A propos de l’opération politique du 12 novembre
Il ne manquait pas beaucoup de ce que compte le microcosme institutionnel sur la photo des organisateurs de cette opération politique frauduleusement baptisée « marche contre l’antisémitisme ».
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Dimanche 12 novembre, au départ des Invalides, il ne manquait pas beaucoup de ce que compte le microcosme institutionnel sur la photo des organisateurs de cette opération politique frauduleusement baptisée « marche contre l’antisémitisme ».
Une opération politique qui, en se parant indécemment du drapeau de l’« antisémitisme », visait à matérialiser un soutien à peine déguisé au « droit de se défendre » du gouvernement israélien, au permis de tuer délivré par Biden, Macron, Scholz… au Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou.
Une opération politique qui, il faut bien le dire, n’a pas permis d’obtenir la réussite espérée par les organisateurs : la présence de la Première ministre, des présidents des deux chambres parlementaires, du Conseil constitutionnel, des deux précédents présidents de la République, des présidents des Républicains, du Rassemblement national (RN) et du mouvement Reconquête, ainsi que du mouvement Horizons, pour ne citer que les plus significatifs 1Ajoutons à la liste : Meyer Habib, Manuel Valls, Nadine Morano, ou encore le député RN Grégoire de Fournas, qui avait proféré des insultes racistes dans l’Hémicycle à l’encontre du député LFI Carlos Martens Bilongo. , bref, de tout ce que compte de réactionnaires attachés à la défense de l’« ordre mondial », qui s’en sont pris depuis des décennies – et qui s’en prennent toujours aujourd’hui – aux acquis des travailleurs (que ce soit en matière de retraite, d’assurance-chômage, de salaires, d’immigration, etc.), aura certainement dissuadé les foules de s’associer à cette tentative échouée d’union nationale.
Fait notable, il manquait néanmoins le président de la République, qui n’a pas souhaité matérialiser par sa présence son adhésion à l’initiative : il a toutefois écrit une lettre en soutien, publiée dans Le Parisien Dimanche (12 novembre), dans laquelle, au passage, il est réaffirmé que le gouvernement israélien « a le droit de se défendre » par « une réponse armée ».
Il faut dire que, deux jours auparavant, sans doute sous la pression, Emmanuel Macron avait déclaré aux journalistes de la BBC : « Des bébés, des femmes, des personnes âgées sont bombardés et tués. Il n’y a pas de raison pour cela ni de légitimité. C’est pourquoi nous pressons Israël d’arrêter. » Propos qui ont entraîné une condamnation immédiate de Benyamin Netanyahou. « Une grave erreur factuelle et une erreur morale », a déclaré ce dernier.
Réaction du chef de l’Etat, dès le lendemain, samedi 11 novembre : dans une conversation avec le président israélien, Isaac Herzog, Emmanuel Macron a assuré « qu’il soutenait sans équivoque le droit et le devoir d’Israël à l’autodéfense ».
Il serait possible de combattre l’antisémitisme avec ceux qui soutiennent depuis plus d’un mois les massacres perpétrés par Netanyahou ?
Quatre heures avant le départ de la manifestation du 12 novembre, une frappe de l’armée israélienne a entièrement détruit un bâtiment de deux étages de l’hôpital al-Shifa, le plus important de Gaza, réservé aux services des maladies cardiaques : et l’on voudrait nous faire croire qu’il serait possible de combattre l’antisémitisme avec ceux qui soutiennent depuis plus d’un mois les massacres perpétrés par Netanyahou et l’armée israélienne ? Pour reprendre les propos de Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières, qui caractérise la manifestation du 12 novembre de « marche en soutien à Israël » : « Israël aujourd’hui met en danger les Juifs. »
Pas étonnant, dans ces conditions, que Marine Le Pen déclare au début de la manifestation : « Nous sommes exactement là où nous devons être. »
Cette fois-ci, pas d’exfiltration, comme cela avait pu être le cas lors de la marche pour Mireille Knoll en 2018 : « Au RN, on s’est en tout cas satisfait du “bon accueil global”. » (Le Parisien, 13 novembre.) « “Vous voyez, on s’en sort plutôt bien…” glisse un ténor du RN. » (L’Opinion, 13 novembre.)
