Cent-unième département français ?
Cette île de l’archipel des Comores, dévastée par le cyclone Chido le 14 décembre, est « française » au terme d’un coup de force, bien à l’image de la domination coloniale.
- Actualité internationale, Mayotte

L’archipel des Comores, dans l’océan Indien, est composé de plusieurs îles : Grande Comore, Anjouan, Mohéli, Mayotte et quelques îlots. O n y trouve des traces humaines dès le huitième siècle. Des populations venues d’Afrique, puis d’Asie ont donné naissance au peuple des Comores. Avec ces vagues d’implantation, c’est l’islam qui devient la religion dominante.
De nombreux sultanats et royaumes se sont succédé, régnant sur certaines îles ou l’archipel tout entier, puis au XVIIIe siècle, le colonialisme impose sa mainmise. Le comorien est la langue commune aux populations de l’ensemble de l’archipel.
En 1974, pour donner suite aux décisions de décolonisation de l’Onu, la France se voit contrainte d’organiser un référendum d’indépendance. Le résultat est sans appel : 93 % de la population de l’archipel se déclare en faveur de l’indépendance. Le gouvernement français de l’époque décide alors de ne pas tenir compte du résultat de l’archipel mais décide de les considérer île par île. Et comme à Mayotte, 63 % se sont prononcés pour le maintien en France, le gouvernement colonial décide que ce territoire demeure français. Les partis comoriens dénoncent cette violation du droit, ainsi que l’Onu.
L’intérêt de la France réside essentiellement dans le maintien de son domaine maritime qui en surface est le deuxième au monde après les Etats-Unis. Mayotte devient ainsi une base française dans l’océan Indien. Or le résultat à Mayotte s’explique par la composition particulière de l’île où il y a un nombre significatif de colons français et de Mahorais dépendant des institutions françaises, et par une intense campagne de propagande vantant les mérites de la République française (Sécurité sociale, fonction publique, etc.).
Mais la réalité est autre. Il n’est pas question du cent-unième département français, mais des restes de la domination coloniale.
Avant même le cyclone, la situation était catastrophique : 60 % de la population est au chômage, il n’existe qu’une seule station d’épuration d’eau qui fonctionne à moitié. Répétons-le, le problème de l’eau sur l’île était central avant même le cyclone. La plupart des Mahorais n’ont pas accès à l’eau courante.
L’hôpital est sous-équipé et ne peut faire face aux besoins de la population. Faute d’enseignants et de locaux, les enfants mahorais ne vont qu’une demi-journée à l’école, en rotation. La pauvreté, les maladies, la précarité sont généralisées. Les deux-tiers de la population vivent dans un habitat de fortune. Contrairement à ce qu’affirment les responsables politiques et les médias, dans les bidonvilles on trouve un tiers de Mahorais qui ont la nationalité française, un tiers de Mahorais immigrés « légaux » et un tiers d’immigrés « illégaux ».
En voyage sur place, le ministre Bruno Retailleau a indiqué qu’on ne pourrait régler le problème de l’insalubrité du logement sans régler le problème migratoire. De quel problème migratoire est-il question ? Mayotte est une île de l’archipel des Comores, les autres habitants de l’archipel sont donc chez eux à Mayotte. Ils y ont souvent de la famille, des amis, ils parlent la même langue, ont la même religion, les mêmes références culturelles, parce qu’il n’y a qu’un seul peuple sur tout l’archipel. Et comme toujours, le colonialisme cherche à diviser les peuples, à dénoncer les « migrants » pour les rendre responsables des violences et de l’insécurité.
Mais la violence et l’insécurité viennent de la pauvreté, de la précarité et de l’absence d’avenir pour la jeunesse. Il y a 1 500 policiers et gendarmes postés en permanence à Mayotte, et un régiment de la légion étrangère. Cela rappelle le cas d’autres territoires, d’autres pays qui malgré tout finirent par s’émanciper du colonialisme français.
Solidarité totale avec les Mahorais ! Aucune illusion sur les « bienfaits » du colonialisme, totalement responsable des conséquences catastrophiques du cyclone.
