Isabelle d’Artagnan : « Réussir à renverser tous ces gens »

Interview d’Isabelle d’Artagnan, membre de l’institut La Boétie et de La France insoumise.

Par la rédaction d'IO
Publié le 14 janvier 2024
Temps de lecture : 3 minutes

Comment décrirais-tu le contexte actuel ?

Isabelle d’Artagnan : C’est un contexte de plus en plus tendu. D’un côté nous connaissons les plus grandes mobilisations françaises sociales depuis 50 ans, avec des manifestations géantes. Et de l’autre, les élites – le bloc bourgeois – se radicalisent et se transforment en bloc fasciste. On a une fascisation accélérée du climat français. Ces derniers jours on constate que les groupes néonazis, au sens propre du terme, ont table ouverte à la fois dans les médias et dans les rues. On commence à revoir des manifestations de ligues fascistes et néonazies… Ce qu’on n’avait pas vu depuis extrêmement longtemps en France.

Quels sont, selon toi, les moyens de s’opposer à ce cours mortifère ?

Il y a certes ce contexte réaliste et critique de la situation en France, mais aussi à l’échelle internationale. Il y a pourtant aussi des faits positifs. À mon sens, En France, La France insoumise se trouve être actuellement le plus grand mouvement de gauche. La France insoumise a recueilli huit millions de voix aux dernières élections et compte entre 50 000 et 100 000 militants répartis dans tout le pays.

C’est un fait positif, car tous nous militons pour des objectifs communs, en particulier celui d’opérer une rupture avec le système capitaliste et bourgeois, français et international, pour aller vers une société de la collectivisation des besoins. Voilà un des objectifs sur lequel nous pouvons nous unifier.

Mais surtout il y a une communauté de méthode : nous partons tous des luttes effectives, et chacun, à notre échelle, nous tentons d’organiser, d’aider le peuple à s’organiser, à auto-organiser ses luttes, pour se rassembler dans des conseils, pour améliorer sa conscience de la lutte et des classes, pour aller vers une fédération du peuple et tenter de renverser ce système par la voie légale et pacifique.

C’est ce qu’on a appelé la stratégie de l’Union populaire, mais en fait c’est en grande partie une reprise de la stratégie de la révolution citoyenne, telle qu’elle existe en Amérique du Sud. Selon moi, c’est même une continuation sous d’autres formes du socialisme, de la démocratie des conseils qui a commencé avec la Première République française, qui a continué avec la Commune de 1871, et qui s’est poursuivi avec les programmes de Rosa Luxemburg ou des révolutionnaires russes.

Tu estimes qu’un des faits positifs en France est l’existence du mouvement de La France insoumise, dans quel sens ?

La France insoumise est une sorte de point d’appui pour massifier nos idées communes, pour massifier nos luttes communes. Je vous donne quelques exemples : depuis peu LFI a repris le mot d’ordre d’échelle mobile des salaires. Ce n’était en effet pas dans le programme au départ.

C’est le produit de l’expérience pratique de nos luttes. C’est aussi le produit d’un contexte historique difficile : la massification des idées radicales trouve en partie sa source dans la fragilisation des conditions matérielles d’existence et dans la brutalisation du peuple par des élites fascisées.

Avoir appelé à un cessez-le-feu immédiat et à la fin du blocus dans la bande de Gaza et en Palestine, avoir appelé sur cette base à une manifestation le 17 octobre dernier va dans ce sens également. La France insoumise a mis un nom clair sur un événement, c’est-à-dire un nettoyage ethnique et un génocide. C’est un aspect de cette méthode qui fait que nous sommes connectés, que nous coopérons avec de nombreuses forces. C’est pour ces raisons qu’il y a des pressions de plus en plus déterminées.

Il y a une panique du système face à un grand mouvement de rupture qui ne lâche rien, et qui continue malgré le fait que la totalité du système et des élites le cible en permanence ; malgré les menaces de morts, les attentats déjoués ou les ligues fascistes qui s’organisent pour littéralement supprimer nos dirigeants.

Plus ça résiste en face et plus ça signifie qu’on tient le bon bout, qu’il faut appuyer encore plus fort ! Se mobiliser, tisser des liens : cette stratégie d’ouverture est précieuse. Nous allons continuer. C’est un véritable outil pour massifier la lutte et pour réussir à renverser tous ces gens.