Que se passe-t-il en Serbie ?
Les protestations organisées par les assemblées citoyennes continuent un peu partout en Serbie, souvent avec le soutien des étudiants. Reportage de nos correspondants.
- Actualité internationale, Serbie

11 août
Les protestations organisées par les assemblées citoyennes continuent un peu partout en Serbie, souvent avec le soutien des étudiants.
Les citoyens se rendent désormais aux domiciles privés des responsables du régime : ministres, présidents de municipalités dans leurs villes, membres du SNS (le parti du président Vucic), ainsi qu’aux sièges des chaînes de télévision contrôlées par le régime.
Le régime organise ses propres groupes de nervis qui viennent aux manifestations pour provoquer des affrontements. Dans les petites villes, le SNS fait venir ses nervis des villes voisines avant même le début des rassemblements, puis la police bloque les routes afin que personne ne puisse entrer pour aider les manifestants à se défendre.
Les slogans les plus fréquemment entendus sont : « Des élections ! Des élections ! » et « En prison ! En prison ! »
Le pouvoir d’Aleksandar Vucic et du SNS est ébranlé. Il se fissure de l’intérieur.
Vucic tente par tous les moyens d’obtenir le soutien des États-Unis et de l’Union européenne.
Alors que jusqu’à présent seuls quelques procureurs agissaient en dehors du contrôle du régime, il semble que désormais une partie du parquet refuse d’obéir.
Le premier à avoir été interpellé est le directeur de l’Institut pour la protection des monuments. Il a reconnu devant le tribunal avoir falsifié un document pour que le bâtiment de l’état-major général soit cédé gratuitement à une entreprise appartenant au gendre de Donald Trump afin d’y construire un hôtel de luxe et un casino.
Il y a trois jours, il a été libéré et a réintégré à son poste.
Le 3 août, treize personnes ont été arrêtées, soupçonnées de détournement de plus de 115 millions de dollars. Parmi elles, deux anciens ministres de la Construction, Goran Vesic et Tomislav Momirovic. Vucic a déclaré que les anciens ministres avaient été arrêtés « pour rien », et immédiatement après il a reçu la visite de la Première ministre italienne Giorgia Meloni. Le ministre des Affaires étrangères a rencontré le secrétaire d’État américain Rubio, et Vucic a eu une conversation téléphonique avec Emmanuel Macron.
Le Parlement a adopté une loi transformant les entreprises publiques Srbijasume, Srbijavode et tous les parcs nationaux en sociétés par actions (AD) ou à responsabilité limitée (d.o.o.), comme cela a déjà été fait avec l’entreprise énergétique EPS. Cela ouvre la voie à la privatisation de ces entreprises.

14 août
Le nombre de citoyens révoltés participant aux manifestations a considérablement augmenté.
À Belgrade, on a remarqué, du côté de partisans de Vucic, la présence de nombreux criminels condamnés, y compris pour des meurtres – comme par exemple l’assassin de Brice Taton – armés de bâtons, de barres de fer, etc. Les étudiants ont appelé tout le monde à se réunir sur la place Slavija. Peu avant minuit,
la police a réussi à disperser la manifestation à coups de matraques, en utilisant des gaz lacrymogènes et en procédant à des arrestations.
Indignés par les attaques des jours précédents, les manifestants ont réussi dans plusieurs villes à franchir les cordons de police et à se rapprocher des partisans du SNS, qui les avaient attaqués auparavant avec des pierres et des grenades assourdissantes. Certains partisans ont été remis à la police avec les armes blanches qu’ils portaient.
À Novi Sad, les manifestants ont réussi à franchir le cordon policier et à atteindre l’entrée des locaux du SNS. Un homme en civil a tiré en l’air avec un pistolet. Les manifestants se sont temporairement retirés.
Vucic s’est exprimé peu avant minuit et a déclaré que les rues de Belgrade étaient presque « nettoyées » et que cela serait le cas dans les autres villes d’ici le matin. Il a affirmé que tous ceux qui avaient attaqué la police seraient arrêtés.
À Novi Sad, comme dans d’autres villes, les voitures des nervis du SNS ont été visées. Ils étaient reconnus car leurs plaques d’immatriculation étaient absentes ou masquées – et toutes étaient des voitures de luxe.
La chaîne télévisée Informer a accueilli des invités absurdes comme Vojislav Seselj, président du Parti radical serbe, condamné pour crimes de guerre par le tribunal de La Haye. Il a déclaré qu’il fallait utiliser des balles en caoutchouc contre les manifestants, et si cela ne suffisait pas, des balles réelles, car l’ordre était plus important que la vie de certains manifestants.
Les manifestations ont duré hier jusqu’à environ 6 heures du matin. Elles continuent aujourd’hui.
17 août
Les manifestations en Serbie continuent. Des nervis du SNS, protégés par la police, attaquent les manifestants, et la police devient chaque jour plus brutale.
Sur une vidéo, on voit une dizaine de policiers à Valjevo jeter à terre un garçon de 16 ans et le frapper sauvagement. Le garçon est à l’hôpital dans un état grave, ses reins ont cessé de fonctionner.
Le passage à tabac du garçon de Valjevo a provoqué l’arrivée de citoyens d’autres villes pour manifester à Val jevo. Pendant la journée, avant le début de la manifestation, des hommes masqués ont attaqué deux commerces dont les propriétaires avaient participé aux manifestations – ils ont tout saccagé et frappé tous ceux qu’ils ont trouvés à l’intérieur.
Cela a provoqué la colère des citoyens rassemblés : un local appartenant à un sympathisant du SNS a été détruit, ainsi que le bâtiment de la municipalité, du parquet et du tribunal.
À Belgrade et à Novi Sad, les manifestants se sont affrontés plusieurs fois à la police. À un moment donné, un policier a sorti son arme et tiré, heureusement en l’air.
On scande de moins en moins « élections », et de plus en plus d’insultes envers Vucic, ainsi qu’« en prison, en prison », exigeant son arrestation ou celle des autorités locales.
La question des privatisations a été évoquée lors du rassemblement des travailleurs de Kolubara EPS à Lazarevac.
