« Nous voulons conserver notre emploi et notre industrie »
LA PAROLE À STÉPHANE GUICHETEAU. Adhérent et ancien délégué CGT dans l’usine Michelin de Cholet (49), il participait à l'assemblée générale du 8 novembre devant l'usine.
- Actualité politique et sociale
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Vendredi (8 novembre), le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, est venu à la rencontre des salariés et échanger avec l’intersyndicale. Qu’en est-il ressorti ?
Stéphane Guicheteau : L’intersyndicale lui a transmis toutes les revendications adoptées au cours de l’assemblée générale de jeudi après-midi. Mais à la sortie de la réunion, la délégation a indiqué que le ministre n’avait rien apporté de concret.
Lorsqu’il est venu sur le piquet de grève, nous lui avons dit : « Vous le saviez depuis des années et vous n’avez rien fait pour sauver Michelin et sauver notre savoir-faire. Vous mettez des familles en danger. Des salariés de Michelin ont déjà vécu deux plans sociaux. »
Nous ne pouvons rien attendre de ces personnes-là. Nous n’avons plus confiance.
Que peux-tu dire de la mobilisation d’aujourd’hui ?
C’est une réussite. L’appel a bien marché. Nous avons espoir car beaucoup de salariés des autres boîtes sont venus nous soutenir.
Nous sommes satisfaits que le ministre de l’Industrie ait vu la réalité du terrain, qu’il ait pu entendre la colère des collègues et de la population car il n’y avait pas que des salariés de Michelin dans la manifestation. D’autres sont venus d’entreprises de Cholet, et du département. Il n’a même pas pu trop parler. Il a été dégagé par les manifestants qui ont poussé pour qu’il parte.
Dans la manifestation plusieurs slogans ont été repris : « Michelin voleur », « gouvernement de merde, vous n’avez rien à faire ici », « menteurs, c’est vous les responsables. »
Nous ne sommes pas des voyous. Nous sommes en colère car on sait que l’on peut sauver Michelin Cholet. Nous voulons conserver notre emploi et notre industrie.
Comment vois-tu la suite du mouvement ?
Nous avons commencé le mouvement mardi, suite à l’annonce de la fermeture. En quelques heures, ça a pris une ampleur incroyable. Nous ne nous attendions pas à ça.
Pour casser la grève, la direction propose une prime à la reprise du travail mensuelle de 600 euros. C’est scandaleux.
Le mouvement s’organise et la solidarité aussi. Des commerçants ont apporté à manger. Des habitants donnent de quoi se réchauffer, comme de la soupe pour tenir la nuit. Une équipe vient la journée pour nous préparer des repas pour tenir.
Dans certaines entreprises, des caisses de grève sont lancées. Chacun met ce qu’il peut pour soutenir le mouvement qui va être dur et rude.
Qu’est-il prévu pour la semaine prochaine ?
Nous mettons en place une organisation pour que l’on tienne le plus longtemps possible. Les portes de l’usine vont être gardées tout le week-end.
Une manifestation centrale au siège social est prévue mercredi prochain. Tous les salariés des autres sites sont invités à converger vers Clermont-Ferrand.
Et comment vois-tu ton avenir sur le site de Cholet ?
Si Michelin ferme, c’est toute la ville qui va être impactée. Les logements, les commerçants. Ce sera difficile de trouver du boulot sur Cholet et aux alentours. On entend partout que ça va mal.
Venu faire avaler les fermetures, le ministre s’enfuit sous les huéesMarc Ferracci, ministre de l’Industrie, n’a pas pu rester plus de trois minutes devant l’usine Michelin de Cholet (Maine-et-Loire), le 8 novembre, devant les centaines de travailleurs rassemblés, en grève depuis l’annonce de la fermeture du site trois jours auparavant. U n profit de 3,6 milliards, 964 millions de dividendes versés aux actionnaires au titre de 2023, 500 millions de rachats d’actions, l’équivalent du salaire annuel de dizaines de milliers de salariés. Mais pour les salariés, Michelin annonce le 5 novembre la fermeture des sites de Cholet et de Vannes, soit 1 250 emplois supprimés : toute la brutalité du capital à l’encontre des travailleurs. Vendredi 8 novembre, le ministre Marc Ferracci est venu sur le site pour déclarer qu’il avait demandé à Michelin « plus de 300 millions d’euros pour une indemnisation digne des salariés et leur reclassement sur territoire ainsi que la création in fine d’autant d’emplois qu’il sera supprimé. » Ces engagements répétés à chaque fermeture d’usine ne sont jamais tenus. Le résultat, c’est chômage et précarité pour la majorité des personnes concernées, la désindustrialisation qui se poursuit. Les salariés de Michelin ne s’y sont pas trompés. En colère, ils ont contraint le ministre à quitter le site précipitamment, littéralement poussé vers la sortie, sous les huées de l’assemblée générale. Appui des élus LFIDe la macronie au RN, les élus de la région ont eux aussi déjà entériné la fermeture du site. Pour Denis Masséglia, député Renaissance de la circonscription, « il convient maintenant d’obtenir des réponses quant aux perspectives envisagées pour les salariés ». Pour Gilles Bourdouleix, maire de Cholet, et candidat aux législatives 2024 pour le RN, « il faut dire haut et fort au groupe Michelin qu’il améliore les conditions dans lesquelles va se faire la fermeture de l’usine. » Les présidentes de la Région et du conseil départemental ne sont pas en reste. Manuel Bompard, coordinateur national de La France insoumise, présent sur le site dès mercredi avec Clémence Guetté et Arash Saeidi, a déclaré : « Nous demandons des comptes et des explications. Nous appuyons les salariés qui se mobilisent pour le maintien de ce site et de leurs emplois ». Ségolène Amiot, et William Aucant sont aussi venus représenter LFI dans la manifestation de vendredi. Désormais, les salariés avec leurs syndicats gardent les portes de l’usine et préparent la manifestation centrale à Clermont-Ferrand mercredi 13 novembre et sont bien décidés à poursuivre le mouvement avec l’appui de salariés et d’habitants du Choletais et plus largement encore. Correspondant |