Personne ne savait…

« Heureux les simples d’esprit et les innocents » (Evangile selon saint Matthieu).

L’abbé Pierre, en 195 (photo AFP).
Par Lucien Gauthier
Publié le 16 septembre 2024
Temps de lecture : 2 minutes

L’abbé Pierre qui en 1954 lançait son appel prétendument pour la défense des pauvres est devenu une idole de tous les bords.

Il avait clairement indiqué sa couleur politique en déclarant que les fonctionnaires étaient privilégiés et qu’il « fallait leur casser la gueule. »

Cette idole, de surcroît curé, n’était pas aussi sainte qu’on le prétendait.

Tout d’un coup sort une multitude de témoignages dénonçant le harcèlement et les viols de ce prédateur sexuel en soutane.

Personne ne savait.

En 1955, en voyage aux Etats-Unis, après avoir rencontré le président Eisenhower il doit quitter précipitamment le pays à la demande de l’évéché car de nombreuses femmes se sont plaintes auprès de la police.

Mais personne ne savait…

Deux ans plus tard, il est au Québec où il réside. A la demande de l’évêque il doit quitter le pays et renoncer à tout jamais à remettre les pieds au Canada pour éviter une procédure judiciaire contre lui. C’est l’accord négocié par l’évêque.

Mais personne ne savait…

A plusieurs courriers, notamment celui d’un jeune Américain et d’un prêtre québécois le mettant en cause, le bon abbé répond par des menaces très violentes. Mais personne ne savait.

La hiérarchie catholique française décide d’envoyer l’abbé en repos forcé dans une clinique psychiatrique en Suisse. Elle indique au médecin que c’est elle qui décidera de la date de sortie de l’abbé. Mais personne ne savait…

En 1959, l’Eglise décide alors de faire cornaquer l’abbé par un socius, c’est-à-dire un accompagnant chargé de le surveiller. Celui-ci, un jésuite qui n’a pas sa langue dans la poche lui demande de se cacher pendant un an. Mais personne ne savait…

Au début des années 1960, des responsables d’Emmaüs envoient des courriers privés à l’abbé Pierre pour qu’il se retire de la direction.

Mais personne ne savait…

Alors qu’il est en clinique en Suisse, l’archevêque de Paris, le cardinal Feltin, apprend que le ministre Michelet a l’intention de décorer l’abbé. Il intervient auprès du ministre pour que cela n’est pas lieu. Mais personne ne savait…

Au début des années 2000, dans une discussion, le directeur général d’Emmaüs dit à un autre responsable qu’il ne fallait pas « laisser l’abbé seul avec une femme, parce qu’il pouvait mal se comporter. » Mais personne ne savait…

En 2017, un autre ancien responsable, Raymond Etienne, avait confié « lorsque l’abbé Pierre était en déplacement, il fallait organiser un cordon de sécurité autour de lui pour protéger les jeunes femmes car il avait tendance à leur toucher les seins. »  

Mais personne ne savait…

A ce jour, plus d’une vingtaine de femmes, depuis une dizaine d’années, dont une qui avait 9 ans à l’époque ont témoigné d’agressions sexuelles de la part de l’abbé Pierre. En réalité, il y en a beaucoup plus.

Mais personne ne savait…