Ceux qui veulent rendre le génocide « acceptable »…
Après la caricature immonde du dessinateur Plantu sur son compte X le 7 février dernier, nous revenons sur la campagne d'acharnement contre La France insoumise.
- Actualité politique et sociale

En 2017, l’historien israélien Ilan Pappé écrivait : « Les actions armées d’Israël depuis 2006 n’étaient pas une guerre d’autodéfense contre le terrorisme. Je me risquerai à (les) appeler un génocide graduel de la population gazaouite. » Mis à l’index dans son pays, l’historien, exilé à Londres, énumérait alors les massacres massifs de civils palestiniens, dont un grand nombre d’enfants.
Il cite le rapport de l’organisation israélienne Betselem (28 décembre 2006) : dans l’année, les forces israéliennes ont tué 660 Palestiniens, dont 141 enfants ; 300 maisons démolies, ensevelissant des familles entières.
L’historien rappelle les opérations militaires : « Pluie d’été », « Nuages d’automne » (2006) : 200 civils massacrés ; « Hiver chaud » (2008) : bombardement de Gaza par mer, terre et air, 100 victimes civiles à Gaza ; « Plomb durci », fin 2008 : 1 500 Palestiniens tués ; 200 tués en 2012 ; « Bordure protectrice » en 2014 : 2 200 victimes civiles, etc.
Cet historien, auteur de Nettoyage ethnique de la Palestine (2006), avouait à l’époque avoir hésité avant d’employer le terme de génocide1Ilan Pappé, Les Dix Légendes structurantes d’Israël, Les Nuits rouges, 2022 ; Le Nettoyage ethnique de la Palestine, Fayard, 2008.. Aujourd’hui le fait, l’horrible fait est là ; des marées humaines de manifestants indignés, du Maroc à la Somalie, de l’Angleterre à l’Allemagne et à la France, aux Etats-Unis, en Asie, exigent le cessez-le-feu immédiat et permanent.
Chacun sait que le carnage, avec ses milliers d’enfants tués et mutilés, ses médecins, soignants, patients ciblés par les tirs, ses morts par famine programmée froidement, cesserait le jour même où Genocide Joe, comme les Américains progressistes nomment Biden, stopperait la livraison des munitions.
Subitement, les soutiens du massacre, qui n’ont à la bouche que la « communauté internationale », quand l’Onu avalise une intervention armée, deviennent sourds lorsque la même Onu prouve et condamne les crimes colonialistes en Palestine, qualifie d’apartheid le régime israélien, lorsque l’Afrique du Sud saisit l’opinion mondiale pour stopper le génocide en cours à Gaza.
Déshumaniser les Palestiniens
Comme il existe des historiens honnêtes, il existe des journalistes qui ne courbent pas la tête sous le joug des Etats. Ces journalistes observent qu’avant le 7 octobre 2023, dans les neuf mois précédents, 227 Palestiniens ont été tués par les colonialistes, et que leur sort, sur une chaîne d’Etat française a été évoqué, en tout, pendant 33 secondes. De même pour les 349 Palestiniens assassinés en 2021, les 291 en 2022.
Ces journalistes lucides ont calculé que, dans la propagande actuelle visant à déshumaniser les Palestiniens pour banaliser le génocide, les grands quotidiens des Etats-Unis utilisent 125 fois le mot carnage quand les victimes sont israéliennes, deux fois quand elles sont palestiniennes2Ces chiffres sont empruntés à l’article très documenté de Serge Halimi et Pierre Rimbert, dans Le Monde diplomatique de février 2024..
En France, les avocats médiatiques du génocide inventent que les civils, enfants, nouveaux-nés, soignants hospitaliers, toute la population désarmée, parce qu’ils serviraient de « boucliers humains » aux combattants, sont les victimes inévitables d’une « guerre » ordinaire. On cherche, cyniquement, à nous con- ditionner, pour n’avoir aucune empathie, aucune compassion pour une partie de l’humanité, celle qui est sous le joug colonial.
Dans un éditorial très bienveillant envers Macron, Libération emploie cette formule : « Les événements imposent l’élargissement de la fenêtre de l’acceptable : “crime de guerre”, “génocide”, “colonialisme”, “apartheid”. Nous sommes au cœur du conflit. Tout est en train de se redéfinir ». Si les mots ont un sens, derrière la tartufferie, les citoyens sont invités à « redéfinir » le génocide et l’apartheid, en « élargissant » ce qu’ils peuvent contenir « d’acceptable », dès lors que les intérêts des puissances occidentales sont en jeu.
Un dessin pour quels desseins ?
La France insoumise, c’est son honneur, se place résolument aux côtés des millions qui, dans le monde et en France, condamnent tous les massacres de civils, et veulent stopper la barbarie de Netanyahou. Les héritiers politiques du colonialisme français se déchaînent contre LFI pour cette raison.
