« Guerre en Ukraine, livraison d’armes à sous-munitions, rôle de l’Otan : le NPA ne fait-il pas fausse route ? »

Cela apparaît maintenant dans toute son évidence : la guerre actuelle en Ukraine oppose par procuration les pays de l’Otan et la Russie. Mais cette confrontation militaire est indirecte : c’est le peuple ukrainien qui est utilisé. Quels arguments sont avancés ? Ne faut-il pas les discuter ?

Les chefs d’Etat et de gouvernement réunis lors du sommet de l’Otan, à Vilnius (Lituanie), le 12 juillet, ont déclaré leurs soutien à Zelensky (AFP).
Par Alban Dessoutter
Publié le 24 août 2023
Temps de lecture : 4 minutes

Voici maintenant un an qu’une guerre fait rage en Ukraine, engendrant un carnage sans nom : des milliers de réfugiés, un engloutissement de forces productives et, bien sûr, des milliers de vies humaines fauchées.

La guerre, concentrée des contradictions du capital et de son impasse, est toujours un test pour les organisations qui se réclament de la classe ouvrière.

Cela apparaît maintenant dans toute son évidence : la guerre actuelle en Ukraine oppose par procuration les pays de l’Otan et la Russie. Mais cette confrontation militaire est indirecte : c’est le peuple ukrainien qui est utilisé. Cela n’est pas la première fois que les USA utilisent un pays ou des groupes pour s’épargner des pertes humaines. En compensation, les dollars. Les dollars et les instructeurs sont envoyés en masse. La stratégie des principaux pays de l’Otan est de faire durer le plus longtemps possible la confrontation, peu importe le coût humain. Seule compte sa stratégie de préparation d’une guerre contre la Chine. Or la position qu’a adoptée le NPA a surpris nombre de militants.

Faut-il applaudir les livraisons d’armes par les pays de l’OTAN ?

En effet, depuis le début, le NPA a rejoint le chœur de tous ceux qui, avec des nuances parfois, n’ont qu’un mot à la bouche : « la Russie doit perdre la guerre », accompagné d’un récit où la Russie et elle seule est responsable, sans dire un mot sur les stratégies de provocations permanentes de l’Otan.

Médias, gouvernements, experts en tout genre et, bien entendu, ministres du gouvernement Macron n’ont aucunement envie que la guerre s’arrête : il faut fournir des armes, même si tout indique que l’aboutissement n’en sera que la continuité de l’horreur.

Car si la Russie doit perdre la guerre, alors il faut continuer à la mener, et donc être inconditionnellement aux côtés de l’armée ukrainienne, parfois rebaptisée « résistance ukrainienne » pour gauchir un peu le propos.

Zbigniew Kowalewski est membre du Secrétariat unifié, qui est l’organisation à laquelle est affilié, de manière un peu ténue certes, le NPA comme l’était son ancêtre politique, la LCR. Dans un court article, celui-ci explique sans fard la nécessité de soutenir l’effort de guerre : « Les armes conventionnelles plus, ou même beaucoup plus, nuisibles pour une raison ou une autre, et qui sont utilisées par l’armée russe, si l’armée ukrainienne dit qu’elle en a besoin, je soutiens leur livraison sans aucune hésitation. »

Comme la guerre va souvent avec l’autoritarisme des positions « indiscutables », il rajoute : « Pour moi, le débat sur la question est clos. » Pas le temps de dire ouf que le débat est déjà tranché !

Certains vont même jusqu’à s’improviser conseiller militaire 2.0 puisque l’on trouve sur le site du NPA cette justification de la livraison des armes à sous-munitions : « Ce déminage massif incontournable pour que l’offensive ukrainienne puisse se relancer et faire imploser l’ensemble du système défensif russe ne peut, selon les Ukrainien.ne.s, se faire que par l’usage des armes à sous-munitions… » Quel programme enthousiasmant ! Alors que les millions d’Ukrainiens et de Russes n’espèrent qu’une chose, à savoir que cesse cette guerre, voici donc qu’il faudrait gagner en intensité, quitte à amonceler les cadavres, car le même article du NPA reconnaît : « L’actuelle offensive ukrainienne (…) comme en conviennent en l’absence de chiffres précis tous les observateurs sérieux, un effrayant coût humain pour les troupes de Kiev. »

Au contraire, il doit y avoir discussion. Pas pour savoir si les armes à fragmentation sont plus éthiques que les autres, mais pour comprendre où mène une telle orientation qui, de fait, s’aligne totalement sur celle de l’impérialisme.

