De la démonstration de sa force à l’opportunité de s’en servir
Notre chronique politique hebdomadaire, après les nouvelles manifestations massives du 11 février, dans tout le pays, pour le retrait de la « réforme » des retraites et les appels syndicaux, qui se multiplient, à « mettre le pays à l'arrêt ».
- Retraites
Plus de manifestants, moins de manifestants, nouvelles catégories de la population présentes dans la rue… Autant de supputations qui n’ont aucunement la possibilité de masquer la réalité, l’essentiel : c’est la force vitale du pays qui est en mouvement. Ceux qui produisent, qui soignent, qui enseignent… tous ceux qui souffrent au travail, tous ceux qui permettent à un pays d’exister, y compris ceux qui les exploitent.
Contrairement aux souhaits angoissés et aux matraquages médiatiques des savants et bien-pensants, défenseurs de l’ordre établi dont ils profitent sans vergogne jusqu’à plus soif, c’est par les moyens de la lutte des classes directe que s’exprime, tout haut, dans l’action, ce que chacun pensait. C’est ainsi que se trouve encore et toujours renforcée cette inédite unité syndicale que même les coups de fil du dimanche ne troublent pas.
Se réapproprier toutes les possibilités de la lutte des classes
Utiliser à plein la manifestation de rue répétée, montrer sa force et s’en convaincre, pousse, avec cette unité syndicale, à se réapproprier toutes les possibilités de la lutte des classes, et pour généraliser tout : la grève. Les travailleurs et les organisations ne s’y trompent pas puisqu’ils ont dès le début ouvert et abondé, centralement et dans nombre de secteurs, les « caisses de grève ».
Chacun comprend que, tout en tenant compte de la bagarre à l’Assemblée nationale (avec toutes les manœuvres et les tentatives de dévoiement, attendre ou pas l’article 7…), ce qui fera la décision, c’est la lutte des classes, qui encadre, pour autant pas exclusivement, toute la situation.
Même s’ils s’en défendent, même s’ils ne veulent pas y croire, M. Macron et son gouvernement le savent. Eux qui tentent tout, manœuvres misérables, déclarations enflammées, vestes retournées… pour que l’affaire reste dans l’Assemblée nationale. Minoritaires ou pas, trouvant ou pas une pseudo-majorité avec tous les soumis à l’ordre établi, les institutions antidémocratiques de la Ve République, seules, leur permettent de s’y réfugier. Piètre refuge puisqu’elles font apparaître au grand jour et à la masse leur opposition frontale – quasi dictatoriale – contre le peuple et, de ce fait, illégitimes.
A juste titre, commentant la situation, le premier secrétaire du parti socialiste (PS), Olivier Faure, déclare : « La surprise vient de cette mobilisation extraordinaire qui va bien au-delà de ce que nous sommes. » (Le Figaro, 13 février). Oui, en effet, il s’agit bel et bien d’une « mobilisation extraordinaire » des travailleurs de ce pays, qui, confrontés à une inflation mortifère, à la liquidation engagée des services publics – à commencer par l’hôpital et l’école – ou encore à la menace permanente de la généralisation de la guerre, cherchent les voies et les moyens de l’action efficace pour gagner. C’est pourquoi, forts des premiers succès incarnés dans les manifestations énormes et du constat que cela ne suffirait pas, il s’impose de plus en plus largement chez les travailleurs qu’ayant montré leur force, il est possible de s’en servir.
« Que la jeunesse bloque, c’est notre hantise » (un parlementaire Renaissance)
De ce point de vue, la presse a relevé qu’il s’est passé quelque chose le week-end des 11 et 12 février :
« Les syndicats vont-ils réussir à tenir leur base ? Le risque que les syndicats soient débordés par une base maximaliste n’est pas à exclure. Un premier exemple en a été donné samedi à l’aéroport d’Orly. Alors qu’aucun de leurs syndicats n’avait appelé à la grève, des contrôleurs aériens ont arrêté le travail par surprise. Résultat, en catastrophe, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) a demandé aux compagnies aériennes de réduire leur programme de vols de 50 % à partir de 13 heures jusqu’à la fin de la journée. » (Le Figaro)
Et le quotidien de conclure sur l’appel de l’intersyndicale de la RATP à la grève reconductible à partir du 7 mars.
Mais ce sont aussi les assemblées générales d’étudiants qui affleurent : après l’université Rennes II, mardi 7 février, c’est au tour de l’université du Mirail (Toulouse) de décider le blocage. En parallèle, les cortèges de jeunes, étudiants et lycéens, se massifient dans les manifestations. Ce qui a entraîné immédiatement la réaction suivante du gouvernement : la généralisation du service national universel (SNU) est reportée en mars. Un parlementaire Renaissance lâchant cet aveu : « Que la jeunesse bloque, c’est notre hantise. » (Franceinfo, 10 février.)
« De mémoire de journaliste, pas souvenir d’avoir vu un appel à “mettre le pays à l’arrêt” signé par tous les syndicats… » (FranceInfo)
C’est dans cette situation que les confédérations se sont réunies samedi 11 février au matin pour adopter un appel, qui fait dire à la journaliste française spécialisée en économie, Fanny Guinochet (FranceInfo), dans un tweet : « De mémoire de journaliste ayant suivi de nombreux conflits sociaux, pas souvenir d’avoir vu un appel à “mettre le pays à l’arrêt” signé par tous les syndicats… » (11 février.)
Entre-temps, tout le monde a bien enregistré les enquêtes d’opinion qui continuent de marteler que deux tiers des Français sont favorables au blocage du pays pour faire entendre raison au gouvernement : un chiffre en augmentation depuis un mois1« Par ailleurs, le gouvernement ne peut guère compter sur une lassitude de l’opinion en cas de blocages : dans cette hypothèse, 66 % des Français (en hausse constante depuis un mois) en rendraient responsable le gouvernement plutôt que les syndicats. » (Sondage Odoxa, 9 février.).
Ce qui, par la grève, outil de la lutte des classes, entraînant toutes les catégories frappées, deviendrait l’instrument pour réussir à faire plier le gouvernement ou les faire partir tous. Et, avec eux, ces institutions devenues leur ultime recours.