Préavis de grève à la RATP pour la Coupe du monde de rugby

Interview de Jean-Christophe Delprat, secrétaire fédéral FO transport et logistique, en charge de la RATP qui nous expose les raisons de ce préavis.

La station Montparnasse-Bienvenüe fermée pendant le mouvement des retraites, le 19 janvier (Photo AFP).
Par la rédaction d’IO
Publié le 19 août 2023
Temps de lecture : 3 minutes

FO groupe RATP a déposé un préavis de grève pour la période de la Coupe du monde de rugby. Pourquoi ?

Jean-Christophe Delprat : La direction, sous couvert d’ouverture à la concurrence, détricote l’entreprise, la morcelle en plusieurs petites PME, ce qui occasionne une casse sociale sans précédent.

La RATP peine à recruter et a beaucoup de difficultés pour garder ses salariés. Les conditions de travail et de rémunération ne sont plus à la hauteur.

À l’aube des enjeux importants que sont la Coupe du monde et les Jeux olympiques, nous n’avons eu d’autre choix que de déposer un préavis de grève sur le secteur Sem, qui est le secteur dédié au commercial, aux contrôleurs et à tous les managers qui s’occupent de ces salariés-là.

La direction a ouvert des discussions avec l’ensemble des salariés. Des discussions et des négociations sincères et honnêtes ont pu être menées à bien seulement sur le secteur des conducteurs de métro et de RER. Sur les autres secteurs, Force ouvrière ne s’est pas engagée, et même nous avons pris l’initiative de lutter.

Peux-tu nous en dire plus ?

Sur le secteur Sem, il manque environ 300 salariés. Cela fait que nous n’allons pas pouvoir répondre d’une façon optimum aux centaines de milliers de voyageurs qui vont venir pour la Coupe du monde. Cela va avoir des répercussions sur l’accueil, la qualité de celui-ci, la gestion du flux de voyageurs et la sécurité au sens large de l’ensemble des Franciliens, car plusieurs centaines de milliers de voyageurs, ça s’organise avec des agents.

Île-de-France Mobilité n’a prévu aucune enveloppe supplémentaire pour la Coupe du monde, mais demande aux salariés présents de redoubler d’efforts sans même les reconnaître financièrement. Bon nombre de collègues vont être obligés de décaler leurs congés, voire de venir travailler sur leurs repos et cela pour des primes qui sont ridicules.

À ce jour, aucune proposition honnête ne nous a été faite. Nous n’avons donc d’autre choix que de continuer à mobiliser et accompagner les salariés vers un mouvement de grève important sur le secteur Sem.

Les raisons ?

Le malaise dans l’entreprise est prégnant, notamment depuis la dernière réforme des retraites qui fait que les pénibilités ne sont plus reconnues pour les jeunes salariés qui vont rentrer au 1er septembre. De plus, les salaires n’ont jamais été revus et négociés à la hausse, ce qui occasionne une perte de pouvoir d’achat très importante, surtout après cette année d’inflation terrible.

Aujourd’hui, la RATP nous a annoncé que ses comptes étaient dans le rouge et qu’elle ne serait pas en capacité de donner un intéressement à ses salariés, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Les conditions de travail ?

Avec le manque d’effectifs, elles n’ont fait que se dégrader depuis plusieurs années. Et aujourd’hui sur le secteur Sem, nous sommes environ à – 300 salariés, ce qui occasionne pour ceux qui sont en place beaucoup plus de stress et de fatigue avec des équipes restreintes.
Beaucoup de burn-out nous ont été remontés de la part des agents, notamment chez des managers qui n’arrivent plus à suivre et surtout à comprendre où va l’entreprise.

Beaucoup parlent, à moins d’un an des JO, d’une forte tension sociale. Qu’en penses-tu ?

Aucun budget nécessaire n’a été alloué pour rendre attractifs les métiers du transport, et notamment ceux de la RATP. Ce qui occasionne un désamour des jeunes pour les métiers du transport.

Il y aurait nécessité de lancer un plan d’urgence pour les transports et notamment à la RATP dès la rentrée, car nous avons encore un an pour nous préparer pour les JO et permettre d’avoir des salariés en nombre pour gérer les flux important de voyageurs. Beaucoup de rues seront fermées et des voyageurs du monde entier n’auront d’autre choix que de prendre le bus, le métro ou le RER, ce qui nécessitera un engagement plein et entier des agents.

Sans plan d’envergure pour la RATP et sans engagement financier d’Île-de-France Mobilité et de l’État, nous courons à la catastrophe, et il est fort probable que les salariés n’acceptent pas de travailler dans des conditions pareilles.

La grève est un outil que les agents de la RATP savent utiliser, et ils ne s’interdisent pas d’y recourir, JO ou pas.