Vous avez dit « préoccupations ? »

Il y a des Premiers ministres qui sont dans le giron politique depuis des années et qui, pourtant à peine nommé, s'engouffrent dans la voie du « maître » pour aller au-devant des Français afin de connaître leurs préoccupations...

Gabriel Attal, fraîchement désigné Premier ministre, dans un "débat", entouré d'élus et d'habitants du Rhône, le 20 janvier (photo AFP).
Par Yves Ouditou
Publié le 26 janvier 2024
Temps de lecture : 3 minutes

Il y a des Premiers ministres qui sont dans le giron politique depuis des années et qui pourtant à peine nommé s’engouffrent dans la voie du « maître » pour aller au-devant des Français afin de connaître leurs préoccupations.

Savoureux, alors que le dernier en date est dans le circuit depuis plusieurs années, qu’il ne les connaisse pas !

Dans le Rhône, il entendait s’appuyer sur ce que le Président avait fait : « être face aux Français et les entendre », à défaut de les comprendre.

Pourtant, le souverain ne s’est-il pas planté dans ses grands débats qui n’ont débouché sur rien ? Ne s’est-il pas planté à Saint-Denis dans le cadre de sa prétendue volonté de dialoguer avec les élus(e)s ? Ne s’est-il pas planté avec le conseil national de la refondation et j’en passe, avec vœux, conférence de presse qui devait lui faire regagner « la popularité » auprès des Français. Connaît-il aujourd’hui les préoccupations des Français ?

Ce qui se passe réellement dans le pays

Petits conseils au nouveau Premier ministre : il n’y a rien de tel qu’un vrai regard sur ce qui se passe dans le pays depuis bien des années pour comprendre et enregistrer les préoccupations des Français.

La prétendue « crise des gilets jaunes » n’était pas un épiphénomène, elle démontrait la misère qui s’installait, les difficultés pour vivre décemment et se nourrir, pour se déplacer avec des prix de l’essence explosant.

Les crises sociales marquées notamment par le fait de vouloir casser les régimes de retraite et faire « bosser » les Français deux ans de plus.

La volonté d’un exécutif de s’en prendre encore plus aux chômeurs en les attaquant dans leurs droits après s’être attaqué au Code du travail déjà sur la mandature de Hollande et en remettant la gomme encore une fois lors de la dernière conférence de presse.

Le Premier ministre entend-il les enseignants et les personnels de l’Éducation lorsqu’ils se mobilisent, font grève car les promesses en termes de salaires n’ont pas été tenues et que l’école publique est menacée de privatisation ?

A-t-il besoin d’aller à la rencontre des Français pour entendre leurs préoccupations lorsqu’il constate la forte mobilisation de ceux qui seront impactés par les jeux Olympiques et qui ne pourront pas prendre de congé et n’obtiendront que des miettes en termes de salaire ?

A-t-il besoin d’aller à la rencontre des personnels soignants quand il sait que sa politique continue à détruire des lits, des services d’urgences, des hôpitaux et des personnels sans, depuis la pandémie, avoir modifié les conditions de travail et la politique salariale ?

A-t-il besoin d’aller à la rencontre des agriculteurs pour savoir qu’ils « crèvent » des normes, des contraintes et des directives européennes alors qu’ils veulent vivre dignement de leur travail ?

A-t-il besoin d’aller au-devant des travailleurs de la grande distribution, comme c’est le cas chez Casino, qui apprennent, comme leurs syndicats, au dernier moment, la fin de leur enseigne et les difficultés liées à l’emploi pour eux et donc à leur existence ?

A-t-il besoin d’aller auprès des Français pour savoir qu’ils souffrent, pour une très grande partie d’entre eux, d’une inflation sur les produits de première nécessité les conduisant à la précarité et à la misère ?

A-t-il besoin de poser la question aux mêmes de ce qu’ils pensent d’une augmentation de près de 10 % du prix de l’électricité ?

Vous voulez qu’on continue ?

La réalité c’est qu’il n’est certainement pas nécessaire d’aller au-devant des Français pour connaître leurs préoccupations quand ce Premier ministre, comme les précédents, sait bien que c’est leur politique, leurs contre-réformes qui occasionnent non seulement les préoccupations des Français mais toutes leurs difficultés à sortir du seuil de pauvreté dans lequel les présidents et gouvernements successifs les ont poussés.

Si l’on peut rajouter une dernière préoccupation, c’est celle qui conduit des millions de Français à se poser la question d’un budget militaire qui représente 413 milliards d’euros et d’un exécutif qui pousse les producteurs de canons à augmenter leurs cadences de production pour approvisionner les pays en guerre, ne se souciant guère de la vie des travailleurs.

Allez, Monsieur le Premier ministre, si vous n’avez pas encore compris les préoccupations des Français, encore un petit effort, copiez le Président Giscard d’Estaing et invitez-vous chez les Français pour partager leur repas.

La seule chose que vous risquez, c’est la soupe à la grimace et le gâteau sur la tête !