En effet, l’argument utilisé est toujours le même : la guerre en Ukraine est une guerre de libération. Zbigniew Kowalewski le dit d’ailleurs ouvertement : « J’ai pleinement confiance en cette armée, comme en toute autre armée de libération. La même confiance que j’avais il y a cinquante ans dans l’armée vietnamienne. » Ne faut-il pas en discuter ?

L’armée ukrainienne = le Viêt-Cong ? Zelensky = Hô Chi Minh ? Vraiment ? 

La référence au Viêt Nam est évidemment un gage. En effet, le peuple vietnamien, au prix de sacrifices et de souffrances dont le pays porte encore les stigmates, a infligé une défaite monumentale aux impérialismes, dont le plus puissant : l’impérialisme américain. Cette victoire est à mettre au compte du mouvement révolutionnaire international. Mais la guerre menée par le peuple vietnamien – avec en son cœur la classe ouvrière – était une guerre de libération, au cours de laquelle les dirigeants du FLN (dont le programme préservait la propriété privée des moyens de production) ont été obligés de faire des pas en avant qu’ils n’avaient pas prévus initialement. Le peuple vietnamien a repris son destin en main en prenant, entre autres, les armes pour les orienter vers leurs ennemis.

En Ukraine, les armes sont entre les mains de Zelensky, qui agit sur mandat des USA quasi ouvertement, malgré quelques frictions, car les USA n’ont jamais d’alliés permanents, que des intérêts. Les masses vietnamiennes se reconnaissaient dans le gouvernement qu’elles chargeaient de leurs aspirations nationales et sociales.

À l’inverse, le gouvernement du Sud, tenu à bout de bras par les Américains, n’avait aucun soutien populaire d’aucune sorte, ce qui explique son effondrement sans combat en 1975.

Le gouvernement ukrainien n’a pas la prétention de réaliser autre chose que ce qu’exige l’impérialisme. Les masses ukrainiennes terrorisées ne placent aucun soutien en Zelensky, et l’armée ukrainienne n’est pas une armée populaire, mais une armée régulière, payée et contrôlée par l’État ukrainien.

À noter au passage que la position du courant ancêtre du NPA à l’époque n’était pas la défaite militaire de l’impérialisme, mais l’application des accords de Genève (1954) et de Paris (1973), qui prévoyaient, sous l’influence de la bureaucratie stalinienne, la partition du pays et la stabilité sous des formes de gouvernement à plusieurs « composantes ». La défaite de l’impérialisme et l’effondrement du gouvernement fantoche du Sud Viêt Nam se sont faits sous la poussée des masses, au nord comme au sud, contre les plans et accords conjoints de Moscou, Pékin et de Washington.

Choisir un camp contre un autre n’a jamais amené à rien. Ni hier quand les staliniens poussaient à choisir le « bloc socialiste » contre le « monde capitaliste » pour dompter les révolutions, ni aujourd’hui, où les mêmes nous proposent de soutenir l’armée de Zelensky en la faisant passer pour une armée de libération.

Cette discussion est concrète : la continuation de la guerre sous l’égide de l’impérialisme et des appé-tits financiers, ou la paix ici et maintenant, avec la classe ? Être aux côtés de ceux qui exigent la paix, donc le cessez-le-feu, comme le faisaient les bolcheviks (eux qui ne soutenaient pas le tsar face à l’agression allemande !), ou être aux côtés de Zelensky et de Biden pour que tout continue ?

Voilà ce qu’il est vital de discuter pour stopper la marche à la guerre, à la barbarie, au chaos, et permettre à l’humanité de gagner. Camarades du NPA : qu’en pensez-vous ?