La démocratie, incompatible avec les institutions de la Ve République

Pour des millions, qui le comprennent de plus en plus, ce ne sont pas seulement telles ou telles dispositions qui sont antidémocratiques, c’est toute la Constitution de la Ve République. Nous publions une nouvelle contribution à la préparation de l'assemblée du POI du 26 mars à Paris.

Emmanuel Macron à l'Hôtel de Ville de Paris lors de son investiture en 2017. AFP.
(Photo AFP)
Par la rédaction d’IO
Publié le 19 mars 2023
Temps de lecture : 4 minutes

Sous pression du mouvement qui ne faiblit pas, grève, manifestations, blocages, M. Macron et ses amis ont décidé d’avoir à nouveau recours au 49-3. Les conditions de son utilisation, alors que 82% de la population se déclarent contre les 64 ans et plus largement contre la politique de Macron, les déclarations des Borne, Dussopt, etc… proclamant quelques heures avant qu’ils ne l’utiliseraient pas, le ballet des voitures officielles visible en temps réel, mettent à nu pour des millions le cœur du problème.

Immédiatement, les déclarations se sont succédé : « l’utilisation du 49-3 est un déni de démocratie », « la démocratie parlementaire est bafouée ». Ce à quoi la Macronie répond : « Non, pas du tout. Il ne s’agit pas d’autre chose que de l’utilisation légale des dispositions de la Constitution ». Ce qui est parfaitement vrai. Ce faisant, ils sont contraints de mettre à nu le fait suivant : pour des millions, qui le comprennent de plus en plus, ce ne sont pas seulement telles ou telles dispositions qui sont antidémocratiques, c’est toute la Constitution de la Ve République qui est antidémocratique.

Au travers de multiples articles, dispositions, méandres finement élaborés, elle a été conçue dès le départ pour permettre à une minorité installée au cœur de l’Etat d’imposer sa loi à l’immense majorité. C’est le fondement de la « légalité républicaine » d’aujourd’hui. C’est l’inverse de la démocratie.

« Le sentiment partagé d’une démocratie qui ne fonctionne plus » (Charles de Courson, député LIOT)

C’est ainsi que de plus en plus nombreux sont ceux qui pour le moins s’interrogent : pourquoi respecter une légalité qui puise sa légitimité, non pas dans la démocratie, mais dans des institutions antidémocratiques, ouvertement revendiquées ?

Personne ne s’y trompe et beaucoup comprennent que c’est cette question qui fait son chemin, et dont les masses pourraient s’emparer pour faire d’une idée une force matérielle.

Répondant à des questions du type : « Etes-vous inquiets de la colère qui monte dans le pays ? » ou « Percevez-vous le début d’une crise de régime ? », Monsieur le député Charles de Courson déclare : « Il y a désormais chez les Français le sentiment partagé d’une démocratie qui ne fonctionne plus ». Belle lucidité d’une homme qui n’est pas de notre bord mais qui a la particularité qu’un de ses aïeuls a voté pour la décapitation de Louis XVI.

Respecter cette légalité ? A leur façon, les dirigeants de l’intersyndicale nationale se prononcent.

En dépit de l’article 49-3, l’intersyndicale nationale appelle à poursuivre

Traditionnellement, lorsque, même après de puissantes mobilisations, une loi, une disposition légale est adoptée, ce qui s’impose, c’est : « on ne peut pas s’opposer à la légalité, la loi « démocratique » doit être respectée. On s’arrête. » Pour certains, c’est une position habituelle, pour d’autres, plus filandreux, ils appellent à poursuivre en prenant bien soin de laisser isolés les secteurs en pointe.

