Théâtre Toursky de Marseille : les enjeux d’ici les 28 et 30 juin
Le maire, Benoît Payan, refuse pour la troisième fois, avec son adjoint PCF à la culture, de mettre à l’ordre du jour du conseil municipal du 28 juin le vote de la subvention de 950 000 euros au Toursky. Une sorte de 49.3 municipal.
- Actualité politique et sociale
« Toute tendance progressive en art est flétrie par le fascisme comme une dégénérescence. Toute création libre est déclarée fasciste par les stalinistes. » (L. Trotsky – A. Breton, 1938)
Le maire du Printemps marseillais, Benoît Payan, qui soutient la candidature de monsieur Guedj dirigée contre le Nouveau Front populaire aux prochaines élections législatives, refuse pour la troisième fois, avec son adjoint PCF à la culture, Jean-Marc Coppola, de mettre à l’ordre du jour du conseil municipal du 28 juin prochain, le vote de la subvention de 950 000 euros au Toursky, une sorte de 49.3 municipal, imposé aux conseillers municipaux de la Ville.
Ce 18 juin 2024, se tenait une conférence de presse exceptionnelle au Toursky. Françoise Martin, la directrice du Théâtre, avec le président, le vice-président et le trésorier de la compagnie Richard Martin, leurs avocates, ainsi que le délégué FO du personnel et un représentant de l’Union départementale FO des Bouches du Rhône ont pu répondre point par point sur la base d’un volumineux dossier argumenté.
Le journal La Marseillaise du lendemain a rendu compte de cet évènement en donnant la parole en priorité au bourreau qui veut supprimer le Toursky et ses 21 emplois. « Dans ce contexte et pour préserver l’avenir de ce lieu qui a un important potentiel de développement, dit l’adjoint de Payan, nous ne présentons pas de subvention publique, rien ne nous y oblige de toute façon. »
Comme l’a constaté le représentant de l’UD FO : « On entend dire la même chose quand on ferme une entreprise : c’est pour le bien des salariés…Dans quel monde on est ? »
La conférence de presse a permis de revenir à la réalité des faits : le théâtre Toursky n’est pas un théâtre municipal. Ses salariés ne souhaitent pas devenir agents territoriaux, surtout au moment où des réformes prévoient de licencier ces mêmes agents. L’indépendance de la compagnie Richard-Martin est protégée par la loi républicaine de 1901 sur les associations. Depuis 1970, un bail emphytéotique de 99 ans, établi avec Gaston Deferre, permet au Toursky d’occuper les lieux. Même durant toute la municipalité de J.-C. Gaudin, celui-ci n’a jamais été remis en cause.
« La référence à Staline est pertinente » a remarqué l’avocate de la Compagnie. «Là, dit-elle, c’est inacceptable. On s’est tous fait rouler dans la farine. Le vote des subventions aurait permis d’empêcher une catastrophe en chaîne. »
Dans La Marseillaise, au lendemain de la conférence de presse, l’adjoint à la culture de B. Payan continue de prétendre « qu’une enquête est ouverte par le procureur de la République pour des faits graves, des chefs d’escroquerie et abus de confiance », alors les avocats ont établi lors de la conférence de presse que c’était faux. Et on sait qu’aucune enquête, à cette date, n’a été engagée.
J.-M. Coppola prétend également qu’il se ferait « taper sur les doigts par la Chambre régionale des comptes » si Payan proposait de voter les subventions.
En réalité, la Ville peut très bien subventionner une association en déficit. C’est ce qu’elle fait, par exemple, en faveur d’autres associations, dont la situation a pourtant été épinglée par la Chambre régionale des comptes. Alors, deux poids, deux mesures ?
Et comment l’adjoint de B. Payan peut-il affirmer à La Provence qu’« il faudra nous amener un certain nombre d’éléments de confiance pour nous faire changer d’avis » alors que toutes les preuves et attestations « de confiance » sont rassemblés justement dans le dossier remis à la mairie depuis le début de l’année et distribué à la conférence de presse du 18 juin 2024.
