Campagne présidentielle : du Congrès jusqu’aux piquets de grève

La campagne électorale pour la prochaine présidentielle se prolonge sur les piquets de grève des salariés de l’automobile, que les deux candidats, Biden et Trump, ont visités la semaine dernière.

Le président américain s’adresse aux membres du syndicat United Auto Workers (UAW) en grève devant l’usine General Motors à Belleville, Michigan, le 26 septembre, (AFP).
Par Devan Sohier
Publié le 8 octobre 2023
Temps de lecture : 3 minutes

Le « shutdown » annoncé a été reporté in extremis. Si un budget n’était pas voté avant samedi 30 septembre au soir, tous les financements fédéraux s’arrêtaient, jetant des millions de fonctionnaires fédéraux au chômage technique et suspendant le versement de toute une série d’aides fédérales, comme les timbres alimentaires dont dépendent des millions de familles américaines.

Biden a trouvé un compromis avec la direction de la majorité républicaine à la Chambre, permettant le vote aux deux tiers requis pour la prolongation du budget 2022-2023 pour un mois et demi encore, laissant encore six semaines aux négociations entre les deux partis.

Le compromis trouvé repousse toute nouvelle aide à l’Ukraine au vote d’un budget pour l’an prochain. Un seul démocrate a voté contre, à cause de ce compromis ; tous les autres ont voté pour, de l’aile droite à l’aile gauche des élus démocrates, y compris ceux qui avaient voté contre le budget qu’ils ont maintenant accepté de prolonger.

La majorité des républicains ont voté pour, les 90 votes contre venant de l’aile trumpiste.

Les élections présidentielles sont dans à peine plus d’un an, et la campagne des primaires a déjà commencé. Alors que Biden et Trump semblent assurés d’être désignés par leur parti respectif, il s’agit déjà presque d’une campagne présidentielle, et le psychodrame autour du shutdown est un élément de cette campagne.

Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de divergences entre républicains et démocrates : la question de l’aide à l’Ukraine est en particulier un vrai point de désaccord. Alors qu’il semble impossible que l’armée ukrainienne défasse rapidement l’armée russe, les républicains cherchent une porte de sortie, tandis que les démocrates sont favorables à poursuivre l’aide militaire à l’Ukraine. Mais sur l’essentiel du budget, les deux partis sont en mesure de trouver un compromis.

La campagne électorale se prolonge sur les piquets de grève

Cette campagne électorale se prolonge également sur les piquets de grève des salariés de l’automobile, que les deux candidats ont visités la semaine dernière.

De façon inhabituelle pour un président en exercice (sans précédent même, d’après le président de l’UAW – le syndicat United Auto Workers), Biden s’y est rendu mardi pour introduire un meeting, où il a rappelé son soutien à l’UAW du temps où il était sénateur, ainsi que les « sacrifices » consentis en 2008 par l’UAW pour « sauver » les employeurs de l’automobile, alors qu’il était vice-président et avait défendu cet accord.

Interpellé à la fin de ce meeting par un membre de l’UAW : « M. le Président… M. le Président, est-ce que l’UAW devrait obtenir 40 % d’augmentation ? », et alors que la foule clamait « oui ! », Biden a répondu : « Oui, je pense qu’ils devraient avoir le droit de négocier pour cela. » (transcription officielle sur le site de la Maison-Blanche)

Le lendemain, Trump a tenu un meeting orienté contre les syndicats et contre Biden, dénonçant les revendications d’augmentation de salaires qui diminueraient la compétitivité de l’industrie américaine, et focalisant ses attaques contre la politique du gouvernement de soutien aux véhicules électriques, qui menace les usines automobiles américaines. Cela résume toute la situation.

Biden a besoin du soutien des syndicats pour sa réélection. Il est même favorable en un certain sens aux syndicats, et à la négociation entre syndicats et patronats, qui permet de contenir les revendications sociales. Mais il refuse consciencieusement de franchir le pas de soutenir les revendications des syndicats.

D’autre part, Trump a besoin du vote ouvrier des Etats désindustrialisés, et d’entretenir le mirage d’une impossible reconstruction de l’industrie américaine dans le cadre du système actuel.

Vendredi 29 septembre, la direction de l’UAW enterrait un peu plus sa stratégie de grève tournante en annonçant l’extension de la grève chez General Motors et Ford, appelant 7 000 ouvriers supplémentaires de 43 sites à la grève, en plus des 18 000 qui avaient déjà cessé le travail.

Après avoir cité Biden, Shawn Fain, président de l’UAW, conclut sa prise de parole annonçant cela par : « Quand nous gagnerons ce combat, quand nous redresserons les torts que nous avons subis depuis quinze ans, et quand nous aurons changé le cours des choses pour les générations futures, ce ne sera pas grâce à un président. Pas grâce au président de l’UAW. Pas grâce au président des Etats-Unis. Ce sera parce que des gens ordinaires auront fait des choses extraordinaires. »