En Espagne, aux Etats-Unis, en France…

Partout la crise du capitalisme et l’incurie des gouvernements provoquent indignation, rejet, colère et résistance.

Par Pierre Valdemienne
Publié le 6 novembre 2024
Temps de lecture : 4 minutes

Les images sont saisissantes : face aux inondations monstres qui ont littéralement enseveli des villages entiers de la province de Valence en Espagne, faisant plus de 200 morts connus à ce jour, des dizaines de milliers d’Espagnols ont afflué de tout le pays armés de packs d’eau, de nourriture, de vêtements, de balais pour venir en aide et porter secours à la population démunie.

Face à cette situation d’incurie totale du gouvernement régional et du pouvoir central, qui ont littéralement abandonné la population à son triste sort, les masses se sont mises elles-mêmes en mouvement, reprenant à leur compte cette formule héritée de la vague révolutionnaire espagnole de 1936 : « Seul le peuple sauve le peuple ».

« Assassins ! »

Dans cette formidable manifestation de solidarité, le peuple espagnol n’en a pas pour autant oublié les responsables à l’origine de la situation. Lorsque le roi Felipe et le Premier ministre « socialiste » Pedro Sanchez, accompagné de Mazon (président de la Généralité valencienne), se rendent sur place pour tenter de calmer la colère qui s’exprime depuis plusieurs jours, ils sont littéralement chassés par la population démunie, aux cris de : « Assassins ! Assassins ! ».

Ainsi, un syndicat étudiant de Valence appelle à la grève des universités et des écoles dès le 4 novembre pour aller aider les victimes.

De l’autre côté de l’Atlantique, les salariés de Boeing ont été en grève depuis presque deux mois consécutifs. Alors que les dockers de la côte est ont obtenu il y a plusieurs semaines, par la grève, une augmentation de salaire de 62 % sur dix ans, les 33 000 ouvriers de l’avionneur américain étaient appelés à se prononcer une troisième fois, le 4 novembre, sur le projet d’accord social présenté par la direction (trois propositions salariales avaient été refusées depuis le 12 septembre : hausse de 25 %, puis 30 % puis 35 % d’augmentation de salaire sur quatre ans).

L’ultime proposition de la direction est fixée à 38 %, le syndicat des machinistes IAM en réclamait 40 %. Le groupe a également remis en place une prime annuelle (4 % du salaire annuel), augmenté la prime de ratification (de 3 000 à 12 000 dollars) et abondé la contribution au plan de retraite par capitalisation. C’est sur ce dernier point, celui du système de retraite, que la direction n’a pas voulu lâcher, en refusant de rétablir l’ancien dispositif de retraite.

Néanmoins, dans un vote serré (60 % pour, 40 % contre), l’accord social a été validé par les salariés de Boeing. À la veille des élections présidentielles américaines, on peut dire que la lutte des classes ne s’est pas arrêtée confirmant l’appréciation politique portée par le parti américain DSA.

Avalanche de licenciements

En France, les plans sociaux dans le privé tombent en cascade comme à Valeo, Nexity ou Sanofi. Le groupe Auchan annonce la suppression de 2 400 emplois. Mardi 5 novembre, le groupe Michelin a annoncé la suppression de 1 250 postes. Le jour même, les salariés de l’usine de l’équipementier à Cholet (49), qui emploie près de 1 000 salariés, débrayent et déclenchent la grève.

Cette politique touche aussi les agriculteurs. Ainsi est à l’ordre du jour un plan d’arrachage des vignes. Pascal Lavergne, député macroniste, indique qu’il y aura un plan d’arrachage des vignes pour lequel les paysans recevront des aides. En écho, le député RN Grégoire de Fournas indique « je ne suis pas nécessairement opposé au plan d’arrachage français au niveau européen ». Qu’en termes élégants, ces choses-là sont dites.

Mais tout cela, n’empêche pas que la situation sociale soit en train de se tendre. C’est dans ce contexte que ce gouvernement ultra-minoritaire entend faire passer son budget de guerre sociale contre les travailleurs, mettant en œuvre dès 2025 la suppression de 150 000 postes de fonctionnaires que le gouvernement veut supprimer sur 5 ans : suppressions des postes d’infirmières pour continuer à fermer les lits, suppressions de 4 000 postes dans l’éducation nationale pour continuer à fermer des classes. Annonces qui indignent les personnels concernés, les parents et les usagers.

Le RN tiendra-t-il ?

C’est dans ce cadre qu’il faut apprécier la place particulière occupée à l’heure actuelle par le Rassemblement national (RN). À l’évidence, les contorsions, les petites manœuvres, les appétits des Hollande, Glucksmann, Cazeneuve, Dray du Parti socialiste (PS) ou d’autres du Parti communiste français (PCF) ne suffiront pas. C’est au RN, fort de ses 141 députés, que revient la tâche centrale de soutien du gouvernement Macron-Barnier, rejeté de toute part et défait à plusieurs reprises sur le terrain électoral.

Face aux impératifs de soutien aux nécessités du capital, l’illusion même savamment entretenue ou renforcée par un pseudo « front républicain » d’un RN « principal opposant à Macron » est en train de s’effriter de toutes parts. Le refus et les mobilisations rejetant les pires attaques anti sociales et anti ouvrières la mettent à nu.

Ils apparaissent à l’Assemblée nationale – notamment sous l’action résolue et déterminée des députés LFI qui, par leur opiniâtreté dans le combat parlementaire, aident à démasquer le soutien du RN à l’action gouvernementale – comme dans le concret de la vie réelle.

Après le soutien apporté par Bardella à l’allongement du délai de carence dans la fonction publique à condition que l’argent récolté aille aux policiers, pour de plus en plus de gens, le RN apparaît pour ce qu’il est : un rempart défendant les intérêts des capitalistes et donc un soutien – le plus longtemps possible – de Macron qui en est l’incarnation institutionnelle et qui, en contrepartie, applique méthodiquement la politique du RN.

La dernière preuve en date est cette déclaration solennelle du ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur qui, de la tribune de l’Assemblée nationale, appelle à « reprendre le contrôle » en matière d’immigration (3 novembre), ovationnée par les bancs du RN.

Certes, il y aura encore des volte-face, des mensonges, des fausses promesses, des tentatives de tromperie, des déclarations aboyeuses, mais ce rempart et cette ultime digue de protection de Macron résisteront-ils aux faits implacables et aux saccages de la vie de la population ? Rien n’est moins sûr… Mieux vaut s’y préparer, et sur tous les terrains.