Par ailleurs, comme l’a démontré le trésorier de l’association, le déficit n’est pas celui annoncé par la directrice des affaires culturelles, et qu’il est d’environ 80 000 euros correspondant à la réduction de la subvention allouée au Théâtre, qui avait conduit Richard Martin à faire sa 4ème grève de la faim. Un plan de redressement est prévu pour 5 ans. Tous les comptes ont été certifiés, les spectateurs sont toujours aussi nombreux et la trésorerie reçoit toujours plus d’abonnements.
Quant aux remarques de la commission de sécurité – qui d’ailleurs ne justifieraient en rien le refus des subventions – elles seront suivis d’effets sans problème dans les 15 jours qui viennent.
Le délégué du personnel indique que les salariés n’en peuvent plus et le représentant de l’UD FO poursuit en posant la question : « A qui profite le crime ? » et « qui a intérêt à ce jeu du chat et de la souris ? »
Il a expliqué : « On a essayé de jouer la carte de l’apaisement. On a obtenu d’être reçu deux fois. Mais par des gens qui n’étaient au courant de rien. Le 3 mai, trois jours après le 1er mai, venu comme représentant de l’UD FO 13, j’ai été viré comme un mal propre. (…) On connaît cette mécanique très particulière. On s’attaque au cerveau pour s’attaquer au physique. On sait. Nous avons deux camarades syndicalistes actuellement emprisonnés en Iran. Cela rappelle le film Z, le stalinisme, mais aussi le franquisme, le fascisme…Aujourd’hui, c’est du concret. (…) Les salariés ont adressé une lettre ouverte à Benoît Payan qui a toutes les cartes en main pour arrêter cette guerre. »
Après avoir remercié son équipe et ses partenaires, Françoise Martin a lancé « un appel du 18 juin à tous les citoyens libres, qu’ils viennent soutenir ce théâtre libre, sans tâche depuis sa création, il y a 52 ans. (…) Je suis malmenée, maltraitée, outragée » mais « nous ne cèderons rien », dit-elle.
Elle reprend l’histoire des rapports du théâtre avec la Ville, souvent tumultueux mais toujours respectueux. Elle explique que l’existence du Toursky est aussi une chance pour le tissu économique local, pour de multiples emplois dans ce quartier le plus pauvre d’Europe.
Françoise Martin, avant le décès de son mari, avait rencontré J.-M. Coppola pour retisser des liens. Il est venu « hypocritement » aux obsèques de Richard pour, ensuite, ne plus jamais donner signe. En revanche, il a rencontré, régulièrement, l’ancienne gouvernance, celle qui a intenté un procès au Toursky, procès qu’elle a perdu.
Françoise Martin rend hommage, à ce sujet, tout particulièrement à Marie-Claude Pietragalla, membre du CA de la Compagnie, et grâce à laquelle, l’intégrité du Théâtre a pu être sauvée face à un véritable complot que la directrice a expliqué en détail. Françoise Martin termine en appelant aux dons financiers, même les plus minimes, « Résistons – dit-elle – résistons ! ».*
Par-delà les questions des journalistes, plusieurs personnes dans la salle ont apporté leur soutien et leur engagement pour que le théâtre continue de vivre et engager le bras de fer avec la mairie pour la l’obtention de la subvention.
Le comité de Marseille du POI, présent avec le journal Informations ouvrières à cette conférence de presse, a déclaré qu’engagé pleinement dans la campagne de La France Insoumise pour le succès du Nouveau Front populaire, il demandait au maire de Marseille de ne pas déshonorer son mandat en procédant, à deux jours du scrutin des législatives dont l’enjeu est la défaite de Macron et du RN, à un acte préjudiciable à la liberté de la culture, de la création, et à la démocratie.