La caisse unique : une conquête ouvrière

Dans la troisième partie de notre dossier, nous traitons d’un des autres fondements de la Sécurité sociale : la caisse unique mais aussi comment cette conquête ouvrière interdit la préférence nationale.

Par Correspondants
Publié le 19 octobre 2025
Temps de lecture : 10 minutes

La Sécurité sociale repose sur une idée simple et puissante : unir les travailleurs dans une même caisse – ce qui n’est pas contradictoire avec les régimes spéciaux3Nous reviendrons spécifiquement sur les régimes spéciaux dans un prochain numéro d’Informations ouvrières. – financée par leurs cotisations pour faire face aux aléas de la vie.

Le 5 juillet 1945, Georges Buisson présente à l’Assemblée consultative le document qui va servir de base à la rédaction des ordonnances et consacre ce principe fondateur : la caisse unique.

Celui-ci, ne va pas pourtant de soi. Au sortir de la guerre, 727 caisses d’assurance sociale coexistent, tenues en particulier par la Mutualité et le patronat. Avec la CFTC, ces derniers s’opposent au principe de la caisse unique afin de conserver leurs positions. Ils n’obtiendront pas gain de cause dans un contexte favorable à la classe ouvrière après que le patronat a largement collaboré avec l’occupant.

Malgré la regrettable exception des allocations familiales, confiées à des caisses séparées, l’ordonnance du 4 octobre 1945 institue les caisses primaires et régionales de Sécurité sociale, chargées de gérer l’ensemble des risques : maladie, maternité, accidents du travail, invalidité, retraites.

La caisse unique consacre l’unité de la classe ouvrière et rompt avec les principes passés. Quelle que soit la profession, l’entreprise ou la région, les droits sont les mêmes. Les bien portants versent pour les malades, les actifs pour les retraités…

Ce n’est plus le patron qui décide, les salariés sont couverts par la solidarité collective. Le salaire différé, via la cotisation unique, finance tous les risques à la fois.

Cette cotisation unique alimente immédiatement les caisses pour payer les prestations. La Sécu est la propriété des travailleurs et en les unissant, représente un véritable bastion de la classe ouvrière au cœur du système capitaliste.

Cela explique que le patronat et les gouvernements qui le servent en ont depuis l’origine combattu les principes.

Ainsi, les ordonnances de 1967 éclatent la Sécurité sociale en plusieurs branches (maladie, vieillesse, famille et création du recouvrement) tout en développant la mainmise de l’État au détriment du contrôle ouvrier. Les rapports de force issus de la grève générale de 1968 permettent cependant qu’en 1970 soit créée l’Union des caisses nationales de Sécurité sociale (Ucanss) qui devient la fédération employeur pour toutes les branches, matérialisant l’unicité de la convention collective nationale du personnel et par là même celle de la Sécurité sociale.

Les attaques portées depuis contre la Sécu s’inscrivent dans les orientations développées dès 1945 par les adversaires de la caisse unique. C’est le cas de l’offensive accélérée menée aujourd’hui par Macron et ses gouvernements : il s’agit de démembrer la Sécu, d’en « réformer » le financement pour en finir avec les cotisations et les droits qu’elles impliquent, de la livrer aux appétits des assureurs privés. Ils veulent rompre avec 1945 mais ils tiennent sur un fil et la classe ouvrière n’entend pas leur céder ce qui lui appartient. Julien Le Nen

La question des allocations familiales

En 1945, sur la question des allocations familiales, le gouvernement cède devant les adversaires de la caisse unique. Contre la volonté de Georges Buisson, il décide en effet que les prestations familiales ne seront pas traitées par les caisses de Sécurité sociale. Il en confie ainsi la gestion à des caisses d’allocations familiales (Caf), chapeautées par une Union nationale des caisses (…)


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