Le gouvernement Biden isolé

Avec ou sans nuances, Biden défend Israël, cependant il est isolé sur la scène internationale et dans son propre pays, il est face à un mouvement syndical qui s’organise pour le cessez-le-feu, ainsi que face aux élus de la gauche démocrate.

Conférence de presse des élus d cela gauche démocrates et responsables syndicaux, devant le Capitole, le 15 décembre, pour le cessez-le-feu (capture d’écran X).
Par Devan Sohier
Publié le 25 décembre 2023
Temps de lecture : 3 minutes

Le 9 décembre, le Département d’État américain (équivalent du ministère des Affaires étrangères) a annoncé la vente à Israël de 13 981 munitions de 120 mm pour tank, dont la logistique qui les accompagne, pour un montant de 106 millions de dollars. Selon les procédures habituelles, cette vente aurait dû être examinée par le Congrès, mais le Département d’État a invoqué l’urgence et les intérêts de la sécurité nationale des États-Unis pour les contourner.

En creux, c’est un double aveu. Les intérêts de la sécurité nationale des États-Unis se confondent avec les besoins de l’armée israélienne.

Quelles que soient les nuances exprimées par Biden vis-à-vis de Nétanyahou sur l’ampleur des destructions qui serait acceptable, il défend Israël comme la pointe avancée des intérêts américains au Proche-Orient.

Sur la scène internationale, il est isolé : seuls dix pays ont voté avec les États-Unis et Israël contre une résolution de l’Assemblée générale de l’Onu demandant un cessez-le-feu à Gaza.

C’est aussi l’aveu de son isolement au sein de sa propre administration. Les Républicains, majoritaires à la Chambre, refusent de voter l’aide militaire à l’Ukraine. De son côté, le gouvernement Biden essaie de les y forcer en associant ce vote à celui du financement de la guerre à Gaza, auquel ils sont au contraire très favorables. Et les Républicains de refuser de voter ce plan de 106 milliards de dollars, à moins d’obtenir des contreparties sur la militarisation de la frontière des États-Unis avec le Mexique…

Les Républicains n’ont d’ailleurs pas protesté contre la manœuvre du Département d’État.

Syndicats et élus de la gauche démocrate pour un cessez-le-feu

Or les divisions s’étendent au sein même des deux partis. Le budget militaire américain 2024, d’un montant de 886 milliards de dollars (en augmentation de 3 %), a ainsi été voté par la Chambre à 310 voix pour et 118 contre.

73 républicains ont voté contre, car il contient une part d’aide à l’Ukraine, et 45 démocrates ont voté contre, notamment en opposition au financement de l’armée israélienne. Le Sénat s’apprête à refuser d’examiner le plan du gouvernement de 106 milliards de dépenses supplémentaires notamment à destination de l’Ukraine et d’Israël par 51 voix contre 49, dont la voix de Bernie Sanders qui s’oppose au financement de l’armée israélienne.

C’est dans ce contexte que s’est tenue vendredi 15 décembre une conférence de presse devant le Capitole, regroupant des élus de la gauche démocrate et des responsables syndicaux en faveur d’un cessez-le-feu immédiat à Gaza.

Étaient notamment présents six représentants démocrates dont Cori Bush, Rashida Talia et Ilhan Omar, ainsi que des représentants des syndicats UE des électriciens UE et de l’APWU des postiers, ainsi que le secrétaire général du syndicat de l’automobile UAW, Shawn Fein.

La déclaration de ce dernier est très significative de l’état d’esprit de la classe ouvrière américaine : « Je remercie nos adhérents de l’UAW pour s’être exprimés et nous avoir poussés à prendre position publiquement en faveur d’un cessez-le-feu. C’était la bonne chose à faire.

Donc, maintenant, il est temps que nos autres responsables élus prennent leurs responsabilités et fassent ce qu’il faut pour mettre fin à la violence. Et j’appelle le reste du mouvement ouvrier à nous rejoindre dans cette mission pour la paix et la justice sociale pour toute l’humanité. »

La conférence de presse était organisée en soutien à une résolution en faveur d’un cessez-le-feu, présentée par 18 représentants démocrates, dépassant largement le cadre habituel des élus de la gauche du parti démocrate, à un moment où 60 membres démocrates du Congrès ont pris des positions publiques pour un cessez-le-feu.

Les syndicats américains ne prennent généralement pas position contre la guerre, du moins pas à l’échelle nationale ; c’est une question qu’ils considèrent comme étant politique, et dont ils laissent la charge au Parti démocrate.

Biden, de plus, a été élu comme le président le plus « pro syndical » de l’histoire récente des États-Unis, avec un soutien fort des appareils syndicaux, avec lesquels il a travaillé depuis des décennies.

Ces prises de position, qui se multiplient, sont une fracture ouverte au cœur de l’organisation du Parti démocrate, et au final, de tout le système politique américain.

Cori Bush a conclu cette conférence de presse ainsi : « Nous sommes aux côtés de nos syndicats qui appellent à un cessez-le-feu. À quel point cela peut-il être plus clair ? » .