« Du jamais-vu dans l’histoire de l’Institut »

Valérie Pécresse (présidente de la région Ile-de-France) souhaite détruire l’institut d'urbanisme IPR en réduisant sa subvention régionale de 10 %. L’AG du mardi 28 novembre a voté la grève à l’unanimité. La parole à Léo Mariasine, délégué syndical CGT.

L'assemblée générale des grévistes, le 26 novembre, (Correspondant).
Par la rédaction d'IO
Publié le 8 décembre 2023
Temps de lecture : 2 minutes

L’Institut Paris Région (IPR) est la plus grande agence d’urbanisme d’Europe, outil d’aide à la décision des politiques publiques sur les transports, le logement, l’environnement, l’énergie, entre autres, et regroupant 200 experts.

Les personnels sont mobilisés depuis plusieurs mois. Peux-tu nous dire pourquoi ?

Léo Mariasine : Valérie Pécresse (présidente de la région Ile-de-France, Ndlr) souhaite détruire l’IPR en réduisant sa subvention régionale de 10 % dès 2024. A l’heure où la région Île-de-France garantit 80 % de nos financements, une telle mesure mettrait immédiatement à la porte une trentaine de salarié.e.s tout en réduisant considérablement nos capacités à assurer nos missions d’intérêt général.

La présidente de région prétend rendre « indolore » cette asphyxie financière en nous faisant déménager dans les locaux du conseil régional de Saint-Ouen, alors même que 90 % de nos salarié.es estiment qu’une telle mesure fragiliserait nos conditions de travail et notre indépendance technique vis-à-vis du politique.

Face à cette attaque sans précédent, l’AG du mardi 28 novembre a voté la grève à l’unanimité sur les revendications suivantes : augmentation de la subvention régionale pour compenser intégralement l’inflation, non au déménagement dans les locaux du conseil régional.

Valérie Pécresse semble rester droite dans ses bottes. Pourtant, vous appelez à nouveau à un rassemblement le 7 décembre et avez voté à la quasi-unanimité un « préavis de grève » jusqu’au moment du vote du budget de la région le 21 décembre…

L. M  : Il se passe quelque chose d’exceptionnel à l’IPR. Portés par une base syndicale militante qui s’est considérablement renforcée l’année dernière lors des batailles pour les salaires et contre la réforme des retraites, les salariés de l’IPR sont déterminés à enclencher un rapport de force avec l’exécutif régional.

Ainsi des femmes et des hommes qui n’avaient jamais fait grève ont voté à l’unanimité une « grève bloquante », c’est-à-dire le blocage pur et simple de la production. Du jamais vu dans l’histoire de l’Institut, voire de notre secteur d’activité : on bloque une usine, mais des études ?

Le plus incroyable c’est qu’alors même que le contexte est dramatique, nous n’avons jamais été aussi heureux et soudés au travail : ils veulent nous écraser, ils nous ont renforcés ! Et nous ne sommes pas seuls dans la bataille. L’ensemble des élus d’opposition au conseil régional nous soutient, des socialistes aux Insoumis en passant par les écologistes et les communistes.

Des articles de presse sortent régulièrement, et une centaine de chercheurs ont publié une tribune en notre faveur dans Le Monde. La fédération CGT des sociétés d’études et les camarades CGT nous soutiennent. Enfin, des militants Insoumis sont venus tracter en notre faveur devant notre bâtiment, ce qui a été très apprécié par les salariés de la boîte. Une pétition circule, elle a déjà récolté près de 2 000 signatures.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’état d’esprit est au combat à l’IPR…

L. M : Ne craignez jamais d’être combatif. Le contexte l’exige plus que jamais, et les gens attendent de la radicalité davantage que du consensus. Des « gentils chercheurs » sont en train de défier Valérie Pécresse sur la base d’un rapport de force, c’est bien la preuve que tout le monde peut le faire ! Il y a deux semaines encore, des membres de ma propre section CGT me disaient que les salariés ne voudraient jamais le blocage de la production, aujourd’hui ils la votent à l’unanimité ! Il y a un bouillonnement légitime dans la société que les syndicats doivent prendre en compte, pas pour le réfréner mais pour au contraire lui permettre de peser dans les rapports de force.