Élections générales en Grande-Bretagne : l’incontournable question de Gaza

Cet article a été rédigé à la veille des élections générales. Comme il était prévu, le parti conservateur a subi une véritable déroute. Ce qui ne vaut pas blanc-seing - loin de là - à la direction du Parti travailliste, donc la direction a exclu l'ancien dirigeant Jeremy Corbyn.

Dès le surlendemain des élections générales, le 6 juin, Stop the War appelle à une marche nationale pour la Palestine : « Le nouveau gouvernement doit faire cesser le génocide et arrêter d’armer Israël ! »
Par Devan Sohier
Publié le 5 juillet 2024
Temps de lecture : 4 minutes

En Grande-Bretagne, le Parti travailliste a été constitué notamment par les syndicats, qui pour la plupart d’entre eux en sont toujours directement adhérents. Depuis un siècle, il gouverne en alternance avec le Parti conservateur (les Tories ).

Starmer a pris la direction du Parti travailliste en 2020 en incarnant une ligne éloignée des revendications syndicales, et en s’appuyant sur des accusations d’antisémitisme portée contre son prédécesseur Corbyn, défenseur de longue date des Palestiniens. Cela s’est traduit dans la dernière période par un soutien total de la direction travailliste, avec le gouvernement conservateur, au gouvernement israélien.

Le 4 juillet, les Britanniques sont appelés à élire leur nouveau Parlement lors d’élections générales. Tous les sondages indiquent une probable défaite, sinon déroute, pour le Parti conservateur. Dans un certain nombre de circonscriptions, des candidats exclus du Parti travailliste, dont notamment Corbyn, mais aussi du Workers Party of Britain (WPB) se présenteront contre les candidats travaillistes.

Vous trouverez ci-dessous quelques expressions syndicales sur ces élections.

Au-delà de la coïncidence des dates, les traditions syndicales comme la situation politique en Grande-Bretagne sont très différentes des nôtres, et nous n’entendons faire aucun parallèle entre les deux conjonctures.

« Aucun chèque en blanc au Parti travailliste »

Déclaration du RMT le 5 juin

Le RMT, syndicat des transports britannique, a été expulsé du Parti travailliste en 2004, pour avoir laissé certaines de ses sections écossaises financer le Parti socialiste écossais en protestation contre la politique de Tony Blair.

« Si l’on veut battre les Tories, il faut que le Parti travailliste gagne. Nous ne sommes affiliés à aucun parti, et soutiendrons des candidats travaillistes et socialistes. Il est clair que ces élections générales aboutiront soit à un gouvernement dirigé par les Tories, soit à un gouvernement dirigé par les travaillistes, et que, si l’on veut battre les Tories, il faut que le Parti travailliste gagne.

Au cours des quatorze années qui viennent de s’écouler, les Tories ont mené une attaque constante contre les travailleurs et contre nos adhérents, en adoptant des lois antisyndicales et en attaquant notre statut. […]

Le secrétaire général du RMT, Mick Lynch, a déclaré : “L’intérêt objectif des travailleurs est de sortir les Tories, ce qui implique d’avoir un gouvernement dirigé par le Parti travailliste, et nos adhérents devront faire campagne et voter en ce sens.

Le Parti travailliste défend des politiques importantes, comme le New Deal pour les travailleurs, qui comprend l’abrogation de la Loi sur les syndicats de 2016 et de la législation sur le service minimum. Le Parti travailliste soutient également la propriété publique et la réintégration d’une grande part des chemins de fer, l’abrogation de l’interdiction des bus publics, et l’amélioration des droits des marins.

Nous sommes consternés et condamnons l’approche adoptée par la direction du Parti travailliste concernant le conflit en Palestine.

Cependant, nous ne faisons aucun chèque en blanc au Parti travailliste, et nous le mettons au défi de fournir une stratégie économique alternative, cohérente et crédible, qui remette radicalement en cause l’orthodoxie actuelle sur les dépenses et les emprunts, afin que nous puissions financer correctement notre industrie et nos services publics. Et, aux côtés du reste du mouvement syndical, nous sommes également consternés et condamnons l’approche qu’a prise la direction du Parti travailliste concernant le conflit en Palestine.

