des demandeurs d’emploi » était au centre de la volonté présidentielle de l’époque.

L’actuel projet ne fait que reprendre ce thème éculé qui cherche à faire croire qu’il suffit “de traverser la rue pour trouver un emploi” et que, par conséquent, ceux qui n’en trouvent pas sont soit des profiteurs, soit des gens qui ne connaissent pas les bonnes méthodes pour se reclasser.

Cela est d’ailleurs le thème central du projet France Travail. Le rapport remis par Olivier Dussopt à Emmanuel Macron, le mois dernier, totalise presque 300 pages. Selon lui, tout repose sur, je cite : « Trois leviers essentiels du rapport France Travail :

  • l’inscription à France Travail de toutes les personnes sans emploi, pour éviter que certaines passent entre les mailles du filet, associée à un diagnostic de leur situation, pour bien les accompagner et leur apporter la bonne solution au bon moment ;
  • travailler sur les “communs” des différents acteurs, pour jouer collectif et apporter une réponse adaptée à chaque personne et à chaque entreprise. Cela suppose des systèmes d’information partagés, ou a minima des outils numériques interconnectés, ainsi qu’un langage commun dans nos référentiels de métier, par exemple ;
  • une gouvernance partagée pour mobiliser efficacement les moyens de la politique de l’emploi.»

Donc, le postulat est simple, sinon simpliste : il faut un guichet unique pour toute personne sans emploi (et quel qu’en soit le motif) pour éviter que « certaines passent entre les mailles du filet ».

Le bla-bla qui figure (…)


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