Niger : « La jeunesse aspire à la souveraineté totale »

Interview d’un responsable du syndicat étudiant de la ville de Zinder au Niger.

Une manifestation à Niamey, le 20 août (Photo AFP)
Par correspondant
Publié le 23 août 2023
Temps de lecture : 5 minutes

Depuis le coup d’Etat, les sanctions financières asphyxiant le pays et la menace d’une guerre planent. Quelles sont les revendications de la jeunesse du Niger ?

La revendication de la jeunesse est cette aspiration à la souveraineté totale, à l’indépendance de son pays. Quand vous jetez un coup d’œil dans l’Histoire, surtout par rapport à la relation France-Afrique, particulièrement au Niger, l’esprit et le sentiment qui animent l’ensemble de la jeunesse se focalisent sur cette question d’indépendance. La jeunesse voit la France comme responsable de la souffrance de leurs parents et de leurs grands-parents et d’eux-mêmes. Et qu’elle est en train de programmer une autre souffrance pour leurs fils et petits-fils. Donc c’est cela pour le moment l’aspiration, ils veulent un Niger indépendant d’un point de vue économique. Un Niger qui va s’épanouir avec les autres pays du monde, comme l’Inde, la Chine, la Turquie, les USA… la France aussi, si elle peut respecter la dignité et la souveraineté des peuples africains et du Niger en particulier.

Donc cette aspiration est l’émanation d’une histoire qui a profondément touché et assujetti l’homme africain. C’est vraiment cette aspiration de souveraineté que la jeunesse exprime. C’est pour cela que vous voyez partout dans les manifestations que le drapeau de la France est brûlé et que la France est dénoncée.

Donc voilà l’aspiration de la jeunesse. Elle se voit libre dans son pays, libre de pouvoir tisser des relations avec tous les pays du monde.

Dans cette situation inédite, comment les jeunes et les étudiants se mobilisent et s’organisent ?

Dans ce mouvement, la jeunesse est partie prenante à travers la communication pour faire passer les informations, mais aussi organiser les manifestations. Il y a aussi des séances de sensibilisation et de conscientisation dans des radios communautaires ainsi que dans les différents fada, les lieux de rencontre. C’est comme cela que la jeunesse se sensibilise et organise des manifestations par rapport à la situation du pays et contre l’agitation de ceux qui veulent coûte que coûte déclarer la guerre au pays.

Cette organisation va au-delà de la situation actuelle, car c’est une question à long terme. Les étudiants, la jeunesse tout entière aujourd’hui est en train de dessiner son avenir elle-même. Elle n’attend personne pour faire le travail à sa place. Ni la Chine, ni la Russie, ni la France.

La jeunesse s’organise elle-même pour exprimer sa souveraineté. Et ça, c’est à n’importe quel prix. La jeunesse est tellement mobilisée, les organisations sont prêtes à s’assumer. Vous avez vu au Burkina Faso, certains arrivent à prendre des armes, même ici au Niger. Si jamais les jeunes voient leur pays menacé, ils sont capables de le faire aussi. Car si tu n’as pas d’armes, les terroristes vont faire déguerpir tes parents et prendre ta maison. Donc c’est une question d’existence que la jeunesse cherche à défendre à n’importe quel prix.

Des soutiens et prises de position en défense du peuple nigérien venant d’organisations syndicales, politiques, etc., viennent de toute part en Afrique et bien au-delà. Plusieurs pays ont pris position contre l’intervention militaire également. Qu’en pensez-vous ?

Oui, ces prises de position et ces soutiens sont naturels, le Niger le mérite. Car cela fait près de 100 ans que le Niger traîne dans les mains de la France et de ses copains impérialistes. C’est une réalité à ne pas nier. Le peuple africain en entier et tous ceux qui peuvent avoir une once d’humanisme savent que le Niger vit dans ses chairs la politique franco-africaine. Et quand vous regardez de l’autre côté de la frontière, il y a un tableau de bord qui donne une leçon à ces organisations [Cédéao, Union africaine…], qui est la Libye.

La Libye a été détruite par la France qui a embarqué l’Otan. Et aujourd’hui on en voit les conséquences avec le terrorisme. Et c’est la même France qui est en train d’utiliser les mêmes schémas pour asseoir son hégémonie.

C’est pour cela que ces organisations, mais aussi des pays, sont en train de soutenir le Niger. Parce que si jamais une guerre s’enclenche au Niger, les conséquences seront désastreuses. Aucun pays voisin ne sera sauf. C’est la catastrophe qui sera installée. Donc, ces prises de position sont naturelles, c’est une question d’existence pour ces pays vis-à-vis des décisions va-t-en-guerre de la Cédéao.

Voulez-vous ajouter quelque chose ?

Je voudrais ajouter, que vous, à votre niveau, en comprenant le sens objectif de cette situation, vous devez prendre position. Donc faites votre maximum pour dire à vos organisations syndicales et à vos concitoyens : voilà la situation, et voilà la réalité.