Nous n’obtiendrons de protection pour nos adhérents et de politiques progressistes, comme toujours, qu’en préparant notre syndicat et plus généralement le mouvement syndical au combat pour un changement progressiste. Nous continuerons à protéger les emplois et les conditions de travail de nos adhérents. Notre approche politique et syndicale de combat se poursuivra avant comme après l’élection.

Un gouvernement travailliste augmente nos perspectives de nous battre et de gagner dans l’intérêt de nos adhérents. »

« Comment arrêter les fauteurs de guerre ? »

La coalition Stop the War regroupe des militants opposés à la guerre, mais aussi des syndicats. Nous reproduisons ci-dessous des extraits d’un article d’Alex Kenny, co-président de Stop the War et ancien dirigeant du syndicat enseignant NEU, avec la permission de l’auteur.

« Nous voyons de plus en plus de bannières de syndicats dans les manifestations mais la direction nationale de nombre de nos syndicats est toujours absente.

Des milliers de personnes, entassées dans Whitehall mardi, prévenues juste 24 heures à l’avance, en réponse aux atrocités d’Israël à Rafah qui sont diffusées en direct sur nos téléphones à longueur de journée. C’est une réussite incroyable pour le mouvement que nous avons construit et qui continue à grossir, en solidarité avec le peuple de Gaza, et dans l’exigence que cessent les ventes d’armes à Israël de la part du gouvernement britannique.

Au cœur du mouvement syndical, il y a la solidarité internationale, dont les Palestiniens ont un besoin si désespéré. […]

Notre Premier Mai, avec des actions sur les lieux de travail, a été l’occasion d’initiatives inspirantes, allant de manifestations le matin à l’entrée d’usines et de réunions sur la pause déjeuner, jusqu’à des discussions, des projections de films et des levées de fonds. Ça a été particulièrement bon de voir tant de travailleurs se joindre à des campements d’étudiants, leur apportant solidarité et soutien à un moment où tant d’étudiants prennent une position déterminée pour que leurs universités arrêtent tout financement d’Israël. […]

Mais, alors que nous voyons de plus en plus de bannières de syndicats dans les manifestations nationales, régionales et locales, la direction nationale de nombre de nos syndicats est toujours absente.

Quand des bombes et des composants construits en Grande-Bretagne se déversent sur Gaza sous nos yeux, l’argument selon lequel les questions économiques quotidiennes sont celles des syndicats et que les questions politiques de l’impérialisme et de la guerre sont une diversion paraît de plus en plus faible.

Les deux principaux partis politiques s’engagent à augmenter les dépenses militaires s’ils gagnent les élections générales.

Il y a toujours plus d’argent pour les bombes, alors que les travailleurs sont toujours confrontés à l’austérité. Le fait est que chaque livre sterling dépensée pour accroître la militarisation est une livre sterling de moins pour s’attaquer aux crises du coût de la vie et du logement, pour reconstruire nos écoles et nos hôpitaux qui s’effondrent, et pour réduire les listes d’attentes du NHS.

Les travailleurs ont besoin d’aides sociales, pas d’armes de guerre.

Le fait est que, quand les travailleurs reprennent leur force de travail, ils peuvent bloquer les choses. […] Mais de telles actions nécessitent non seulement le soutien de la base, mais également des sommets des syndicats.

Il ne s’agit bien sûr pas que des travailleurs de l’industrie d’armement. Nous avons vu le travail magnifique des travailleurs de la santé pour la Palestine. […] Et les enseignants et leurs syndicats parlant pour les enfants de Gaza et de Cisjordanie, orphelins, blessés, pris pour cibles et massacrés dans leurs tentes nuit après nuit. […]

En tant qu’êtres humains, nous sommes horrifiés par la souffrance d’autres êtres humains, et cela doit être au cœur de nos principes syndicaux. Rejoignez des syndicalistes de tout le Royaume-Uni le 9 juin pour discuter de la manière dont nous continuerons à bâtir les initiatives pro-palestiniennes et anti-guerre dans nos syndicats et sur nos lieux de travail. »