Où va le NPA ?
« Je connais depuis des décennies le courant politique LCR-NPA et nombre de ses dirigeants. Nous avons depuis bien longtemps des divergences... Mais je suis aujourd’hui stupéfait du cours actuel du nouveau NPA », écrit notre camarade Lucien Gauthier.
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Je connais depuis des décennies le courant politique LCR-NPA et nombre de ses dirigeants de toute cette époque, certains déjà disparus et d’autres encore vivants, et avec lesquels j’entretiens de bonnes relations. Nous avons depuis bien longtemps des divergences avec ce courant. Mais cependant, il se réclamait de l’anticapitalisme, de l’anti-impérialisme, de l’anticolonialisme, de l’antimilitarisme, de l’antifascisme, de l’antiracisme.
C’est pourquoi, je suis aujourd’hui stupéfait du cours actuel du nouveau NPA, issu de la scission de cette organisation en deux fractions distinctes, opérée il y a un an.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, pour notre part, nous combattons sur l’axe « Ni Poutine, ni Otan ! ».
À ce sujet, le NPA écrit : « Il existe des différences très concrètes entre le néolibéralisme de Zelensky et le fascisme du régime russe (…). Il y a urgence à la défaite militaire de Poutine. Nier cela, c’est gommer les différences entre la démocratie bourgeoise libérale et les régimes autoritaires fascistes. »
La marque de la situation mondiale serait donc la montée du fascisme poutinien, alors que les États-Unis ne seraient qu’une démocratie bourgeoise libérale !
Il y a un an, le 25 février 2023, une manifestation « unitaire » était organisée à Paris pour le soutien à Zelensky et à l’Ukraine. Le président de l’Union des Ukrainiens en France (un regroupement nationaliste) appelait à cette manifestation, alors que « des représentants de différents partis (PS, EELV, NPA, Renaissance) ont annoncé leur présence » (AFP, le 20 février). Et effectivement, ce jour-là, le NPA composait un cortège conséquent, aux côtés des macronistes, en pleine lutte contre la réforme des retraites. Comment cela est-il possible ?
Alors que le gouvernement Macron annonce un budget militaire de 413 milliards d’euros, le NPA écrit : « Combattre la hausse des budgets militaires et la militarisation de la société est nécessaire et va avec la résistance ukrainienne. Exigeons de la France qu’au lieu de vendre des armes aux dictatures, elle aide sérieusement à la résistance ukrainienne sans augmenter ses propres dépenses militaires. » Incroyable ! Il y a donc un « bon » budget militaire.
Une question aux dirigeants du NPA : Macron annonce, la semaine dernière, trois milliards de plus pour l’Ukraine. Faut-il soutenir cette décision ou exiger que ces trois milliards soient versés aux agriculteurs, à la santé, aux écoles ?
La tradition de ce courant politique était celui de Liebknecht qui au début de la première guerre impérialiste mondiale, en 1914, votait contre les budgets de guerre en déclarant : « L’ennemi est dans notre propre pays » . Apparemment, la nouvelle direction du NPA, issue de la scission, ne s’embarrasse pas de toutes ces « vieilleries ». Ils osent même écrire, le 22 février dernier : « La victoire contre l’invasion russe ne peut être simplement “militaire”, mais elle ne peut se passer d’armes. Et l’on ne peut pas se dire solidaire contre cette agression et s’opposer aux livraisons d’armes parce qu’elles viennent de l’Otan. » L’Otan, nouvelle amie du peuple ukrainien !
Affirmer cela, au moment exact du soutien de l’Otan à la guerre en Ukraine et – avec la complicité des États-Unis – au soutien au génocide du peuple palestinien, c’est vraiment fermer délibérément les yeux sur la situation mondiale et le rôle des États-Unis, principal responsable de la barbarie à l’échelle mondiale.
Et enfin, cette dérive affligeante : ce courant politique s’était toujours prononcé contre l’Union européenne, désignée par lui comme l’Europe des patrons en lui opposant l’Europe des travailleurs.
Et voici que le NPA a empêché un accord avec LFI en cherchant à lui imposer le mot d’ordre d’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne. Rappelons que cette même Union européenne a engagé la procédure d’intégration de l’Ukraine.
Cet appui du NPA est désolant.
L’Union européenne serait donc un cadre protecteur, la nouvelle forme de l’internationalisme ?
Tout le monde sait – et les dirigeants du NPA également – que l’Union européenne a soutenu les guerres en Irak, en Yougoslavie et qu’elle soutient en ce moment « le droit d’Israël à se défendre ». 30 000 Palestiniens, hommes, femmes, enfants ont déjà été massacrés avec ce soutien de l’Union européenne et il faudrait l’en absoudre ? Sans même parler de la destruction des droits et garanties des travailleurs et des paysans dans toute l’Union européenne.
Personne ne peut se féliciter de cette dérive. C’est même plutôt triste.