La santé des femmes, un combat qui est devant nous

Le Comité de défense de la gynécologie médicale (CDGM) vient de tenir son assemblée annuelle – le 18 mars, à Paris – dont vous pourrez lire ici quelques points de vue et témoignages.

Manifestation du Comité de défense de la gynécologie médicale en 2000 pour le rétablissement de la gynécologie médicale (photo CDGM).
Par la rédaction d’IO
Publié le 7 avril 2024
Temps de lecture : 5 minutes

Cette assemblée avait lieu quelque temps après le colloque organisé au palais du Luxembourg, pour marquer les 20 ans du diplôme d’études spécialisées de gynécologie médicale, après 17 années de suppression. Aujourd’hui, la situation plus qu’alarmante de pénurie de gynécologues médicaux, dont sont responsables les pouvoirs publics depuis des décennies, a des conséquences graves particulièrement pour les jeunes.

Cet état des lieux appelle, aujourd’hui encore, à la poursuite du combat. Celui pour empêcher la disparition d’une spécialité que les femmes considèrent comme un acquis et un droit essentiel dans le domaine de la santé et de leur émancipation.

« Pour mener ce combat, nous avons besoin de le nourrir de nos expériences »

Emma Bougheroumi nous a transmis de larges extraits de son intervention à cette assemblée.

« Je voudrais simplement poser une question, tenter d’y répondre et vous inviter à y répondre avec moi : pourquoi aujourd’hui participer et continuer le combat du CDGM ? Est-ce un combat du passé, un combat révolu ?

En effet, cette année nous avons « fêté » les 20 ans de la réouverture de la formation des gynécologues médicaux. Cela fait donc 20 ans que le diplôme existe à nouveau. Et cela grâce au combat des femmes, grâce à notre combat, celui du CDGM. Cela signifie-t-il que notre combat est achevé ?

Comme vous le savez toutes, récemment la liberté d’avoir recours à l’IVG est entrée dans la Constitution. Tout le monde s’en félicite. On a vu notamment au Trocadéro, la joie des femmes face à cette annonce !

Cela signifie-t-il que nous avons obtenu satisfaction à nos revendications en matière de santé ? Que pour ce qui concerne la santé, le corps des femmes, nous vivons dans un pays où il n’y a pas de problèmes ? Nous savons, malheureusement toutes que ce n’est pas le cas.

La réalité de la médecine dans notre pays

La réalité de l’accès à l’IVG dans notre pays, quelle est-elle ? En quinze ans, ce sont 130 centres d’IVG qui ont été fermés. Dans une dizaine de départements une femme sur deux voulant avorter doit chercher dans un autre département un centre pouvant l’accueillir. Et je ne parle pas des fermetures des planning familiaux…

Soit, mais, me direz-vous : cette situation n’existe pas que pour les femmes ! L’état de l’hôpital en général est désastreux. Fermetures d’hôpitaux, de lits, fermetures de services, fermetures d’urgences, manque de personnels, etc. Et pour la médecine de ville, c’est pareil.

On ne compte plus les déserts médicaux. Même Paris en devient un. Pour avoir un rendez-vous chez certains spécialistes, ce sont des mois d’attente !

Alors pourquoi continuer ce combat pour la gynécologie médicale ?

Parce que quand on remet en cause le droit d’accès à la santé pour tous ce sont les femmes qui sont les premières victimes, c’est la santé des femmes qu’on attaque en premier, comme c’est le cas pour le droit au travail.

Je parlais des services hospitaliers qui ferment, combien de maternités ont fermé ces dernières années ? Et il s’agit actuellement de fermer celles qu’on juge encore trop petites. J’ai évoqué les centres d’IVG. Je parlais de l’accès à des spécialistes.

Nous savons toutes ici que trouver un rendez-vous chez un gynécologue, c’est le parcours du combattant, voire impossible dans plusieurs départements.

La santé des femmes n’est pas un problème du passé, mais un problème qui est devant nous

Je prendrai donc les choses dans l’autre sens : face à la réalité de l’état général de la santé aujourd’hui, le problème de la santé des femmes n’est pas un problème du passé, mais un problème qui est devant nous.

Et qu’est-ce que la gynécologie médicale sinon le médecin des femmes. C’est une spécialité qui accompagne l’émancipation des femmes, qui reconnaît leur droit à la santé, le droit des femmes à disposer librement de leur corps.