Dans la lapidation médiatique, le dessinateur Plantu a jeté sa petite pierre. Il dessine Manuel Bompard et Mathilde Panot, leurs fronts revêtus d’un bandeau « Hamas ». Ainsi, pour M. Plantu, il ne suffit pas que les civils, femmes et enfants palestiniens, qualifiés « d’animaux » par des ministres israéliens, soient classés « terroristes » pour justifier leur assassinat. Il faut aussi que tout démocrate français opposant la simple humanité à tous les massacres de civils, donc à la sauvagerie génocidaire en cours, soit amalgamé au « terrorisme ». Ce qui est un encouragement à la répression en France pour délit d’opinion. Pour mettre ses dessins au service des desseins du régime, de sa propagande, M. Plantu n’en est pas à son coup d’essai ; sa précédente calomnie mérite d’être rappelée.
Il dessina, en première page du Monde en 2002, le secrétaire général de la confédération Force ouvrière Marc Blondel, affublé d’un brassard Front National, imité de celui des nazis. Le crime d’hérésie du syndicaliste, aux yeux de l’Inquisiteur Plantu et du Monde, était que cette confédération, selon sa tradition d’indépendance syndicale, ne donnait pas de consigne de vote. Or Le Monde et Plantu sommaient alors quiconque, en 2002, d’appeler à voter pour Chirac, comme « rempart » au Front national.
Passons sur le fait que ladite calomnie était publiée dans un journal fondé par un ancien cadre des Chantiers de jeunesse de Pétain, lequel avait, comme Hitler, dissous les syndicats ouvriers3Avant de fonder Le Monde, en 1944, Hubert Beuve-Méry fut directeur des études de l’école d’Uriage (1941-1942), destinée à former les cadres des Chantiers de jeunesse de Pétain. « Il faut à la révolution un chef, des cadres, des troupes, une foi, ou un mythe. La Révolution nationale a son chef et, grâce à lui, les grandes lignes de sa doctrine », écrivait-il.. Mais le temps dit tout, écrivait Michelet.
On vient de voir Macron, élu, après d’autres, par la supercherie du « rempart » contre le Rassemblement national, faire voter aux côtés de Le Pen, la loi raciste anti-immigrés, véritable parjure, escroquerie politique des électeurs.
Où sont passés les brassards du justicier Plantu ?
Une affectueuse accolade avec Bardella
L’œil de la caméra a saisi, lors de l’hommage aux victimes franco-israéliennes du 7 octobre, la grossière impudence de M. Meyer Habib, vidéo qui circule sur les réseaux sociaux. Le député LR, qui incarne l’étroite solidarité entre notre régime politique et Netanyahou, a utilisé la cérémonie d’hommage aux victimes du 7 octobre pour insulter haineusement Manuel Bompard, juste avant d’étreindre, dans une affectueuse accolade… Jordan Bardella, chef du Rassemblement national. De telles indignités relèvent-elles du respect des victimes ? On attend le dessin de M. Plantu…
Quel travailleur, quel militant, quel démocrate ne voit la relation directe entre la loi « immigration », visant à attiser les haines racistes en France, et le soutien de la même coalition politique française (macronistes-LR-RN) au génocide colonialiste en Palestine ?
Droits des peuples, droits de l’homme : « anachronismes » ?
Comme il existe des historiens honnêtes, des journalistes non corrompus, il existe des socialistes qui conservent leurs principes démocratiques. Interviewé par Le Point, l’ancien ministre Pierre Joxe, dont les convictions sont jugées « anachroniques » par l’hebdomadaire, est questionné sur « les massacres du 7 octobre, d’une sauvagerie inouïe envers les civils ». Pour Le Point, obéissant aux consignes des maîtres du jour, en ce début janvier, les 22 000 Palestiniens massacrés n’existent même pas, ne sont pas mentionnés. Bombes, chars d’assaut, canons, mitraille contre des réfugiés désarmés, des enfants, des patients et soignants à l’hôpital, des journalistes, cela ne relève pas de la « sauvagerie inouïe ». Réponse de Pierre Joxe :
« Ces massacres épouvantables de jeunes civils israéliens sont évidemment d’horribles événements… Ils me rappellent fatalement les massacres commis dès 1948 à Deir Yassin [village situé à l’ouest de Jérusalem, où une centaine de Palestiniens sont tués par des groupes paramilitaires juifs, Ndlr], par exemple, ou, pire encore, en 1982, à Sabra et Chatila [à l’ouest de Beyrouth, camps, encerclés par l’armée israélienne, où des réfugiés palestiniens sont massacrés par des milices chrétiennes, Ndlr]. Hélas, toutes les guerres coloniales produisent et aboutissent à des massacres. Nous l’avons bien appris en Indochine, à Madagascar, en Algérie. En Palestine, il y a près d’un siècle que le Proche-Orient a été colonisé et morcelé par la France et la Grande-Bretagne. Il y a aujourd’hui plus de cent résolutions de l’Onu non appliquées en Palestine. Mais, bien heureusement, le secrétaire général de l’Onu, M. Guterres, élève sa voix pour dénoncer le cimetière d’enfants de Gaza… »4« La France est un pays encore malade de son colonialisme », interview du 3 janvier 2024..
Qui donc, appartenant à une humanité pensante digne de ce nom, veut d’un monde où la condamnation du génocide et de l’apartheid deviendrait « anachronique » ?
