Egypte : après l’élection présidentielle
Le scrutin présidentiel qui s’est tenu les 10, 11 et 12 décembre avait pour objectif de faire réélire le maréchal-président al-Sissi pour six ans. Farce électorale et répression contre toute voix d’opposition, y compris en solidarité avec la Palestine.
- Egypte, Palestine

Arrivé au pouvoir par le coup d’État militaire du 3 juillet 2013, le maréchal-président al-Sissi avait fait modifier la Constitution en 2019 afin de s’y maintenir jusqu’en 2030.
Le résultat officiel annoncé de l’élection présidentielle de décembre, plus de 90 % des voix, n’a été possible que parce que le candidat d’opposition, Ahmed al-Tantawi, soutenu par l’Alliance populaire socialiste (al-Tahalouf al-Chaabi al-Ishtiraki), une des grandes formations de l’opposition, a été empêché de se présenter. Plus d’une centaine de ses partisans ont été placés en détention et il n’a pas pu recueillir les 20 000 signatures requises.
Le peuple veut la chute du régime
L’opposition a dénoncé une « farce électorale ». Les correspondants de Mada Masr, un média égyptien indépendant, au Caire, à Gizeh, Port-Saïd, Assouan et Alexandrie, ont rapporté que des bus ont été affrétés pour emmener des personnes dans les bureaux de vote et qu’elles ont reçu un bon d’une valeur de 200 livres égyptiennes (6 €) en échange de leur vote. Le grand souci du pouvoir était le risque d’un boycott du scrutin. En 2014, lorsque le maréchal al-Sissi a été élu, 53 % des électeurs s’étaient abstenus. En 2018, 58 % n’ont pas voté. Le régime craignait par-dessus tout une grande abstention traduisant un désaveu populaire.
Al-Sissi fait face à une profonde colère sociale qui peut exploser à tout moment. Un rassemblement organisé par un parti qui lui est proche (Mostaqbal Watan), quelques heures après l’annonce de sa candidature, le 3 octobre, à Marsa Matrouh, ville située à près de 300 km à l’ouest d’Alexandrie, s’est transformé en manifestation de milliers de personnes scandant :
« Le peuple veut la chute du régime ! » Et sur les réseaux sociaux, l’hashtag « Moudetin kefaya » (Deux mandats, ça suffit !) a été largement partagé sur X et Facebook.
Dans ce pays de 105 millions d’habitants, une grande partie de la population a basculé sous le seuil de pauvreté. Le pouvoir d’achat ne cesse de fondre. L’inflation est de 40 % en moyenne et la dévaluation de 50 % de la livre, demandée par le FMI, a fait flamber les prix car l’Égypte importe quasiment tous ses biens de consommation. L’élection d’al-Sissi ouvre maintenant la voie à une nouvelle dévaluation de la livre attendue par le FMI.
Pas une voix ne doit s’exprimer en soutien au peuple palestinien
Pendant toute la campagne électorale, le candidat al-Sissi a affiché un soutien à « la cause palestinienne » et, dans le même temps, le maréchal-président faisait arrêter une centaine de personnes à la suite de manifestations en soutien à Gaza, le 20 octobre. Au stade du Caire, lors d’un meeting, le 23 novembre, al-Sissi est arrivé à la tribune en portant les drapeaux égyptien et palestinien et a discouru sur le thème « vive l’Égypte et le soutien à la Palestine ».
Mais le régime égyptien muselle toute manifestation, y compris en faveur du peuple palestinien. Il est le premier des régimes arabes à avoir normalisé ses relations avec l’État d’Israël, bien avant la Jordanie, les Emirats, le Maroc et le Soudan.
Avec les accords israélo-égyptiens de Camp David de 1978, le régime égyptien assure une coopération active à la sécurité de l’État sioniste et c’est à ce titre que Washington lui verse annuellement 1,3 milliard de dollars.
Le peuple égyptien, lui, cherche par tous les moyens à exprimer sa solidarité avec le peuple palestinien écrasé. Le 13 décembre, des dizaines de journalistes égyptiens ont manifesté devant le siège de leur syndicat pour dénoncer la guerre génocidaire et demander son arrêt définitif. Les services de sécurité ont tenté de mettre fin au rassemblement. En vain. Les journalistes ont continué à manifester leur solidarité et leur exigence d’arrêt de la guerre.
L’Égypte a étroitement collaboré au blocus impitoyable de la bande de Gaza depuis 16 ans.
En 2014, al-Sissi a complètement fermé le poste-frontière de Rafah, seul point de passage de la bande côtière vers l’extérieur. En 2015-2016, il a fait détruire ou inonder 90 % des tunnels et n’a pas ouvert le point de passage, si ce n’est un jour ou deux, de temps à autre.
