Les paysans ont ciblé Macron, ils ont ciblé le pouvoir
Ils auront beau dire et beau faire pour tenter de le camoufler, mais ce salon de l’Agriculture marque un tournant dans la situation politique de ce pays.
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Ils peuvent tenter de se rassurer en réduisant ce Salon au lancement de la campagne de l’élection européenne ou bien en en faisant un terrain d’exercice pour le RN, mais ils n’ont pas le pouvoir de faire disparaître la réalité : la colère légitime des paysans qui se renforce et se dirige contre l’ordre en place.
Jamais un président de la Ve République qui concentre entre ses mains tous les pouvoirs ne s’est retrouvé dans cette situation, à quelques mètres de groupes d’agriculteurs l’interpellant, le sifflant, le huant, le poursuivant…
« Comment Emmanuel Macron a-t-il pu se mettre dans un tel pétrin, alors qu’une sortie de crise était à portée de mains il y a encore quelques jours ? » s’interroge avec gravité l’éditorialiste de La Tribune Dimanche (25 février). Il poursuit : « Cela avait des allures de grand débat, quand il avait réussi en 2019 à tourner à son avantage la colère des Gilets jaunes. Sauf que cinq ans plus tard, la séduction n’opère plus (…) face à la mort à petit feu d’une profession désespérée. La colère des agriculteurs vient de loin. De très loin ».
Et cette colère n’a cessé de s’organiser depuis janvier pour éclater à nouveau, en dépit des appels au calme lancés par les organisateurs du Salon, ainsi que timidement par la FNSEA. « De ce salon, il restera les images d’un chaos. Celles d’un pouvoir donnant l’impression de ne plus rien tenir », poursuit l’éditorialiste de La Tribune Dimanche.
Paysans : Une question de vie ou de mort
Répondant aux interpellations qui montaient du Salon, Emmanuel Macron a annoncé un plan de trésorerie d’urgence pour les exploitations les plus en difficulté, la mise en place d’un système de prix plancher (loin de faire l’unanimité). Autant de mesures qui, si elles permettent d’offrir ici ou là un bref répit, ne s’opposent d’aucune manière au processus de démolition qui frappe l’agriculture de ce pays depuis des décennies.
Les petites et moyennes exploitations peinent à survivre sous la pression écrasante de l’industrie agroalimentaire aux mains du capital financier, qui définit le prix auquel elle achète le produit du travail du paysan. Tout cela sur fond de « réorganisation » mondiale de la production alimentaire. Et les agriculteurs le savent. Ils exigent des mesures d’urgences et s’impatientent. C’est une question de vie ou de mort.
Ils se tournent vers celui qui décide en dernière analyse, le chef de l’exécutif, et exigent de lui qu’il cède, ou qu’il parte.
Après l’étape des blocages d’autoroutes en janvier, celle de la remise en cause du pouvoir s’installe. Profitant de l’occasion du salon de l’Agriculture, les paysans, en s’organisant par eux-mêmes, ont ciblé Macron, ont ciblé le pouvoir.
En ce sens, ce qui vient de se passer ne peut que résonner aux oreilles de tous ceux qui se sont dressés contre la réforme des retraites et s’organisent en ce moment même pour rejeter les plans destructeurs du gouvernement comme c’est le cas actuellement dans l’enseignement. Ce qui s’est passé ce samedi 24 février n’est en fait que l’expression la plus élevée de l’exaspération générale qui saisit toutes les couches de la société.