Septembre 1993 : les accords d’Oslo

Nous consacrons cet article à publier des extraits de La Vérité n° 30 (mai 2002) consacrés aux accords d’Oslo, signé entre le comité exécutif de l’OLP et l’État d’Israël sous l'égide du président américain Bill Clinton.

Le président américain Bill Clinton se tient entre le chef de l’OLP Yasser Arafat (à droite) et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin (à gauche) le 13 septembre 1993 à la Maison Blanche à Washington D.C. (AFP)
Par Henriy Halphen, Lucien Gauthier
Publié le 20 juillet 2025
Temps de lecture : 6 minutes

Nous consacrons cet article à publier des extraits de La Vérité n° 30 (mai 2002) consacrés aux accords d’Oslo.

C’est sous le regard vigilant du président des États-Unis, Bill Clinton, que le lundi 13 septembre 1993, a eu lieu la signature en grande pompe des prétendus accords de paix entre le comité exécutif de l’OLP et l’État d’Israël.

Il ne faisait pas l’ombre d’un doute que c’était Clinton le maître d’œuvre, le chef d’orchestre. Si Yitzhak Rabin, le Premier ministre d’Israël, hésite, Clinton le regarde, le pousse dans le dos pour l’obliger à serrer la main de Yasser Arafat.

Derrière cette image, quel est le contenu des accords d’Oslo ? Pour cela nous publions le point 2 de la déclaration de la IVe Internationale qui analyse le contenu de l’accord.

Cette déclaration s’inscrit dans la tradition des positions qui ont toujours été – et qui demeurent – celles de la IVe Internationale : il ne saurait y avoir de solution en dehors du combat pour une Palestine unie, démocratique sur tout le territoire historique de la Palestine, garantissant le droit au retour de tous les réfugiés. 

 

Tous, à l’instar des dirigeants américains, disent que ce prétendu accord de paix est une étape vers l’indépendance et la reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien. La IVe Internationale se base sur les faits, pour les analyser et dire la vérité. Quel est le contenu de cet accord ?

Dans son article premier, il est dit : “Le but des négociations est d’établir une autorité intérimaire palestinienne de l’autonomie, le Conseil élu (…), et amenant à un arrangement permanent basé sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l’Onu.

En un mot, le cadre est fixé : le “conseil” palestinien n’a d’autre autorité que d’appliquer ces résolutions – que l’OLP a condamnées durant des années avant de s’y rallier –, qui entérinent la partition de la Palestine, qui entérinent le démembrement du peuple palestinien, de mettre en œuvre une politique décidée ailleurs, c’est-à-dire par l’impérialisme américain.

En effet, l’article 3 indique que, “pour les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza (…), des élections politiques générales libres et directes seront organisées par le Conseil sous supervision mutuellement agréée et sous observation internationale, tandis que la police palestinienne assurera l’ordre public”.

Ainsi, pour ces “élections libres”, qui devront avoir lieu d’ici un an, non seulement ne votera qu’une fraction du peuple palestinien, mais ils ne voteront que dans le cadre fixé par l’étranger, c’est-à-dire l’impérialisme américain.

élections libres, dont on décide par avance d’exclure 5 des 6 millions de Palestiniens, qui, eux, ne sont ni à Gaza ni à Jéricho. De plus, ces “élections libres” seront organisées sous “supervision agréée” (par qui ?) et contrôle international, c’est-à-dire sous le contrôle direct de l’impérialisme américain sous le drapeau de l’Onu. Comme les prétendues élections libres en Angola, au Cambodge, où sont présentes les troupes de l’Onu et où les conflits les plus meurtriers déchirent ces peuples encore aujourd’hui.

Article 4 :La juridiction du Conseil s’étendra aux territoires de la Cisjordanie et à la bande de Gaza, à l’exception des questions qui seront discutées lors des négociations.

En un mot, la juridiction du Conseil ne s’appliquera à rien d’autre que ce que décide l’impérialisme américain au nom de l’application de “l’accord”. Véritable diktat de l’étranger. (…)

L’article 8 précise :Le Conseil établira une puissante force de police, tandis qu’Israël conservera la responsabilité de la défense contre des menaces extérieures.

Les dirigeants américains ont fixé la tâche pour les deux parties. Au Conseil palestinien, la police et la répression intérieure ; aux troupes israéliennes, le bouclage de ces ghettos. (…)

L’impérialisme américain décide de tout. Il dicte la loi, il sélectionne lui-même la police. D’ores et déjà, la Communauté économique européenne et Jacques Delors – l’architecte de Maastricht, l’ordonnateur des attaques contre les travailleurs d’Europe – viennent d’annoncer le déblocage de sommes d’argent pour la formation de cette “police palestinienne”.

Etape vers l’indépendance ? Qu’est-ce qu’un gouvernement représentant une nation, qu’est-ce que l’indépendance ? N’est-ce pas les libertés politiques, des plus élémentaires aux plus fondamentales, le droit du peuple de choisir ses propres institutions, de désigner ses représentants, de décider du sort du pays comme de sa politique étrangère, du droit à la terre ? Rien de tout cela ne figure dans cet accord. Au contraire, c’est précisément toutes ces questions qui, par avance, ne sont pas du ressort de cet autogouvernement. (…)

Est-il possible de considérer qu’il s’agit d’un pas en avant vers le droit du peuple palestinien à constituer une nation ? Non, c’est une construction de l’impérialisme, qui, au contraire, démantèle la nation.

Il s’agit, pour reprendre l’expression de cet accord, de la mise en place d’un Conseil qui n’est rien d’autre qu’une “structure” ayant pour seule et unique fonction d’appliquer à la lettre les termes de cet accord décidé par l’impérialisme pour ses intérêts propres et qui implique le démembrement de la nation palestinienne et du peuple palestinien. C’est là l’application de ce qu’entend l’impérialisme par “nouvel ordre mondial”.

