France, Palestine et Brésil
Dans l'éditorial du journal "O Trabalho", n° 935, nos camarades brésiliens livrent leur point de vue sur les dernières élections en France et en Europe, pour les mettre en éclairage de l'actualité politique au Brésil.
- Actualité internationale, Brésil
Il y a quelques semaines, les partis et les gouvernements les plus engagés dans la politique de guerre au sein de l’Union européenne, ainsi que leurs représentants – Macron, de droite, en France, et Scholz, de « gauche », en Allemagne – ont subi une défaite cuisante lors des élections européennes.
La lecture unilatérale qui a prévalu dans les grands médias, mais aussi dans de nombreuses organisations populaires, a été que l’extrême droite avançait et progressait à grands pas, comme si cette « avancée » dans certains pays était le fruit du hasard ou d’un penchant général de l’électorat vers la droite. Cette lecture est fausse et les raisons ne manquent pas.
Des votes significatifs pour la gauche ont été enregistrés dans différentes régions, comme dans les pays scandinaves, mais le fait marquant a été la progression remarquable de secteurs de la gauche tant en France qu’en Allemagne. Pour ne pas parler seulement de La France insoumise (LFI), qui a obtenu un million de voix de plus que lors des précédentes élections, le tout nouveau parti d’opposition antiguerre de Sahra Wagenknecht (BSW), créé à peine six mois plus tôt, a consolidé sa position de deuxième force de gauche en Allemagne.
Les élections anticipées convoquées par Macron en France – qui ont ouvert les portes à l’extrême droite – ont renforcé cette tendance : le Nouveau Front populaire, au sein duquel la LFI est la force la plus significative, a obtenu la majorité au parlement au second tour sous une forte mobilisation populaire.
Les analystes des grands médias, qui d’une seule voix parlaient de la « progression galopante de l’extrême droite », ont expliqué ensuite qu’une sorte de « front large » entre Macron et la gauche avait empêché que l’extrême droite n’arrive au pouvoir. Mais ce contorsionnisme ne résiste pas à l’analyse. Les perdants sont avant tout les seigneurs de guerre. Ceux qui, depuis des années, appliquent la politique d’austérité et de suppression des droits afin d’augmenter les budgets militaires. Ces budgets qui ont été appliqués dans la guerre en Ukraine et plus récemment dans le massacre des Palestiniens. Et c’est cela qui est la caractéristique majeure de la situation : la résistance du peuple palestinien et la solidarité mondiale à sa cause, qui ont mis ces seigneurs dans les cordes, ont rencontré un écho dans les campagnes politiques des secteurs de la gauche qui se sont développés.
Des leçons qui aident à saisir la réalité du Brésil
Si l’extrême droite cherche à surfer sur cette vague de rejet, il revient aux partis liés à la classe ouvrière de répondre avec une ligne claire de rupture à l’égard de la politique de guerre de l’impérialisme contre les droits et les peuples. C’est l’ancienne, mais très actuelle conclusion : celle selon laquelle les partis qui représentent les travailleurs ont besoin d’être politiquement indépendants de la bourgeoisie pour présenter un programme capable de mobiliser les masses, de les mettre en lutte et d’affronter les institutions, au lieu de se charger de l’application des politiques du capital financier. Ces résultats, même s’ils sont sur le terrain déformé des élections, montrent une voie.
Finalement, c’est l’adaptation aux institutions de l’Etat, la lâcheté à les affronter dans la lutte pour de véritables réformes, l’adaptation à la politique du « donnant-donnant » au Congrès et l’interminable tutelle militaire sur la République, qui ont permis l’accumulation de frustrations à l’égard du PT, ce qui a été la base du coup d’Etat de 2016 et de la montée au pouvoir de l’extrême droite bolsonariste.
De l’autre côté, c’est la force de la classe ouvrière et des opprimés, et non pas les grandes alliances, qui a permis la victoire électorale de 2022 et la résistance au putsch qui se préparait. C’est l’adaptation à ces institutions, indissociablement liées à l’impérialisme américain, qui a également empêché Lula d’annoncer la nécessaire rupture avec Israël face au génocide palestinien.
Il est important de l’affirmer, car le troisième gouvernement Lula, après un an et demi, approfondit sa politique de conciliation et de marchandages au Congrès, tandis que le peuple, à chaque fois qu’il se bat pour ses revendications, se heurte aux institutions pourries du pays.
Il en a été ainsi avec la grève fédérale de l’éducation, dont les revendications ont été rejetées par le gouvernement au nom du nouveau schéma budgétaire approuvé par le Congrès. Il en est également ainsi avec la question du projet de loi 19041(1) Le 12 juin dernier, le président de la Chambre, Lira, a utilisé une procédure d’urgence pour que le projet de loi 1904, qui vise à pénaliser les avortements réalisés au-delà de la 22e semaine (en les assimilant à des homicides passibles de 20 ans de prison), soit présenté rapidement au vote des députés (Ndt)., dont la bataille pour son abandon se poursuit ; et cela est encore plus évident avec la question de la lutte contre la réforme de l’Enseignement secondaire, qui a été frappée par l’empereur Lira à la Chambre, sans aucune réaction digne de ce nom du chef du gouvernement et avec l’appui du ministre de l’Education (!).
Il s’agit de l’opposer d’un programme capable de mobiliser les masses et de les aider à affronter ces institutions. Au contraire, il fait le lit au retour des ennemis.
La voie que Lula doit emprunter est celle qui consiste à renouer avec les aspirations de ceux qui lui ont donné la victoire et de répondre en écho à la résistance au massacre du peuple palestinien qui s’exprime dans le monde entier .