Liberté d’opinion : une instance nationale universitaire exige le retrait de la loi du 7 mai

La commission permanente du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche a adopté une motion exigeant le respect du droit de dénoncer le gouvernement israélien et le retrait d’une loi adoptée le 7 mai qui assimile ces critiques à de l’antisémitisme.

Les étudiants de la Sorbonne montent des tentes dans la cour de l’université en soutien à la Palestine, le 29 avril 2024. (correspondant)
Par > Verbatim
Publié le 21 mai 2025
Temps de lecture : 3 minutes

La Commission permanente du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) qui comprend des représentants des organisations syndicales, sous la présidence du ministère, a adopté ce 20 mai une motion exigeant le respect du droit de dénoncer la politique du gouvernement israélien ; elle demande le retrait d’une loi adoptée le 7 mai qui assimile ces critiques à de l’antisémitisme.

« Nos organisations réaffirment la nécessité absolue de lutter contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme, de xénophobie et de discriminations, notamment dans l’ESR. Elles s’opposent toutefois à la proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l’Enseignement supérieur. En effet, cette proposition, en examen en commission mixte paritaire parlementaire depuis le 7 mai 2025, comporte notamment les dispositions suivantes :

– elle instaure une procédure disciplinaire dérogatoire pour les étudiants, avec une instance disciplinaire à l’échelle de la région académique, désignée et non élue, sous contrôle du recteur, présidée par un membre de la juridiction administrative et non par un universitaire, où de plus est supprimée la garantie de parité accordée aux représentants étudiants dans les sections disciplinaires d’établissement ;

– elle impose dans les établissements d’enseignement supérieur une formation à l’antisémitisme, partie intégrante des cursus disciplinaires, contre la libre détermination par les universitaires du contenu des diplômes ;

– elle fait explicitement référence aux “formes renouvelées de l’antisémitisme définies par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste” (Airh), ce qui permettrait d’assimiler la critique des politiques de l’Etat et des gouvernements israéliens à de l’antisémitisme ;

– elle prévoit des formations obligatoires fondées sur la définition de l’antisémitisme de l’Airh, alors que cette définition est largement contestée, par exemple par la Ligue des droits de l’homme, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ou la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe, précisément parce qu’elle amalgame antisémitisme et critique légitime d’un Etat ;

– elle mentionne “les faits susceptibles de porter atteinte à l’ordre ou au bon fonctionnement de l’établissement” comme passibles d’une sanction disciplinaire et fait peser à ce titre une menace lourde sur les libertés syndicales.

Cette loi porte donc gravement atteinte aux droits des étudiants comme des enseignants et enseignants – chercheurs, en particulier quant aux garanties juridictionnelles qui leur sont accordées, issues d’une tradition multiséculaire. 

Elle porte également gravement atteinte aux libertés académiques et à l’indépendance des universitaires ainsi qu’aux libertés d’opinion, d’expression et de manifestation des universitaires comme des étudiants, sur tous les sujets, y compris sur la situation à Gaza et le sort fait aux populations palestiniennes. Pour toutes ces raisons, nous en demandons le retrait. »

Motion votée à l’unanimité (dont l’ensemble des représentants des organisations syndicales de personnels et des organisations étudiantes), 2 NPPV.

« On ne peut pas inviter à un meeting des gens qui musellent nos enfants ! »

(Un militant CGT lors du congrès de l’union départementale de Seine-Saint-Denis)

Jeudi 15 mai au soir, s’est tenu un meeting à la bourse du travail de Bobigny (93) intitulé « Pour l’abrogation de la réforme des retraites ! » à l’initiative de la confédération CGT et dans lequel était annoncée la participation de Sophie Binet pour la CGT, Benoît Teste pour la FSU, mais également de députés NFP comme Cyrielle Chatelain pour EELV, Laurent Baumel pour le PS, Stéphane Peu pour le PCF. Aurélie Trouvé y a participé pour représenter la France insoumise.

Dans la journée, et dans la même salle, se tenait le congrès de l’union départementale CGT de Seine-Saint-Denis.

Dans la discussion du congrès, un délégué CGT rapporte la discussion qu’il a eue avec son fils étudiant lorsqu’il lui a proposé de venir au meeting. Avec son accord, nous reproduisons ci-dessous son intervention.

Intervention d’Etienne Sanchez, délégué syndical sur la plateforme de l’aéroport de Roissy, au congrès de l’union départementale CGT de Seine-Saint-Denis :

« Mon intervention sera en réalité celle de mon fils. Je vais parler pour lui. Hier, je lui ai proposé de venir au meeting de ce soir. Il a refusé catégoriquement. Il m’a dit très en colère : “Papa, je ne vais pas venir à un meeting où on invite des députés qui votent pour une loi qui réprime les étudiants dans les universités. ” (applaudissements dans le congrès).

Mon fils est étudiant à Jussieu. Il a participé à des actions pour dénoncer le génocide en Palestine. La loi qui a été votée le 7 mai à l’assemblée, loi dite de “lutte contre l’antisémitisme dans les universités”, est une attaque supplémentaire contre la mobilisation des étudiants. Et les députés du PS et des Verts ont voté pour ! Seuls LFI et le PC ont voté contre. C’est une honte. Désolé, je suis très ému. On ne peut pas laisser faire. On ne peut pas inviter des gens qui musellent nos enfants ! Si on s’adresse à eux, ça doit être pour les interpeller, pour leur rappeler notre mécontentement sur leur positionnement.

Nous, nous devons défendre les étudiants que ce gouvernement veut bâillonner. (Applaudissements nourris dans le congrè s). »