L’article 4 de cet accord ose écrire que “les deux parties considèrent la Cisjordanie et la bande de Gaza comme une unité territoriale unique”.

Unité territoriale unique qui exclut plus des deux tiers de la Palestine, avec un “conseil” qui administrera Gaza et Jéricho, 400 km2 séparés de 150 kilomètres, où vivent près d’un million de Palestiniens, avec une densité de 2 000 habitants au kilomètre carré, qui sont pour la plupart des réfugiés de 1948, 1967, 1973, vivant dans des camps, dans une situation de pauvreté et de dénuement, dans une situation où 42 % de la terre leur échappent, restant sous le contrôle de l’État d’Israël.

Les millions de Palestiniens qui ont été chassés de leur terre, qui vivent bannis dans les États de la région et dans le monde entier, n’auront pas le droit au retour. Car les accords stipulent “la création d’un comité de suivi, qui décidera par accord des modalités d’admission des personnes déplacées en 1967 de la Cisjordanie et de Gaza”.

Ce comité de suivi, comme “l’autogouvernement”, sera contrôlé par les États-Unis. Soulignons-le, six Palestiniens sur dix vivent en dehors des limites de l’État d’Israël et des territoires occupés (c’est-à-dire des territoires militairement contrôlés par Israël après les guerres de 1956, 1967, etc.), dispersés dans le monde entier et concentrés par centaines de milliers en Jordanie, au Liban, en Syrie, etc. Avec la nouvelle partition, ce que l’accord cherche à réaliser, c’est à diviser ce peuple, à briser sa longue lutte de résistance, ce qui n’a pu être fait jusqu’à présent, malgré la terreur. Sous contrôle américain, avec le soutien direct ou la collaboration de tous les régimes de la région, cet accord légitime et renforce le démembrement du peuple palestinien et de la nation palestinienne.

Car peut-il y avoir fin de l’oppression et un pas vers l’indépendance nationale sans le droit au retour ? Les accords signés excluent explicitement le droit au retour pour les millions de Palestiniens chassés de leur pays en 1948 et depuis, ils visent à rendre définitive la situation de dispersion et de misère que vit le peuple palestinien.

Ainsi, se dessinent les conséquences concrètes de cet accord. Pour les Palestiniens, enfermés à Gaza ou à Jéricho, un sort comparable à celui des populations juives durant la Seconde Guerre mondiale, des ghettos et des massacres de toutes parts.

Quant aux millions d’autres Palestiniens, en Syrie, au Liban, en Jordanie et dans les autres pays arabes, ils devront accepter de perdre leur droit au retour, de se voir dénier leur identité nationale par une implantation forcée sur place. Il s’agit là de la négation du droit des peuples. La nouvelle partition qui s’opère en Palestine, à travers l’option Gaza et Jéricho, en prépare d’autres où, sous contrôle de l’Onu, bras armé de l’impérialisme américain, se prépare la constitution de nouvelles “réserves”, dans lesquelles on va parquer d’autres fractions du peuple palestinien, dans des prétendues zones humanitaires réservées, “protégées” par l’Onu. D’ailleurs, Boutros-Ghali, fidèle serviteur, depuis la guerre du Golfe, de l’impérialisme américain, n’a-t-il pas déclaré que les troupes de l’Onu et les troupes égyptiennes seraient prêtes à intervenir ? Et Warren Christopher, qui, dans la foulée de cet accord, a déjà fait signer un pré-accord avec la Jordanie et prépare un traité avec la Syrie, a publiquement révélé que “des troupes américaines peuvent être déployées sur les hauteurs du Golan, dans le cadre d’un accord entre Israël et la Syrie”.

C’est la “Pax Americana”, tout doit être fait sous son contrôle, et l’accord signé le dit explicitement. Dans l’article 16, “les deux parties considèrent les groupes de travail créés dans le cadre de négociations multilatérales comme un instrument approprié pour promouvoir un plan Marshall”.

Qui peut croire un seul instant que les impérialismes vont reconstruire l’économie dans ces territoires, dans la situation de crise généralisée dont toute la politique sous l’égide du FMI consiste à piller, à s’approprier les richesses, et crée par là même la misère, la famine pour des millions d’hommes ? L’accord fait explicitement référence aux demandes qui seront faites au G 7 (groupe des sept pays les plus industrialisés).

Est-il nécessaire de rappeler les promesses financières mirifiques qui accompagnent toutes les interventions en cours ? Il suffit d’observer comment sont tenues les promesses d’aide du G 7 à l’ex-URSS et à l’Est de l’Europe ou à l’Afrique. Le G 7 avait annoncé le déblocage de 70 milliards de dollars à l’ex-URSS pour l’aide à la reconstruction, à peine 5 milliards de dollars – sous la forme de lignes de crédit – ont été distribués, non pas pour la reconstruction économique, mais pour la privatisation-liquidation des entreprises, pour le contrôle direct des ressources pétrolières, pour les plus grandes destructions économiques. Le fonds d’aide promis pour la reconstruction du Liban est toujours attendu.

Voilà ce que sera chargée de mettre en œuvre la “structure” désignée par les États-Unis. Elle sera chargée d’appliquer les diktats et les plans des États-Unis et du FMI, les plans qui découlent du maintien du système de la propriété privée et qui signifient, à l’échelle de toute la planète, les plus fantastiques destructions, la plus fantastique liquidation sociale. C’est cela, la “Pax Americana”.

Parce que tous les régimes de la région sont inféodés à l’impérialisme, ils ont dû s’aligner sur le plan des États-Unis.

Extraits de la déclaration du secrétariat international de la IVe Internationale sur les accords d’Oslo (septembre 1993)