Palestine : à propos de l’attaque de l’Autorité palestinienne contre le camp de Jénine

« L’Autorité palestinienne veut pénétrer dans tous les endroits de Cisjordanie où il y a une résistance à l’occupation. » Nous vous invitons à lire notre entretien avec Shami Youssef al-Shami, dirigeant politique dans le camp de Jénine.

A Jénine, lors de la journée de grève générale, le 10 décembre (photo AFP).
Par la rédaction d’IO
Publié le 28 décembre 2024
Temps de lecture : 4 minutes

 

Depuis que les forces de sécurité palestiniennes ont commencé leur attaque contre le camp de Jénine, en coordination opérationnelle avec l’administration américaine et les forces d’occupation israélienne, la population du camp n’a cessé de se souder autour des groupes de résistants.

Plusieurs jours de grève générale ont été suivis par l’ensemble des commerces du camp. Les médias affiliés à l’Autorité décrivent de manière caricaturale ceux que les habitants appellent « les combattants de la résistance » comme des « groupes hors-la-loi », « travaillant pour un agenda étranger » et « qui voudraient entraîner la Cisjordanie sur le terrain de Gaza ».

L’opération de Jénine marque une fois de plus la faillite complète de l’Autorité palestinienne et des accords d’Oslo qui l’ont constitué et revenaient à donner une image « démocratique » de l’occupation sur la base du principe « l’argent contre la sécurité ». Les raids menés par les forces de répression de l’Autorité palestinienne reprennent le même mode opératoire que ceux de l’armée israélienne, ce qui ne fait que renforcer dans la population de Cisjordanie le rejet de l’Autorité de Ramallah. F. L.

Entretien avec Shami Youssef al-Shami dirigeant politique dans le camp de Jénine

réalisé le 21 décembre par nos correspondants dans le nord de la Palestine

« L’Autorité palestinienne veut briser la résistance dans le camp. L’Autorité a coupé l’eau, l’électricité, et l’approvisionnement en nourriture des résidents du camp en guise de punition collective. »

Shami al-Shami est membre d’une famille de réfugiés palestiniens, originaires du village d’al-Mansi près de la ville de Haïfa et expulsés en 1948. Il appartient à la direction réformatrice du camp de Jénine. Il est membre du Conseil révolutionnaire du Fatah, et également élu au Conseil législatif palestinien en 2006, jusqu’à sa dissolution par le président non élu de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, en 2018.

Il y a 20 jours, les services de sécurité de l’Autorité palestinienne ont commencé à attaquer le camp de Jénine, au nord de la Cisjordanie, dans le but d’éliminer la résistance dans ce camp, qui est le camp le plus connu de Cisjordanie en raison des combats qui y ont été menés contre les forces israéliennes d’occupation. L’Autorité palestinienne affirme dans ses déclarations que l’opération militaire dans le camp de Jénine vise à « éliminer les hors-la-loi et les mercenaires soutenus par l’Iran ».

Informations ouvrières : Comment interprétez-vous l’opération de l’Autorité palestinienne dans le camp de Jénine ?

Shami Youssef al-Shami : L’Autorité palestinienne veut pénétrer dans tous les endroits de Cisjordanie où il y a une résistance à l’occupation. L’Autorité veut démanteler les factions de la résistance. Elle veut éliminer toute action militaire de la résistance dans le camp de Jénine et en Cisjordanie, arrêter les résistants et les faire se rendre et déposer leurs armes.

Vous êtes l’une des personnalités connues et actives du camp de Jénine et en Cisjordanie, et vous faites partie des personnes du camp qui négocient avec l’Autorité palestinienne dans le cadre du « dialogue national » et pour empêcher l’effusion de sang entre les Palestiniens. Où en est ce « dialogue » aujourd’hui ?

Nous avons compris au cours des négociations et des conversations avec l’Autorité palestinienne que la prise d’assaut du camp est un ordre et une décision politique du président Mahmoud Abbas, et que cela est lié aux développements régionaux au Liban, en Syrie et en Iran, et que le président refuse de tolérer à présent la présence de la résistance dans le camp de Jénine.

Des officiers supérieurs se sont rendus au camp de Jénine et Mahmoud Abbas leur a clairement dit qu’ils ne retourneront pas à Ramallah sans changer le statu quo à Jénine et sans mettre fin à la présence militaire de la résistance.

Nous leur avons dit que la sécurité et l’armée ne sont pas la solution, et que dans le contexte actuel, Jénine est devenu un incubateur de la résistance pour tous les habitants du camp, qui sont avec la résistance, et que personne n’a l’intention de se soumettre ni de céder aux pressions, aux menaces ou à une solution militaire. C’est la solution par le dialogue qui nous permettra de sortir de la crise.

Quelles sont les conditions de vie des personnes dans le camp jusqu’à présent ?

Les choses évoluent ici vers une escalade plus vive. Au cours des deux dernières années, 150 militants du camp ont été tués. Mais les habitants du camp prennent toujours le dessus et tous les habitants de Cisjordanie sont avec Jénine.

Les gens ici ne se laisseront pas briser, la résistance ne se brisera pas.

Depuis que l’opération militaire a commencé dans le camp. Les services de sécurité palestiniens ont coupé l’électricité, l’eau, suspendu l’approvisionnement en médicaments et en nourriture du camp. Même les voitures et les conteneurs sanitaires sont bloqués, les élèves ne vont pas dans leurs écoles.

C’est bien une punition collective, comme le fait habituellement Israël. Mais cela ne brisera pas les gens du camp. Maintenant, au moment où je vous parle, il y a un affrontement entre les résistants et les services de sécurité. Il vient d’y avoir trois morts dans le camp, et il y a aussi de nombreuses victimes parmi les services de sécurité.

Nous sommes désolés et tristes pour le sang palestinien qui a coulé et qui s’est répandu dans le camp.

Dans un autre domaine, comment voyez-vous la position internationale de solidarité avec Gaza et le peuple palestinien ?

Nous sommes heureux et satisfaits des grandes positions et protestations populaires en Europe, en Amérique, et je les salue tous pour leur position merveilleuse et honorable. Nous sommes fiers de ce soutien et de cette solidarité qui ne s’arrêtent pas.

Avec notre peuple, malgré les positions de la grande majorité des gouvernements européens qui soutiennent Israël, et malgré tous les meurtres et les destructions qui ont frappé notre peuple, il ne sera ni brisé ni vaincu parce que nous avons une juste cause.