Brésil : Il est urgent de mener la contre-offensive jusqu’à son terme !

Après la tentative avortée de coup d’Etat au Brésil, quelle est la situation politique dans le pays et quels sont les défis auxquels faire face ?

Les militants de Dialogue et action pétiste (DAP) dans le cortège de la manifestation du 9 janvier à Brasilia (photo correspondant).
Par Julio Turra
Publié le 21 janvier 2023
Temps de lecture : 3 minutes

Les intentions putschistes de Bolsonaro étaient annoncées depuis longtemps, au moins depuis les manifestations de masse du 7 septembre 2021, appelées par celui qui était alors président. L’imminence d’un putsch est apparue de façon encore plus évidente avec les deux mois pendant lesquels les bolsonaristes ont campé devant les casernes de l’armée pour demander une intervention militaire qui annule la victoire électorale de Lula du 30 octobre.

Un putsch annoncé et attendu

C’était un putsch annoncé et attendu, mais qui a cependant pris au dépourvu et laissé sans défense le gouvernement Lula, une semaine après sa triomphale investiture devant plus de deux cent mille manifestants à Brasilia.

Entre quatre et cinq mille personnes ont été entraînées en plein jour dans la capitale fédérale avec l’objectif d’envahir le palais du Planalto, le Tribunal suprême fédéral (STF) et le Congrès, des putschistes et des fascistes demandant une intervention militaire.

Pour que cette tourbe [putschistes, fascistes] puisse atteindre ses cibles, il y a eu une claire connivence des autorités du gouvernement du District fédéral (GDF) et du commandement de l’armée, comme cela a été largement rapporté.

L’intervention fédérale décrétée par Lula dans la sécurité de la capitale fédérale, des heures après le début des actes putschistes, suivie par le limogeage du gouverneur du GDF Ibaneis par le juge du STF, Alexandre Moraes, ont permis de rétablir l’ordre, en délogeant les bolsonaristes des immeubles occupés et vandalisés, avec l’arrestation de nombre d’entre eux. Des entrepreneurs qui ont financé les bus et le séjour des putschistes à Brasilia, pour la plupart liés à l’industrie agro-alimentaire, sont également dans le collimateur de la justice et leurs avoirs mis sous séquestre.

Bolsonaro lui-même inclus dans l’enquête

Tout au long de la semaine, l’ex-ministre de la Justice et le secrétaire à la Sécurité publique du district fédéral (DF), Anderson Torres, qui s’était rendu à Orlando (Etats-Unis) pour rencontrer Bolsonaro, a vu sa détention préventive décrétée par Moraes et, à la requête du Parquet général de la République (PGR), Bolsonaro lui-même a été inclus dans l’enquête sur la recherche des responsabilités de la tentative de putsch.

Mais parmi les « gros poissons » compromis dans l’action putschiste, il manque les chefs des forces de l’ordre, en particulier de l’armée, qui jusqu’à présent n’ont pas été inquiétés, bien qu’ils aient clairement failli à leurs obligations.

Il est certain que Lula a déclaré devant des journalistes que les forces armées, « à l’inverse de ce qu’elles pensent », ne sont pas un « pouvoir modérateur » et qu’elles devraient s’en tenir à leurs fonctions constitutionnelles.

Mais, dans le même temps, José Mucio, qui a dit que les campements de putschistes étaient une « manifestation démocratique », a été gratifié du portefeuille de ministre de la Défense.

Les manifestations du 9 janvier dans les rues des capitales pour la défense du gouvernement Lula et contre le putsch, marquées par les cris de « Pas d’amnistie » et « Bolsonaro en prison », les sondages donnant 93 % de rejet de l’action putschiste, la très inhabituelle unité pour la condamner de la part de partis, de gouverneurs (y compris ceux élus avec le soutien de Bolsonaro), indiquent que l’heure est venue de mener la contre-offensive jusqu’à son terme, ce qui implique la débolsonarisation de l’appareil d’Etat, bien sûr, mais également de faire le ménage dans le commandement des forces armées, qui, si ce n’est pas fait, continuera à faire planer la menace de putsch, en maintenant la tutelle militaire sur les pouvoir d’Etat.

Le soutien principal de Lula : la majorité opprimée du peuple

Dans un contexte de crise économique mondiale et face aux dégâts à tous les niveaux hérités du gouvernement Bolsonaro, le soutien principal dont Lula disposera pour gouverner sera la majorité exploitée et opprimée du peuple, qui attend des mesures concrètes qui améliorent ses conditions de vie et de travail.

Le soutien de type « union nationale » contre les putschistes, alimenté par la grande presse, qui parle d’isoler les « terroristes » et les « bolsonaristes radicaux » (comme s’il y en avait des « modérés »), peut s’évanouir à la première mesure du gouvernement Lula qui déplaise au « marché ».

En ce moment, mener jusqu’à son terme l’enquête et la condamnation de tous ceux qui sont impliqués dans la tentative putschiste du 8 janvier est la question la plus urgente. Si cela est fait, il s’agira d’un ferme pas en avant pour aborder les profondes réformes dans les institutions politiques que la nation brésilienne réclame afin d’atteindre la pleine démocratie et la souveraineté populaire et nationale.

Le 14 janvier 2023