« S’il y en a 100 000, c’est un échec » (Alain Duhamel, 8 novembre)
Pas étonnant, non, d’autant que tout ce petit monde se retrouve, nonobstant quelques tactiques politiciennes, pour partager le contenu du projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », dont le ministre de l’Intérieur lui-même le présente comme le plus « ferme de ces trente dernières années ».
Fort heureusement, et même s’il s’est trouvé des gens honnêtes qui sont tombés dans le piège tendu par le pouvoir, la masse n’a pas répondu présent à la manifestation du 12 novembre et a signifié par là même qu’elle n’est pas dupe de l’opération politique. A noter que les dirigeants des confédérations syndicales n’y étaient pas. D’ailleurs, c’est là leur principal problème : malgré la propagande politique déversée en jet continu sur toutes les chaînes d’information, « on était en deçà des rassemblements au lendemain de la profanation du cimetière de Carpentras », note l’éditorialiste Nicolas Beytout (L’Opinion, idem).
Le politologue Alain Duhamel n’a-t-il pas déclaré de son côté, à propos du nombre de participants à la manifestation du 12 novembre : « S’il y en a 100 000, c’est un échec » (BFM TV, 8 novembre) ?
S’ils pensent avoir renversé le puissant courant de sympathie pour la cause palestinienne, c’est raté. S’ils pensent avoir inversé la vapeur contre le dégoût qu’inspirent Netanyahou et ses généraux criminels, c’est raté aussi. Malgré une propagande inouïe, malgré un déversement continu et des moyens impressionnants, le nombre espéré n’y était pas.
Informer, discuter, aider à y voir clair
Il est même certain que, même dans ce contexte frelaté, parmi les participants, ce rejet était bien présent puisqu’il a fallu des nervis pour l’empêcher de s’exprimer. Ils n’arrivent pas à faire reculer ce sentiment majoritaire que l’horreur du 7 octobre ou même la Shoah ne signifient pas l’acceptation des horreurs contre Gaza. C’était pourtant l’objectif affiché des toutes premières lignes de l’appel de Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet.
Au même moment, dans les sommets de l’Etat, la confusion et les inquiétudes s’expriment ouvertement. Le chef de l’Etat se contorsionne pitoyablement et des ambassadeurs en poste prennent par écrit leurs distances. Difficile pour eux de faire croire qu’on peut combattre l’antisémitisme avec des racistes anti-arabes, quand bien même ils leur laissent le champ libre ou les soutiennent ouvertement. Le recours à la violence, revendiquée par le communautarisme devant le monument du Vél-d’Hiv, en témoigne.
Au contraire, de plus en plus s’affirme que l’Etat d’Israël ne prémunit pas contre l’antisémitisme et ne garantit aucune sécurité. Qu’ils aient réussi à gruger hommes et femmes légitimement inquiets, oui. Qu’ils organisent et réussissent à susciter des réflexes de haine, de racisme, d’injures et de violences, c’est certain. Qu’ils visent ouvertement à renforcer le RN contre LFI est incontestable. Tout ce petit monde politico-médiatique communautariste, aux commandes des sommets de l’Etat, en revendique, en toute connaissance de cause, la responsabilité. C’est la seule possibilité qui leur reste avant de franchir les crans supérieurs dans la répression et contre la démocratie. Ils s’y préparent. C’est une situation très dangereuse. D’où l’importance d’informer, de discuter, de dénoncer dans le calme, d’aider à y voir clair. D’où l’importance d’aider à mobiliser, sans conditions, pour la démocratie, contre la répression, pour : « Cessez-le-feu immédiat ! Levée du blocus à Gaza ! Arrêt des massacres et des bombardements ! »