Etats-Unis, J-14 : Kamala Harris est en train de perdre l’électorat des Noirs
En 2008, puis encore en 2012, les Noirs avaient voté massivement pour Barack Obama. Au cours de ses huit ans de mandat, leur situation ne s’est pas améliorée, pas plus sous Biden et aujourd'hui, Harris peine à drainer les voix des électeurs noirs.
- Actualité internationale, Etats-Unis

Dans le duo Biden-Harris qui l’a emporté en 2020, Biden, proche des directions syndicales, voulait emporter l’électorat ouvrier, et Harris drainer le vote des Noirs et, plus généralement, de toutes les minorités. Mais, en 2024, sondage après sondage, force est de constater que Harris peine à drainer les voix des électeurs noirs, des latinos et des autres minorités. C’est une partie clef de l’électorat démocrate, sans laquelle il est difficile pour eux d’emporter les élections.
En 2008, puis encore en 2012, les Noirs avaient voté massivement pour Barack Obama. Au cours de ses huit ans de mandat, leur situation ne s’est pas améliorée. Pire, sous bien des aspects, leur situation s’est au contraire aggravée. La répression policière n’a pas reculé, la gentrification des quartiers où ils ont vécu depuis des décennies les a expulsés vers des banlieues lointaines et privées de services publics, la contractualisation-privatisation des écoles a fait apparaître des écoles qui, au prétexte de tests de niveaux à l’entrée, leur sont interdites.
Les manifestations de masse qui ont suivi la mort de George Floyd sous le slogan « Black Lives Matter », les vies noires comptent, concentraient toutes ces questions. Mais, malgré la reprise de ce slogan par les démocrates, les promesses faites alors n’ont pas été suivies d’effet. La police américaine, gérée ville par ville, comté par comté, continue de tuer des noirs, souvent sans avoir à en affronter les conséquences grâce aux lois fédérales qui les protègent, ainsi que de l’architecture même du système judiciaire américain.
Dans un article publié le 21 octobre, à 15 jours des élections, le New-York Times confirme l’inquiétude des équipes de campagne des candidats.
« Les indécis sont six fois plus susceptibles d’être motivés par leur opinion sur la guerre à Gaza que les autres électeurs. Et 25% des indécis sont des noirs. “Le fait que les démocrates n’aient pas réussis à sécuriser le vote des jeunes hommes noirs à moins de trois semaines du scrutin est un gros problème pour eux”, déclare le directeur politique de la campagne de Trump ».
Evoquant le chiffre de 1,2 million d’électeurs indécis et décrivant un « groupe important d’électeurs plus jeunes, de personnes de couleur et sans diplôme universitaire », The New-York Times indique : « les électeurs noirs représentent environ 21 % des indécis, ce qui contribue à expliquer le ciblage explicite de Mme Harris sur eux. »
Dans une tentative désespérée de regagner cet électorat, Kamala Harris a diffusé une publicité à destination des hommes Noirs. Succombant à tous les préjugés racistes, elle propose notamment la légalisation de la marijuana comme une opportunité pour eux de « réussir dans cette nouvelle industrie » : s’adressant à ceux qu’elle considère comme des dealers, et qu’elle appelle maintenant « entrepreneurs ».
Elle a depuis ajusté sa communication pour souligner le nombre disproportionné d’hommes noirs emprisonnés pour des infractions liées à la marijuana, 40% des prisonniers aux Etats-Unis étant noirs alors qu’ils ne représentent que 14 % de la population générale. Même corrigée, la proposition de Harris est un moyen de ne pas traiter le problème de fond, l’oppression systémique que subissent les noirs aujourd’hui encore, 160 ans après la fin de l’esclavage et 60 ans après les lois sur les droits civiques.
La question de Gaza
Pour l’électorat latino, c’est sur la question de la désaffection vis-à-vis des démocrates que se joue l’élection. Harris prend des positions de plus en plus droitières, appelant à l’expulsion des migrants illégaux et à la militarisation de la frontière avec le Mexique.
Mais, d’une certaine manière, tout se concentre sur la question de Gaza. Le soutien inconditionnel de l’administration démocrate à l’état d’Israël lui retire bien sûr une grande part du vote des arabes américains. Les Noirs américains font aussi le lien avec leur propre situation : ils connaissent aussi la répression violente et systématique, la privation des droits démocratiques les plus élémentaires.
Voir les Etats-Unis consacrer des millions de dollars au génocide à Gaza, alors qu’eux sont toujours privés de logements, d’emplois, ne peut que leur donner la nausée. Les militants noirs présents dans les manifestations contre le génocide autour de la convention démocrate avaient clairement exprimé ce dégoût.
Bien sûr, Trump, face à elle, est l’expression de la réaction et du racisme le plus crasse. Mais cela ne suffit plus, et des millions n’iront tous simplement pas voter.