Constatons qu’aujourd’hui, et pour eux, et tous ensemble, ce n’est pas le cas. En dépit de l’article 49-3, ils appellent à poursuivre. Mieux, le mot grève qui avait disparu de leurs communiqués communs depuis le 7 mars est à nouveau présent. Plus, ils appellent même à converger dans une journée le 23 mars, soit trois jours après le vote de la motion de censure, donc indépendamment de son résultat, si les 64 ans ne sont pas retirés. Décidément, la puissance de la mobilisation qui est en passe de devenir quotidienne fait réfléchir.

En pleine grève, Fabien Roussel (PCF), comme Bernard Cazeneuve (PS, anti-Nupes), concentrent leurs forces pour un référendum

Mais d’autres, aussi, se préoccupent de cette question. M. Roussel, secrétaire national du Parti communiste français (PCF) a déclaré le jour du 49-3 : « Ce gouvernement n’est pas digne de notre Ve République ». Notre Ve République ! Dans sa pure tradition du respect de la loi et de l’ordre, il donne le fond de sa pensée et de ce qui motive ses actes et propositions. Défendre les institutions de la Ve République. Et c’est tout naturellement qu’il se retrouve aux côtés de M. Cazeneuve, des PS anti-Nupes, pour estimer qu’il n’y a rien de plus urgent que de mettre au centre le référendum. Au moment où les grèves se poursuivent, se développent et où la mobilisation enfle. Surtout en rester au cadre des institutions !

Ce qui n’a rien à voir avec la façon dont Jean-Luc Mélenchon se dispose. Pour lui, le référendum est une possibilité parmi d’autres : dissolution, Conseil constitutionnel… visant à utiliser tous les possibles dans le cadre de cette crise ouverte. Et sur LCI Grand Jury, il prend soin de préciser : « … nous avons répondu à une demande de Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT… », « … mais non, je ne vais pas vous dire : « Arrêtez de vous mobiliser »… dans le meilleur des cas, ce sera dans plusieurs mois. Essayons d’abréger nos souffrances avant ! ». Notons au passage que M. Martinez se pose de plus en plus en leader politique.

Quant au Rassemblement national, Madame Le Pen a maintes fois dit et proclamé sont attachement aux institutions. Au point que tout ce qu’ils disent et font (incluant la position sur les retraites) ne vise qu’un seul objectif : s’installer dans la V République pour en profiter et y commettre, comme bien d’autres, tous les méfaits.

Chercher la démocratie au moment où la légalité apparaît comme totalement antidémocratique

La position de LFI et Jean-Luc Mélenchon tranche dans ce concert des forces politiques. Ils ont clairement, et ont été les seuls, à chercher, de l’intérieur, à enrayer la mécanique des institutions. Et revient sur le tapis, ces derniers jours, leur proposition de VIe République et de Constituante avec ce constat : « Il n’est plus possible d’aller plus loin dans le toilettage des institutions. »

Se poser ces problèmes, chercher la démocratie au moment où la légalité apparaît comme totalement antidémocratique, oblige à y inclure la fin pure et simple de la Constitution de la Vème République. Triste spécificité d’une Constitution où un homme seul a le pouvoir de décider de tout. Pour le plus grand nombre, il est clair que la légalité devient un rempart pour empêcher ce qui est légitime.

Nous sommes engagés à fond, au jour le jour, pour la grève, sa généralisation, les manifestations, les blocages, pour obtenir le retrait. Les idées ne deviennent matérielles que lorsque les masses s’en saisissent. Mieux vaut s’y préparer, déjouer tous les pièges et y réfléchir.

Pièges de toutes sortes comme par exemple, sur la guerre, où ici et là nous est proposé, pour remettre en cause le combat « halte à la guerre ! cessez-le-feu immédiat », de mettre sur le même plan Zelensky et la résistance des guerres de libération des peuples algériens, vietnamiens, palestiniens… A noter la réussite de la réunion publique de Nantes, le 17 mars dernier, tant par le nombre des présents que par la composition très diverse de la tribune.

Nous nous retrouverons, nous échangerons sur ces questions le 26 mars.

La rédaction d’IO,

dimanche 19 mars, 17h