A propos de l’accord de non-censure défendu par le Parti socialiste
Après les multiples pourparlers à l'Elysée et à Matignon, un « haut gradé » du PS aurait eu ces paroles agacées et dépitées : « Bayrou ne nous aide même pas à ne pas passer pour des cons auprès des Insoumis »…
- Actualité politique et sociale

Après une semaine de conciliabules à Matignon, Olivier Faure a déclaré à la suite d’innombrables contorsions, le 19 décembre : « Nous n’avons pas trouvé les raisons de ne pas censurer. » Il n’a « pas trouvé » … Quelle ingratitude du sort ! Quel aveu, surtout…
« L’ambition initiale n’était pas de voter la censure. Mais force est de constater que Bayrou est en train de nous pousser à faire ce qu’on n’a pas envie de faire », dit encore le porte-parole du groupe PS à l’Assemblée nationale, Arthur Delaporte (Mediapart, 20 décembre).
Mais qu’y avait-il donc à chercher chez François Bayrou, partisan de la première heure d’Emmanuel Macron, sinon la continuation du désastre pour les classes populaires, et la poursuite de l’insupportable déni de démocratie, après la déroute du camp présidentiel aux dernières élections ?
Le PS n’a pourtant pas ménagé ses efforts. Lionel Jospin lui-même était sorti de sa longue retraite. Ayant siégé à Matignon de 1997 à 2002 (où il privatisa plus que ses prédécesseurs de droite), et mené le PS à la déroute à la présidentielle en 2002 (il ne put même pas accéder au 2nd tour, devancé par Jean-Marie Le Pen), il est monté au créneau pour prodiguer ses conseils : « Il faut que les socialistes contribuent à ce que ce gouvernement [Bayrou] dure ! » (France inter, 15 décembre).
Le chef des sénateurs PS, Patrick Kanner, a eu cette sortie, le 16 décembre : « Nous souhaitons comprendre quelles sont les conditions à partir desquelles nous pourrions considérer que ce gouvernement est dans une logique de dépassement de ce qu’a été le macronisme pendant sept ans ». Un « dépassement » du macronisme, avec Bayrou ! ?
Johanna Rolland, première secrétaire déléguée du PS, avait réclamé sur BFMTV, le 18 décembre, son envie d’avoir « des interlocuteurs, des hommes et des femmes qui se mettent autour de la table et qui nous disent le chemin de compromis, pour aller vers une non-censure, qui peut être posée ».
La direction du PS, toutes écuries confondues, écrit à Bayrou le lendemain : « Depuis le vote de la motion de censure, nous avons fait preuve de notre volonté de donner une issue positive à la crise (…), nous avons manifesté notre ouverture au compromis ».
La gauche « ne veut pas le chaos », plaide encore, ce 23 décembre, Raphaël Glucksmann (Place publique), appelant, envers et contre tout, à « négocier un accord de non-censure avec François Bayrou ».
Quel accord ? La direction du PS met en avant sa « demande de suspension immédiate de la réforme des retraites de 2023 » avec « la mise en place d’une conférence sociale dès le mois de janvier 2023, afin d’évaluer les voies de financement alternatives ». Il faut « reprendre (la réforme), sans suspendre », répond en retour François Bayrou.
« Reprendre », « suspendre » : dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de contrer toute idée d’abroger. « La seule méthode que je connaisse à ce stade, ce n’est pas d’exiger une abrogation », avait dit lui-même François Hollande, le 15 décembre.
Les positions de Bayrou et du PS, sur le fond, ne sont absolument pas irréconciliables : elles ont en commun, toutes les deux, de fouler aux pieds le programme du NFP et l’aspiration de l’immense majorité de la population.
Mais un spectre hante le pays : celui d’un immense rejet, appuyé et relayé par une force politique de rupture incarnée par La France insoumise (LFI). Et cela, le Parti socialiste ne peut pas, à ce stade, s’en émanciper, au risque d’être assimilé au régime honni d’Emmanuel Macron.
Est-ce que cela signifie que les tentatives du Parti socialiste pour tenter de sauver Macron et le régime de la Ve République vont s’arrêter ? Ce scénario est peu probable.
Mais, à l’inverse, une chose est sûre : LFI a mille fois raison de combattre politiquement pour la démission de Macron, qui serait en définitive un premier pas réel en direction de la satisfaction des exigences de la population. Et le plus tôt sera le mieux !
C’est dans ce sens qu’il faut comprendre ce qu’explique à mots couverts le journal l’Opinion (20-21 décembre 2021), en citant un « haut gradé du PS » qui expose, sous le couvert de l’anonymat, le fond de l’affaire : « La proposition de Bayrou arrive beaucoup trop tard (…). Là, il ne nous aide même pas à ne pas passer pour des cons auprès des Insoumis ».
Des Insoumis qui, dès le premier jour de la nomination de Bayrou, le 13 décembre, ont déclaré qu’ils actionneraient la censure quoi qu’il arrive, appelant au départ d’Emmanuel Macron.
