Retraites : « une victoire à la Pyrrhus », déplore la presse

Au lendemain de la validation de la réforme des retraites par le Conseil constitutionnel, les éditorialistes s'alarment : « une décision qui ne règle rien », « brutale », « un désastre », « la défiance est là et ne va pas s'évaporer par enchantement »...

Les gendarmes mobiles barricadant le Conseil constitutionnel, le 13 avril (photo Gauthier Bedrignans / Hans Lucas via AFP)
Par AFP
Publié le 15 avril 2023
Temps de lecture : 3 minutes

Paris, 15 avril 2023 (AFP) – Le Conseil constitutionnel a validé vendredi l’essentiel de la réforme des retraites, dont le report de l’âge légal à 64 ans, une « victoire juridique » mais « un désastre pour la nation », déplorait unanimement la presse française samedi matin, avant la promulgation du texte.

« Un désastre », lâche Midi Libre. « Nul ne pensait le Conseil constitutionnel en capacité de résoudre la crise sociale et politique qui fait rage depuis trois mois. Mais à son corps défendant, la juridiction vient de l’aggraver », tacle Olivier Biscaye.

« La procédure a beau être légale, carrée, conforme à la Constitution, elle ne passe pas », acquiesce le rédacteur en chef de La Voix du Nord. Il y a « une forme de péché originel à prétendre agir au nom des Français en leur imposant de façon expéditive un texte dont ils ne veulent pas », lance Patrick Jankielewicz.

« La décision du Conseil constitutionnel, parce qu’elle n’est pas politique, ne règle rien. Les syndicats de salariés n’ont même pas l’ombre d’un texte pour ranger les drapeaux », lit-on dans L’Est Eclair.

En guise de dessin de presse, Libération Champagne ose sur sa dernière page un doigt d’honneur, tandis que les manifestations se poursuivent sur la Une de Libération, barrée du slogan « Pas vaincus ».

« Sur la forme, les “sages” – ce surnom ne peut être utilisé maintenant que par ironie – ont livré une décision brutale, écrite dans une forme bureaucratique dénuée de tout style ou de toute nuance. Sur le fond, la décision va au-delà du texte gouvernemental tant décrié », analyse froidement Dov Alfon.

« Sur ce brasier social (…) les “sages” ont donc “versé un jerrican d’essence” (…). Et fidèle à ses passions de pyromane, Emmanuel Macron annonçait immédiatement que la loi serait promulguée sous quarante-huit heures »,  poursuit-il dans son édito amer.

« Et maintenant ? »

Les mots de la Première ministre, qui a déclaré vendredi qu’il n’y avait « ni vainqueur ni vaincu », ont eux aussi couler de l’encre.

« Cela peut paraître fair-play dans une coupe de foot de la catégorie poussins. Mais après des mois d’une mobilisation XXXL, à l’instant T où le texte d’une réforme honnie par des millions de Français est certifié conforme au regard de la Constitution, c’est déconcertant », déplore Sophie Leclanché dans La Montagne.

La presse ne croit pas au match nul. « Emmanuel Macron a gagné », annonce Charente Libre. « Une victoire à la Pyrrhus », renchérit La République des Pyrénées.

« C’est une victoire juridique pour le gouvernement d’Elisabeth Borne mais un désastre à la fois politique et social pour la nation », tance encore Le Républicain Lorrain.

« Personne ne sort vainqueur de ce rendez-vous manqué entre le peuple et ceux qui le représentent au plus haut niveau. Sauf peut-être les extrêmes », assure La Voix du Nord.

En Une du Parisien, le chef de l’Etat affiche une mine dubitative : « Et maintenant ? », titre le quotidien.

« Les Sages eux-mêmes ont pointé “le caractère inhabituel” de l’accumulation de procédures visant à restreindre les débats. (…) Et si le procédé devenait la nouvelle norme du “cheminement démocratique” ? », s’inquiète La Montagne.

« Même Élisabeth Borne l’a reconnu », renchérit Sud-Ouest : « “Il est important de dire où l’on veut aller”. A la lueur de cet aveu, faut-il en déduire que ce second quinquennat sera celui de la navigation à vue ? », questionne Jefferson Desport, notant au passage que « la droite, qui restait le meilleur allié (du président) jusque-là, est ressortie de ce débat lessivée, éparpillée façon puzzle ».

A droite justement, Le Figaro se lamente du « gâchis collectif ».

« Les Français voient bien que l’affaissement généralisé vient moins de leur réticence supposée à la “réforme” que d’une impuissance de plus en plus sidérante de la performance publique. École, santé, sécurité : impôts partout, service nulle part », tonne Vincent Trémolet de Villers. « La défiance est là et ne va pas s’évaporer par enchantement ».