Cisjordanie : colonisation, violence et effacement
Depuis octobre 2023, la population palestinienne de Cisjordanie subit une offensive sans précédent depuis 1967 : intensification de la colonisation, violence systémique des colons pogromistes et complicité active des autorités civiles et militaires israéliennes.
- Actualité internationale, Palestine

Selon l’Unocha, depuis le 7 octobre 2023, plus de 1 000 Palestiniens, dont un cinquième est des enfants, y ont été tués, et de nombreux autres blessés ou expulsés de chez eux. Les habitants de Cisjordanie sont plongés dans la peur et l’incertitude. Il s’agit d’une politique délibérée visant à l’annexion de la Cisjordanie et à confiner les Palestiniens dans des enclaves étanches.
Des ministres israéliens prônent le nettoyage ethnique
Illustrant toute la violence de la politique coloniale israélienne, le ministre de la Sécurité Itamar Ben Gvir s’est rendu devant un village palestinien en Cisjordanie et a fait diffuser une vidéo dans laquelle on l’entend dire aux villageois : « Chaque maison ici nous appartient. Nous sommes les propriétaires de ces maisons. Souvenez-vous que votre maison deviendra la mienne ».
Les derniers rapports et articles publiés en l’espace d’une semaine en Israël par le journal Haaretz, l’association B’Tselem ou encore le site 972mag livrent un constat plus qu’inquiétant : sur le terrain, le pouvoir israélien organise un vaste processus d’épuration ethnique territoriale. Au nom de l’ensemble du gouvernement israélien, des ministres prônent ouvertement le nettoyage ethnique, c’est-à-dire l’éradication physique des Palestiniens pour étendre les positions coloniales et le confinement dans des bantoustans étanches de ceux qui ne peuvent pas être expulsés.
Un reportage publié sur le site 972mag dans le secteur de Masafer Yatta illustre l’organisation planifiée des déportations : les familles palestiniennes chassées, leurs maisons détruites, leurs animaux dispersés et volés, le tout sous escorte militaire. Les barrages routiers, les coupures de salaires, l’impossibilité de circuler accentuent l’isolement et la détresse.
À Masafer Yatta, l’armée arrête régulièrement militants locaux et internationaux, et protège les colons qui s’emparent des terres, parfois par la force directe voire létale, comme l’a montré le film-documentaire No Other Land primé aux Oscars. La Haute Cour israélienne, quant à elle, entérine la quasi-totalité des expulsions.
Une stratégie d’asphyxie de la population
Selon le journaliste israélien Gideon Levy, la combinaison de la guerre à Gaza et de la pression coloniale en Cisjordanie nourrit un chômage massif (jusqu’à 200 000 travailleurs palestiniens privés d’accès à Israël), une pauvreté inédite, l’insécurité alimentaire et la disparition progressive des villages ruraux. Les salaires des fonctionnaires palestiniens, diminués par Israël qui retient les taxes, les centaines de nouveaux check-points et de routes fermées, créent un climat oppressant et arbitraire.
Sans perspective de protection ou d’aide, la population locale subit une stratégie d’asphyxie, forcée à l’exil ou à la précarité. Lundi dernier le quotidien israélien Yediot Ahronoth a indiqué que le gouvernement a approuvé la construction de 48 000 unités de colonisation en Cisjordanie depuis le début de 2023 et que le ministre des Finances a également approuvé la confiscation d’environ 2 600 hectares de terre en Cisjordanie depuis 2023. Yediot Ahronoth ajoute que le gouvernement israélien approuvera la construction d’environ 2 000 unités de colonisation supplémentaires en Cisjordanie d’ici la fin de l’année en cours.
Une colonisation qui s’accélère
Malgré une opposition de façade de l’administration Trump, la colonisation israélienne se poursuit et s’accélère en Cisjordanie occupée. Malgré les demandes de Trump, qui entend associer les États arabes au financement de la reconstruction de Gaza, le parlement israélien a voté plusieurs lois sur l’application de la souveraineté israélienne en Cisjordanie, établissant une annexion de fait. Selon Haaretz, l’administration Trump, tout en affichant son opposition à l’annexion dans le discours, « facilite en pratique l’expansion continue de la colonisation et l’étouffement des territoires palestiniens ».
Un éditorial du journal Haaretz, appelle à nommer ce processus un « nettoyage ethnique », et invite la société israélienne à assumer ses responsabilités. Les raids militaires dans les villes, les arrestations arbitraires, le harcèlement des jeunes palestiniens font également partie du quotidien de la Cisjordanie.
La place de Mahmoud Abbas et l’Autorité palestinienne
Dans ce contexte, la direction officielle palestinienne incarne l’impasse : Mahmoud Abbas, largement perçu par la rue palestinienne comme un collaborateur corrompu de la colonisation « réarrange les chaises sur le pont du Titanic » alors qu’Israël « dévore le territoire morceau par morceau » au lieu de s’opposer fermement aux démantèlements et au morcellement de la Cisjordanie, selon une analyse du site Middle East Eye. Tout en poursuivant la coopération sécuritaire avec l’armée d’occupation et en maintenant des milliers de Palestiniens dans ses prisons, le problème essentiel d’Abbas est maintenant d’assurer sa propre succession et de revendiquer la gouvernance de Gaza.
Les peuples refusent la complicité des grandes puissances
Face à ce processus d’expulsion accéléré et à l’indifférence complice des médias israéliens et des gouvernements occidentaux, des voix s’élèvent pour réclamer une protection internationale. Pour Gideon Levy dans Haaretz, « la Cisjordanie a besoin d’une intervention urgente, au même titre que Gaza (…). La tâche de toute personne intéressée par un Israël démocratique est de s’opposer à ce nettoyage ethnique ». Il est clair que ceux qui financent la colonisation, fournissent des armes, maintiennent des partenariats de toute sorte avec l’État israélien ne sont pas intéressés par un « Israël démocratique ».
La démocratie implique le démantèlement de tout le système étatique fondé sur le nettoyage ethnique, le racisme institutionnel et l’apartheid. Une telle disposition implique l’établissement de l’égalité des droits pour la population palestinienne, où qu’elle se trouve entre la Méditerranée et le Jourdain et l’effacement des frontières intérieures. Le mot d’ordre lancé dans les milliers de manifestations à travers le monde : « de la rivière à la mer, la Palestine sera libre » s’oppose de plus en plus et radicalement aux complicités des grandes puissances, qui ont entretenu la guerre génocidaire à Gaza tant qu’elles le pouvaient. Rien de cette politique ne pourrait se faire sans la complicité active également de la France, de l’Allemagne, de l’Union européenne qui est le premier partenaire commercial de l’État d’apartheid israélien, et qui entend le rester.
