Piquets de soutien devant la sous-préfecture de Saint-Denis
Les obstacles au renouvellement des titres de séjour sont une catastrophe pour les travailleurs immigrés. "On ne pouvait rester sans rien faire", nous raconte Diangou Traoré, militante associative et syndicaliste, membre de La France insoumise, habitante de Saint-Denis.
- Actualité politique et sociale

« À l’origine de cette action coup de poing, organisée depuis deux vendredis devant la sous-préfecture de Saint-Denis, il y a une alerte que je me fais à moi-même lorsqu’un de mes voisins se retrouve dans une situation critique. Il vient me voir, en août, pour que je l’aide face à notre bailleur Plaine Commune Habitat.
Il se retrouve avec une dette de loyer et en tant qu’administratrice de notre quartier, je l’accompagne. Mais le montant de son impayé est vraiment important. Ce n’est pas du tout son habitude. Qu’est-ce qui a pu lui arriver, sachant que je ne le vois plus à l’arrêt du bus le matin avec notre petit groupe de voisins, voisines qui avons les mêmes horaires pour partir au travail…
Il m’explique qu’il a un problème à la sous-préfecture qui n’a pas traité son dossier à temps. Il a donc perdu son titre de séjour, son contrat n’a pas été renouvelé. Sans récépissé à envoyer à la Caf, il n’a plus d’allocations. Il a tout perdu. La dette de loyer s’est accumulée. Impossible d’obtenir un rendez-vous à la sous-préfecture. La catastrophe !
Et puis je croise une autre voisine qui me dit qu’elle aussi a de gros problèmes pour arriver à obtenir un rendez-vous à la sous-préfecture pour un renouvellement de carte de séjour. Je décide alors de m’y rendre pour voir par moi-même ce qu’il en est.
« Des heures d’attente, des gens désespérés avec leurs dossiers à la main »
J’y suis allée le 26 août exactement. Je m’en souviens comme si c’était hier ! Ça a été le choc. Des dizaines et des dizaines de personnes amassées sur les trottoirs, en plein soleil, qui attendaient depuis des heures devant les lourdes grilles du bâtiment de l’ancien siège de la Banque de France, occupé maintenant par la sous-préfecture de Seine-Saint-Denis. Des grilles absolument fermées. Aucune information. Aucun accueil.
Seulement des agents de sécurité qui parlent vraiment mal, des gens désespérés avec leurs dossiers à la main, qui tentent de faire passer un document à travers les grilles ou à qui on tend un papier toujours à travers les grilles, depuis le petit matin comme ça et jusqu’à la fermeture en fin d’après-midi.
Je me suis mise à discuter avec les gens. Ils me disent qu’ils viennent pour un renouvellement d’un titre de séjour : un an, cinq ans, dix ans, beaucoup ont tout perdu – comme mon voisin – parce que leur dossier n’est pas traité.
« On ne pouvait rester sans rien faire »
On ne pouvait pas laisser les choses comme ça sans rien faire ! Un homme qui était là pour un titre de séjour de dix ans me dit : « Tu pourrais être ma fille. Elle aussi est née à Saint-Denis. Elle y vit toujours. Elle y élève ses enfants. Je suis grand-père. Elle vote pour La France insoumise à toutes les élections ! » Vraiment, je ne pouvais pas rester sans rien faire. Ces gens ont leurs enfants qui sont nés ici, qui ont des enfants qui vont à l’école, on est comme eux. On vit dans les mêmes quartiers.
Depuis cet après-midi-là, j’ai décidé de monter des piquets. Je me suis dit : j’y vais ! et on verra bien qui vient avec moi. Il y a plusieurs organisations, des associations, des militants, des syndicalistes. On est déjà venu la semaine dernière et on fait des piquets de soutien à partir de 7 heures jusqu’à midi pour surveiller comment se passe l’accueil.
Vendredi dernier, au premier piquet de veille, le sous-secrétaire est descendu tout de suite nous voir, un peu étonné. Il se rend compte qu’on est devant la grille avec les gens, avec nos cafés, nos croissants, et il dit : « Allez, personne sur le trottoir, tout le monde rentre ! ».
Les grilles se sont enfin ouvertes et les gens ont pu au moins attendre dans la cour. C’est fou parce que le dispositif pour faire la queue tranquillement, avec un petit barnum devant la porte, un tourniquet, etc. il existe. C’est un petit dispositif d’accueil pas exceptionnel, mais il y en a un. Et bien, même ça n’était pas utilisé ! Depuis la semaine dernière, au moins ça s’est donc un peu humanisé.
« Marche prévue le 4 octobre »
Nous avons demandé un rendez-vous avec le sous-préfet qui nous a reçus ce vendredi en fin d’après-midi. La première chose qu’on lui a dite c’est que plus personne ne devait être laissé sur le trottoir, tout le monde devait pouvoir rentrer à l’intérieur. Les gens ont le droit d’être accueillis dignement. C’est un service public. Il n’y a pas de raison de traiter les gens comme ça ! Ce sont des familles, des gens qui travaillent, qui vivent ici. Et les gens souffrent énormément.
Voilà où en est avec cette politique de Macron de casse des services publics, de tout dématérialiser, et de régulariser de moins en moins d’étrangers. On ne vient pas comme ça en France pour le plaisir. C’est l’impérialisme qui pille et détruit là-bas et c’est l’impérialisme ici qui bloque l’accès aux droits et qui traite mal la population, toute la population qu’elle soit étrangère ou pas.
Maintenant, on va continuer nos piquets de veille, vérifier qu’au moins la grille reste ouverte, pas seulement les jours où on est là. Une marche est convoquée pour vendredi prochain (le 4 octobre – Ndlr) qui partira de la mairie de Saint-Denis et qui se rendra jusqu’au bâtiment de la sous-préfecture.
Nous avons mis une pétition en ligne, nos demandes sont claires et plutôt élémentaires : traitement des dossiers des administrés dans des conditions raisonnables (en particulier en termes de délais), personnels administratifs suffisant, application du droit. C’est le minimum !
Cette situation, on sait qu’elle existe depuis longtemps, mais ça se dégrade brutalement depuis quelques mois. Alors rien qu’avec ça on voit qu’on se prend en pleine face la politique de Macron ! Et rien que comme ça, on lutte contre lui !
Propos recueillis par Hélène B., le 27 septembre.