On peut juger de l’avancée considérable en matière de santé pour les femmes, en matière de connaissances scientifiques que représente la gynécologie médicale. Une médecine de la femme à tous les âges et tout au long de sa vie.

Une spécialité qui a fait ses preuves. Elle a eu des conséquences notables en termes de diminution de cancer du sein, du col de l’utérus.

Seulement, c’est bien simple, aujourd’hui on ne peut quasiment plus en consulter. Il n’y a pas suffisamment de nouvelles gynécologues formées pour combler le déficit.

La question des postes est donc cruciale, particulièrement cette année. Chaque année le CDGM se bat en direction du ministère de la Santé pour demander une augmentation du nombre de postes d’internes attribués à la spécialité.

Mais cette année de nombreuses coupes budgétaires sont annoncées par le gouvernement, cela ne présage donc rien de bon…Pourtant la santé des femmes n’est pas anecdotique.

Alors on ne peut pas accepter cette régression. En tout cas moi pas, et je pense que vous non plus. Je ne peux pas l’accepter au prétexte que la maison brûle et qu’il y aurait des choses plus importantes à défendre.

Cela reviendrait encore une fois à se mettre de côté, à accepter qu’on dise que la santé des femmes est moins importante que le reste.

Le combat que nous menons n’est malheureusement pas de l’histoire ancienne. Il y a aujourd’hui, et probablement surtout aujourd’hui, un combat à mener : défendre la gynécologie médicale, un combat à faire connaître car nous sommes quasiment les seules à en parler, parce qu’on cherche à l’enterrer.

Pour mener ce combat nous avons besoin de la discussion, de témoignages, d’expériences. Notre combat se nourrit de ces échanges. »

« La présence de jeunes femmes à cette assemblée a démontré l’importance de continuer la lutte »

Lou-Anne, étudiante

« Un fait marquant de cette assemblée était sa diversité : des femmes, des médecins étaient présentes, ainsi que des jeunes qui découvraient les actions du comité.

Nous étions près de quarante-cinq, femmes et professionnelles.

Nous avons donc pu écouter des interventions de gynécologues médicaux, mais aussi d’une sage-femme, d’une pharmacienne, qui nous ont rappelé que loin de se concurrencer comme on aimerait nous le faire croire, les différents corps médicaux se complètent et ne sont pas remplaçables.

La présence de jeunes femmes a démontré l’importance de continuer la lutte, puisque chaque femme présente était directement concernée par ce qui s’y est dit, et avait personnellement ou dans son entourage très proche, dû faire face à des situations de détresse face à un système de santé en train d’être détruit.

Il s’agit de défendre le système de santé dans son ensemble contre la casse de la santé publique organisée par le gouvernement, et dont les femmes sont les premières victimes. »

À propos des IVG médicamenteuses

Témoignage de Mina, jeune pharmacienne

« Un week-end, samedi dans la matinée, un très jeune couple se présente avec une ordonnance pour une pilule abortive. Je la lui délivre.

Quelques deux heures plus tard, à peine, le jeune homme revient, inquiet, paniqué, car “il y a beaucoup de sang”. Je comprends qu’ils ont décidé de faire cela le week-end, car ils ont cours dans la semaine. Ils sont seuls. Que faire ? Que lui conseiller ? je ne suis pas médecin… Les urgences.

C’est un exemple qui montre qu’aujourd’hui les jeunes femmes sont contraintes d’avorter au domicile, seules !

Les pouvoirs publics nous précipitent des décennies en arrière. Ce n’est pas acceptable ! Tant que les centres IVG accueillaient, tant que les maternités disposaient de services dédiés, nous pouvions avorter en sécurité, y compris par IVG médicamenteuse, mais aujourd’hui ? »

Le point de vue d’un gynécologue

« C’est la surveillance régulière des femmes sous pilule qui nous a fait les suivre comme jamais elles ne l’avaient été. Avant on ne connaissait que les femmes enceintes ou lors de l’accouchement ou lorsqu’elles se mettaient à saigner lors d’un fibrome ou d’un cancer du col. C’était un peu restrictif.

Ce suivi a fait qu’on a mieux connu toutes les pathologies dont les femmes pouvaient souffrir. »

Contacts : cdgm.national@orange.fr