« La bataille pour le contrôle du marché mondial a immanquablement déclenché une course à l’armement d’une ampleur sans précédent »

Entretien avec Benjamin Bürbaumer, maître de conférences en sciences économiques, Sciences Po Bordeaux, à propos de son livre Chine/Etats-Unis, le capitalisme contre la mondialisation , Editions La Découverte, 2024.

Par Jean-Pierre Fitoussi
Publié le 9 mars 2025
Temps de lecture : 6 minutes

Tu explique que concernant la Chine, « l’intégration de cette dernière à la mondialisation résulte donc d’une alliance improbable entre des communistes chinois et des capitalistes américains.4p.10»

Benjamin Bürbaumer : Ce constat peut surprendre. Il s’agit en effet d’une alliance de circonstances nouée dans les années 1980, qui rend l’intégration subordonnée de la Chine dans la mondialisation possible. Du côté américain, l’objectif consistait à rendre l’immense économie chinoise accessible aux investisseurs étrangers, afin de leur permettre de redresser la rentabilité. Cette dernière a subi un coup en raison de la crise structurelle des années 1970. Du côté des autorités chinoises, il s’agissait de promouvoir une accélération du développement économique national. Ces deux ambitions pouvaient se rejoindre dans les années 1980 et 1990, et donner l’impression d’une relation symbiotique. Derrière l’apparente entente, on observe pourtant des motivations différentes, qui se sont transformées en désaccords ouverts, dès les années 2000 – bien avant l’arrivée au pouvoir de Donald Trump ou Xi Jinping. Les tensions très fortes entre les deux grandes puissances, que nous observons aujourd’hui, fissurent l’édifice transpacifique en réalité depuis plus de 20 ans.

Mais pour cela, comme « l’héritage de la révolution de 1949 avait assuré un certain nombre de droits aux travailleurs qui, aux yeux des multinationales, réduisaient l’attrait de l’économie Chinoise. Le PCC se devait donc de les démanteler5p. 84 ».

A partir de la fin des années 1980, le PCC, sous l’égide de sa fraction libérale qui s’impose alors, considère que la libéralisation est la seule voie permettant d’accélérer le développement économique du pays. Plusieurs changements profonds en découlent. Par l’introduction d’un système dual des prix les entreprises d’Etat sont incitées à se réorganiser en fonction de l’impératif du profit, plutôt que de viser les objectifs fixés par le plan. Les conditions d’emploi et de rémunération furent également modifiées. En autorisant les directions d’entreprise à licencier, le principe de l’emploi à vie a été (…)


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