Réforme des lycée pro : « Quand renoncerez-vous à votre projet destructeur ? »
Après une grève massive dans les lycées professionnels contre la réforme Macron, et alors que six lycées professionnels sont menacés de fermeture dès la rentrée 2023 à Paris, Jérôme Legavre, député LFI-NUPES a interpellé la ministre déléguée à la formation professionnelle Carole Grandjean en commission à l’Assemblée nationale le 9 janvier dernier. Voici son intervention.
- France, Jeunes

« Madame la ministre déléguée, la fin de l’année 2022 a été marquée par des mobilisations et des grèves massives, au sein des lycées professionnels, contre votre projet de réforme, lequel prévoit notamment de favoriser toujours plus l’apprentissage. Nous connaissons par cœur l’argument ressassé : celui-ci permettrait de lutter contre le chômage des jeunes. Il n’est donc pas inutile de rétablir quelques faits.
Depuis le début du siècle, les lycées professionnels ont perdu 100 000 élèves, tandis que l’apprentissage patronal gagnait 500 000 jeunes. Or, au début des années 2000, on recensait 400 000 chômeurs de moins de 25 ans ; en 2022, ils étaient encore 380 000 : donc 20 000 de moins.
Où est donc le bilan tant vanté de l’apprentissage ? Peut-être, tout simplement, votre objectif se situe-t-il ailleurs.
À Nîmes, il y a quelques mois, les salariés de Carrefour étaient en grève. Voici ce que déclarait l’une d’entre eux : « Ils emploient des jeunes en apprentissage, formés à la va-vite. C’est très rare qu’ils les gardent ». De fait, le taux de rupture des contrats d’apprentissage est en moyenne de 25 % ; il atteint 30 % dans la restauration. Le taux de précarité des 15-24 ans est quant à lui passé de 17 % à 53 % en quarante ans ! Enfin, les jeunes qui choisissent l’apprentissage ont beaucoup moins de chances d’obtenir un diplôme que ceux qui optent pour la voie scolaire : il y a 26 points d’écart entre les deux chiffres.
Madame la ministre déléguée, l’enseignement professionnel a été institué, après la seconde guerre mondiale, dans le but de soustraire la jeunesse à la tutelle des patrons. Pourtant, au moment où je vous parle, six lycées professionnels sont menacés de fermeture en région parisienne, dix dans le Grand Est.
Quand renoncerez-vous à votre projet destructeur, qui n’a en réalité d’autres objectifs, au prix de 35 milliards – une paille ! – d’aides publiques en trois ans, que de fournir aux entreprises une main-d’œuvre gratuite et de faire artificiellement baisser les chiffres du chômage ? »
Le gouvernement doit retirer sa réforme de la voie professionnelle. Mon intervention face à la ministre C. Grandjean pic.twitter.com/LtQ57rBRIC
— Jérôme Legavre (@LegavreJerome) January 10, 2023
Au lycée d’Alembert de Paris, une formation post-bac menacée de suppression maintenue grâce à la mobilisation des élèves et des personnelsLa semaine dernière, élèves et enseignants se sont mobilisés contre la fermeture annoncée de la formation de moniteur éducateur du lycée avec le soutien des sections CNT, Sud et CGT. Mi-novembre, la suppression d’un poste d’enseignant de cette formation avait alerté enseignants et représentants des personnels. Mardi 3 janvier, le lycée était bloqué par les élèves. Cette formation gratuite n’exige pas de diplôme à l’entrée, permet une poursuite d’études post-bac et l’obtention d’un diplôme d’Etat. Les principales concernées sont les jeunes femmes issues du lycée professionnel qui peuvent ainsi devenir professionnelles de l’éducation spécialisée en intégrant le secteur de la protection de l’enfance, du handicap ou de l’insertion sociale. Donc une nouvelle fois, une attaque contre les classes populaires, et particulièrement les femmes. Le 5 janvier, une délégation composée d’élèves et de l’intersyndicale des personnels était reçue au rectorat. Ils apprenaient avec stupéfaction la volonté d’ouvrir à la place de la formation un BTS plus prestigieux ! Le 6 janvier, le rectorat annonçait qu’il revenait sur sa décision de fermer la formation. |