Elie Domota : « Ce qui se passe en Palestine nous concerne directement »
« Pour nous, la colonisation est un crime contre l’humanité, et nous nous sentons très concernés par ce qui se passe en Palestine car c’est une histoire commune. ». Nous donnons a parole Elie Domota, président du LKP (Guadeloupe).
- Guadeloupe, International, Tribune libre et opinions

Pour nous, la colonisation, c’est la négation de l’être humain. C’est la capture de nos ancêtres africains et leur mise en esclavage pendant des siècles. C’est le Code noir de Colbert et de Louis XIV. Ce sont les massacres, les tueries, les viols. C’est également le massacre et le génocide des populations amérindiennes de Guadeloupe ; leur déportation de Guadeloupe vers l’île de la Dominique, l’île de Saint-Vincent. C’est également l’acculturation : « Votre langue n’est pas une langue, c’est un dialecte. Vos coutumes ne sont pas des coutumes ce sont des fantaisies. Votre culture n’est pas culture, c’est du folklore ».
En 1791, Haïti arrache l’abolition de l’esclavage après la Révolution française. Trois ans plus tard, en 1794, c’est l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe, abolition que la Martinique ne connaîtra pas parce que les Békés martiniquais (les colons – Ndlr) se mettent sous « protection » de l’Angleterre.
Et 1802, la République française – je tiens à insister, car en 1802 nous sommes en république – la République française va rétablir l’esclavage en Guadeloupe. Le Premier consul (Napoléon était Premier consul du gouvernement de la République) va rétablir l’esclavage et les Guadeloupéens vont redevenir esclaves jusqu’en 1848. Et à la fin de l’esclavage, en 1848, les propriétaires d’esclaves vont être indemnisés au nom du fait qu’ils ont perdu leur cheptel, en l’occurrence nous.
Voilà ce que la République a fait. Et ce choix a été fait simplement pour maintenir la domination politique, économique et sociale d’une minorité blanche sur une majorité de personnes de couleur – comme on nous appelle communément.
Nous, Guadeloupéens, sommes aujourd’hui l’exemple vivant des crimes commis par le système capitaliste et colonialiste aux quatre coins de la terre, tout ça pour s’accaparer les richesses, pour voler, pour piller, pour assassiner.
Et après, ce qu’il y a d’extraordinaire dans ce comportement, c’est de faire croire au colonisé, à l’opprimé, que c’était pour son bien. « Si tu as été battu, si tu as été colonisé, si tu as été tué, violé, assassiné, en définitive, c’est pour ton bien, parce que regarde aujourd’hui ce que tu es devenu ! » En ce sens, le colonialisme a une base commune avec la pédophilie. On abuse d’une personne et après on lui dit plus tard : « mais c’est pour ton bien, j’ai fait de toi quelqu’un, j’ai fait de toi un homme ».
On entend encore parler aujourd’hui de « bienfaits de la colonisation ». Certains continuent de vanter « les belles heures de la colonisation ». Ces mots sont des insultes. C’est du négationnisme, du révisionnisme. Et ça c’est insupportable ! Il nous faut condamner toutes les formes de colonialisme.
Je disais précédemment que ce qui se passe en Palestine nous concerne directement, car toutes les souffrances de la Terre nous interpellent. Ce qui se passe en République démocratique du Congo nous interpelle. Ce qu’il se passe au Yémen nous interpelle. Ce qui se passe en Haïti nous interpelle. Nous sommes, avec les frères haïtiens, les deux seules îles de la Caraïbe où il n’y avait pas d’esclaves entre 1791 et 1802.
Alors quand on entend les politiciens français parler de suppression de droits sociaux, de RSA, d’allocations familiales pour les familles de jeunes qui sont dans les manifestations de banlieue, ça nous choque.
Quand ils parlent de déchéance de nationalité, ça nous choque. Nous savons ce que cela signifie : en une nuit, en 1802, nous avons été déchus de nationalité ! On se dit : mais ces gens ne savent pas de quoi il parle ! Ni ce qu’entraîne la déchéance de nationalité !
Nous sommes là pour dire haut et fort qu’il faut combattre le colonialisme, qu’il faut se battre pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qu’il faut se battre pour l’autodétermination des peuples, pour l’autodétermination de tous les peuples colonisés, et particulièrement de la Palestine.
La Palestine appartient aux Palestiniens, la Palestine n’appartient pas aux Israéliens.
