Argentine : Milei déclare la guerre sociale
Contre le « méga décret » du nouveau président argentin, la CGT, centrale la plus importante du pays, a appelé à une « grève générale », à partir du 24 janvier à midi.
- Actualité internationale, Argentine

Dix jours seulement après son investiture à la présidence de la République, le 10 décembre, Javier Milei s’est heurté à la résistance de manifestants à Buenos Aires contre ses plans annoncés lors de la campagne électorale.
Le 20 décembre, date qui marque la fuite en hélicoptère de l’ex-président, Fernando de la Rúa, de la Casa Rosada, siège du gouvernement argentin, face à un soulèvement social en 2001, des partis et groupes de gauche avaient organisé une première marche contre « le plan d’ajustement et de misère de Milei et du FMI » avec près de 10 000 personnes dans l’après-midi.
Mais le plus significatif est que, dans la soirée du même jour, après l’allocution du nouveau président à la télévision nationale, des centaines de milliers d’Argentins sont, de façon spontanée, descendus dans les rues de la capitale pour se rassembler sur la place du Congrès, ainsi que dans d’autres villes.
Des manifestations qui se sont poursuivies le lendemain de l’annonce du décret national d’urgence (DNU) qui modifie plus de 300 lois et règlements en vigueur. Selon les propos du syndicaliste Hugo Godoy, de la CTA autonome, le DNU « est une bombe à neutrons qui veut anéantir l’Argentine, les institutions de la République et tous les droits que, pendant des années, nous avons été capables de construire ». Déjà Hugo Yasky, de la CTA des travailleurs, avait affirmé que « même à l’époque de la dictature, on n’avait pas essayé d’aller aussi loin ».
En effet, ce méga-décret, qui devra être approuvé par le Congrès, mais qui entre déjà en vigueur le 29 décembre, déclare la guerre aux droits sociaux et du travail, déréglemente le commerce intérieur et extérieur, annule la loi sur les loyers et vise à la privatisation de toutes les entreprises publiques. Bref, tout ce que le capital financier voudrait que les gouvernements mettent en œuvre dans le monde entier.
Milei passe à l’offensive
Après le DNU, Javier Milei a annoncé le non-renouvellement des contrats d’environ 7 000 employés des services publics et d’Etat qui arrivaient à échéance fin 2023, provoquant la réaction de l’Association des travailleurs de l’Etat (ATE), l’un des plus puissants syndicats argentins, qui s’est déclarée en état de mobilisation permanente.
Le 27 décembre, la CGT, les deux CTA et les mouvements sociaux ont organisé leur troisième manifestation contre le méga-décret de Milei devant le palais de Justice de Buenos Aires, exigeant que soient déclarées anticonstitutionnelles des mesures telles que la flexibilisation des relations de travail. Dans le même temps, des maires et des conseils municipaux ont également dénoncé les décrets comme anticonstitutionnels et ont demandé au Congrès de casser le DNU.
Mais Milei, qui jouit de la bénédiction du FMI, s’appuie également sur la désillusion et la colère des secteurs populaires contre le péronisme et le gouvernement précédent pour poursuivre son offensive, notamment avec la « loi omnibus », un projet qui renforce le caractère personnel du pouvoir en demandant au Congrès le transfert des pouvoirs législatifs à l’exécutif jusqu’en 2025, ce qui inclut les Codes civil et pénal ainsi que la modification de toute l’organisation économique de l’Argentine avec les privatisations, y compris de la Banque de la nation.
« Grève générale » le 24 janvier
La confrontation qui s’annonce sera dure. Dix-huit jours à peine après l’investiture de Milei, une assemblée plénière nationale de la CGT, la centrale la plus importante du pays, a appelé à une « grève générale », c’est-à-dire une paralysie nationale à partir du 24 janvier à midi, contre le DNU et la « loi omnibus », une « grève » de 12 heures à laquelle se joindront les deux CTA.
La situation en Argentine qui, du point de vue de la vie quotidienne des gens, subit déjà l’impact des mesures du nouveau gouvernement avec la hausse des loyers, la perte de pouvoir d’achat des salaires et des pensions, la désorganisation des relations de travail et l’absence de contrôle des prix, tend à devenir toujours plus explosive, tandis que le gouvernement lui-même affirme que « cela va plutôt empirer que s’améliorer ». C’est ce qu’il faut continuer à suivre avec attention en ce début d’année.
Le 29 décembre 2023
