Gaza : mobilisation de tous !

La parole à Catherine Rochard, militante et responsable Force ouvrière (FO) depuis 35 ans. Elle estime qu'il est plus que temps que les confédérations syndicales prennent enfin toute leur place dans la mobilisation pour l'arrêt des massacres, l'arrêt du blocus à Gaza.

50 000 personnes rassemblées à Paris en soutien à la Freedom Flotilla, le 9 juin (photo AFP).
Par Catherine Rochard
Publié le 10 juin 2025
Temps de lecture : 3 minutes

Depuis les massacres du 7 octobre 2023, je participe aux manifestations pour exiger le cessez-le-feu à Gaza, et pour la libération des otages. Comment peut-on être indifférent à la souffrance du peuple palestinien qui vit la colonisation de son territoire depuis 1948 ?

La population gazaouie vit depuis cette période au rythme des combats avec le gouvernement israélien. Mais après le massacre du 7 octobre, le déchaînement de violence, les bombardements incessants de tous les immeubles, des hôpitaux, des écoles, des universités, qui ont tué près de 60 000 Palestiniens dont plus de la moitié sont des femmes et des enfants, est inacceptable.

Comme est insoutenable l’utilisation par le gouvernement israélien de la famine comme arme de guerre. Par le passé, j’ai participé aux manifestations quand l’armée israélienne a bombardé Gaza et particulièrement en 2014. Cette année-là, ma confédération avait pris position pour le cessez-le-feu. Mais là, au regard de l’escalade guerrière, je suis horriblement gênée et aussi très agacée du fait que les centrales syndicales ne bougent pas, ou si peu, sur les massacres en cours à Gaza.

Certes, elles publient un communiqué de temps en temps, le secrétaire de la confédération Force ouvrière (FO) a écrit au président de la République (qui n’a même pas daigné répondre), mais jamais, jusqu’à ce jour, et alors que les massacres durent depuis des mois, elles n’ont appelé à mobiliser.

Pour ma part, je me suis exprimée à plusieurs reprises dans ce sens, dans les instances de mon organisation. Sont-ils insensibles à la détresse ?

Je ne le crois pas. Comme tout le monde, ils doivent être sincèrement horrifiés. Alors, pourquoi ?

J’ai entendu me répondre : « C’est politique, ce n’est pas l’affaire des syndicats », « c’est une question d’indépendance à l’égard des partis ». Ah, vraiment ? Quand un peuple tout en entier est menacé d’extermination pure et simple, le syndicat n’a rien à dire ? Il peut rester indifférent ? Ça ne le concerne pas ? Quand la sauvagerie capitaliste se déchaîne à quelques milliers de kilomètres, le mouvement ouvrier pourrait s’autoriser à détourner le regard ?

Je ne le pense pas, la solidarité ouvrière à l’égard des peuples victimes de la guerre est nécessaire.

Ce sont des ouvriers qui en sont les victimes !

Et je suis de plus en plus gênée aussi de cette forme de « cordon sanitaire » autour de la France insoumise dont les militants et, à chaque fois, les députés se retrouvent à nos côtés contre le gouvernement et les patrons. Je suis profondément attachée à l’indépendance du syndicat vis-à-vis de l’État et des partis politiques. Mais est-ce le sujet dans ce cas ? Cette distance systématique, à qui profite-t-elle au bout du compte ?

Les organisations syndicales sont pour quelques-unes d’entre elles internationalistes. À ce titre-là, elles doivent exprimer leur solidarité, exiger du gouvernement Macron-Bayrou qu’il arrête de livrer des armes et qu’il use de la diplomatie pour faire taire les bombes.

Au passage, ce n’est pas ce qui se passe de l’autre côté de la Manche, où des responsables syndicalistes au plan national s’élèvent publiquement contre le génocide à Gaza, participent et prennent la parole aux manifestations massives organisées à Londres comme c’était encore le cas il y a trois semaines. Il en est de même sur le sol irlandais.

Quand des livraisons d’armes sont effectuées sur le sol français, là aussi il faudrait fermer les yeux ? Ce ne serait pas la responsabilité du mouvement ouvrier d’empêcher ça ? Au contraire, il faut saluer le courage et la détermination des dockers, italiens et français, qui ont refusé de charger des bateaux ! Les confédérations doivent les soutenir et résister avec eux !

Au passage, encore, j’ai été effarée que cet argument serve aussi pour ne pas défendre l’enseignante suspendue à Sens (Yonne) pour avoir, à la demande de ses élèves, fait observer une minute de silence en soutien au peuple de Gaza.

Alors, où est le blocage ? Faut-il regarder du côté du « pacte de stabilité » qu’elles ont affiché en décembre 2024 avec les fédérations patronales pour ne pas gêner Macron-Bayrou ? Devons-nous leur laisser les mains libres pour aider ceux qui, sans relâche, tuent et affament tout un peuple ? Que diront les confédérations syndicales quand, dans quelques années, le monde entier se réveillera en disant : « C’était un génocide ! ». Mea culpa ?

En tout cas, pour moi, c’est non. J’étais dans les manifs à Angers, à l’ambassade d’Israël à Paris, et encore hier soir (9 juin, Ndlr), lors des rassemblements massifs en soutien de la Flottille de la liberté, et j’y serai de nouveau, et avec mon badge et mon drapeau…

Et non seulement, je ne me sens absolument pas en dehors du champ syndical, mais au contraire, j’agis concrètement pour qu’on ne transforme pas le syndicat en courroie de transmission de la politique de Macron et de son gouvernement, ou des massacreurs.