Ce que les autorités françaises veulent créer en Afrique, au Niger, c’est un chaos total, et c’est ça l’objectif. Tous les Africains ont compris cela aujourd’hui. Tous ces ressentiments, ces harcèlements, ces débordements de la foule contre les intérêts de la France, ça veut dire qu’il y a une cause bien fondée.

Il y a toujours ces esprits nostalgiques colonialistes dont la France n’arrive pas à se débarrasser. Elle regarde les Africains comme des sous-hommes, comme quelqu’un qu’on peut manipuler, qui ne peut pas réfléchir et à qui on peut imposer des comportements selon son bon vouloir. Si l’Africain pose un acte pour sa souveraineté, on dit : « c’est la Chine, c’est la Russie, etc. » qui l’a influencé. Cette insulte contre les Africains est profondément ancrée dans les esprits des Africains et crée un sentiment profond antifrançais. Tout cela doit être pris en compte si désormais la France veut avoir une place en Afrique du point de vue diplomatique.

Le 16 août 2023

Message de Guinée Conakry

« Vive le glorieux peuple du Niger ! »

Une nouvelle page est en train d’être écrite sur l’histoire de l’Afrique. Le sort de millions de personnes se joue, malheureusement de manière dramatique sur le continent, notamment dans la région ouest.

Des coups d’Etat civils aux coups de force ou putschs militaires, c’est un jeu d’intérêts antagonistes. D’un côté, le changement constitutionnel pour s’octroyer des mandats interminables, au su et au vu de tous, sans aucune intervention ou condamnation des organisations de la communauté internationale (Cédéao, Union africaine, Union européenne, Etats-Unis, etc.). Cela était légitime car les intérêts des impérialistes manipulateurs sont sauvegardés. Qu’importe les peuples qui criaient sur tous les toits : « Non au troisième mandat ! Par de gouvernance à vie ! N’usurpez pas le droit du peuple ! » Au Congo-Brazzaville, qui a bronché mot ? Au Gabon, en Guinée-Equatoriale, au Cameroun, au Togo, en Côte d’Ivoire, en Guinée, etc. ?

Partout, la France, l’Occident en général et leurs valets d’Afrique ont fait la sourde oreille pour couvrir leurs avantages au détriment des peuples indigents auxquels on prive de tout droit, même celui à la vie. Ils ont ainsi donné l’occasion aux forces armées de perpétrer des putschs qui restent légitimes aux yeux des populations déjà martyrisées.

Ces militaires viennent en sauveurs de leur peuple, quand bien même il arrive souvent qu’eux aussi se détournent de leur mission originelle. Les populations semblent partagées entre la peste et le choléra ! Elles sont prises en otage par leurs propres dirigeants, légalitaires ou légitimés.

La volonté d’intervenir militairement au Niger ressemblerait à une pression forcenée qui tient à la fragilité des pays concernés. Nous avons vu la Gambie avec le départ de Yayah Jahmet. Alors l’intention est-elle de sauver la « démocratie » au détriment des peuples, ou bien de compliquer la gestion de l’Etat par les Patriotes en vue de favoriser le pillage des ressources ? En tout cas, les seules victimes des décisions malsaines sont les paisibles citoyens. Et on viendra enfin en sapeurs-pompiers demander de déposer les armes. Certes, il n’y a pas eu de troisième mandat au Niger comme ailleurs, mais « la guerre est toujours le résultat de l’injustice ».

Nous sommes solidaires du peuple nigérien pour la sauvegarde de sa souveraineté, de sa dignité et de l’intégrité de son territoire. Aucun sacrifice n’est de trop pour préserver notre indépendance chèrement acquise !

Le vrai combat, le seul, légitime aussi, c’est celui du peuple et à l’avantage des citoyens.

Vive le glorieux peuple du Niger ! Vivement l’émancipation des peuples indigents d’Afrique et du monde !

Dieng Abdoulaye, Guinée Conakry

Message du Cameroun

« Ensemble, nous vaincrons »

La confédération syndicale Entente/Cameroun suit avec une attention toute particulière les développements de la situation au Niger depuis leur déclenchement opérationnel. Notre confédération soutient entièrement la lutte intrépide des populations et des travailleurs nigériens pour le triomphe de leur souveraineté et de leur autodétermination.

L’exploitation éhontée des énormes ressources du Niger depuis des siècles doit prendre fin pour que le peuple fier du Niger s’épanouisse enfin grâce à ses nombreuses richesses si longtemps pillées par des prédateurs venus d’ailleurs, avec la complicité de leurs agents locaux.

Les vraies luttes africaines sont les nôtres. En Guinée, au Mali, au Burkina, au Niger, c’est le même combat. Ensemble nous lutterons, ensemble nous vaincrons.