Une « nouvelle phase » de l’intersyndicale ?
Les secrétaires généraux des confédérations ouvrières se sont réunis le 1er décembre. Des hommes, des femmes, des enfants, des travailleurs sont massacrés à Gaza par milliers et des responsables de syndicats ouvriers qui se réunissent et n’en disent pas un mot ?
- Actualité politique et sociale
La presse, en particulier l’AFP, nous informe que les secrétaires généraux des confédérations ouvrières se sont réunis ce vendredi 1er décembre, « pour acter une nouvelle phase de l’intersyndicale ».
Et tous de faire référence à la phase précédente, celle qui a soudé l’intersyndicale dans l’action commune pendant six mois sur une revendication commune, l’exigence de retrait de la réforme des retraites. Action commune en résultat de la volonté farouche de millions de salariés de faire reculer Macron et son gouvernement dans leur projet d’imposer à tous un recul de deux ans de l’âge de départ à la retraite. Action commune sur une revendication claire et nette qui a donné confiance aux salariés. Action commune ponctuée de centaines et centaines de manifestations immenses et historiques, dans tout le pays, malgré la répression, pour faire reculer le gouvernement. Action commune des salariés et de leurs syndicats, sections syndicales et unions départementales pour décider la grève et la reconduire pour « mettre le pays à l’arrêt ». Mais le pays n’a pas été bloqué, la grève est restée limitée, le calendrier des journées d’action et de grèves décidées par les confédérations n’a pas suffi à faire plier le gouvernement, n’a pas permis la généralisation de la grève.
S’agissait-il de discuter ce bilan dans l’intersyndicale du 1er décembre ? De quelle nouvelle phase s’agit-il ?
« Préparer l’agenda social »
« L’intersyndicale se réunira ponctuellement pour préparer l’agenda social. » Pour le reste : « On était d’accord pour se dire que ce qu’on a créé, cette confiance, ce respect… il fallait le poursuivre mais force est de constater qu’il n’y a plus de grande thématique en ce moment. » Plus de grande thématique en ce moment ? Plus de revendications urgentes et vitales ?
Entendons-nous bien, les militants et les salariés ne demandent pas à l’intersyndicale de se survivre dans des journées d’action creuses et sans revendications, comme par exemple celle du 12 décembre à Bruxelles sur les salaires, qui sont le contraire de l’action commune, qui laissent les mains libres au gouvernement et aux patrons. Les salariés veulent l’unité réelle sur leurs revendications, et pas l’unicité sur des salades, et ils attendent de chacune de leur confédération respective qu’elle prenne ses responsabilités pour exprimer les revendications réelles et préparer la mobilisation.
Mais ce qu’on nous propose là est encore autre chose, il y aurait toujours une intersyndicale, celle de l’unicité… à disposition de l’agenda social du gouvernement et des patrons, agenda social dont les « thématiques » n’ont rien à voir avec les revendications ouvrières. C’est se mettre à disposition du gouvernement, de son jeu institutionnel, de ses conférences sociales, de son agenda social ! C’est l’antichambre de l’intégration des confédérations à l’Etat, c’est le corporatisme.
Mise à disposition
Si cette mise à disposition est confirmée, il n’y a plus de place pour les revendications, plus de place pour l’exigence immédiate, conforme à toutes les traditions syndicales de cessez-le-feu immédiat et définitif à Gaza, pour que cesse le massacre du peuple palestinien, pour que les otages soient libérés. Plus de place contre les coups portés aux salaires, aux services publics, aux hôpitaux, à l’école, à la Sécurité sociale, tous attaqués par les 49.3 successifs et répétés du gouvernement pour imposer ses lois de finances. Plus de place à la mobilisation contre le saccage de l’assurance-chômage, des droits des chômeurs. Plus de place à la bagarre contre le pillage des caisses de retraite.
Chaque confédération est au pied du mur : continuer à céder aux injonctions du gouvernement ou répondre à la volonté inentamée de résistance de la classe ouvrière qui, de toute façon, trouvera son chemin.
En l’état, les seuls à bénéficier de cette véritable unicité syndicale sont le gouvernement et les patrons qui la mettent à profit pour accentuer leurs coups meurtriers contre les travailleurs en se moquant éperdument de leur propre démocratie, comme en attestent les événements à l’Assemblée nationale et que le combat pied à pied des députés LFI met parfaitement en évidence.
Rien ne dit que les travailleurs et nombre de cadres et militants à tous les niveaux de toutes ces organisations syndicales l’entendent de cette oreille. A preuve, les remous encore feutrés que cela suscite dans les centrales syndicales et surtout, surtout les grèves et les actions qui ont lieu en ce moment même, sur de véritables revendications vitales, et bien souvent dans l’unité. En dépit du dispositif de cette réunion du 1er décembre.
Au moment où les massacres redoublent à Gaza
Notons enfin le caractère irréel de cette réunion qui se tient alors que les massacres redoublent à Gaza. Des hommes, des femmes, des enfants, des travailleurs massacrés par milliers heure par heure et des responsables de syndicats ouvriers qui se réunissent et n’en disent pas un mot ? Il est impossible qu’ils y soient insensibles. Et chacun ici ou là, à sa manière « fait quelque chose ». Mais tout de même, n’est-il pas dans leurs traditions, dans leur histoire de s’élever ensemble contre les massacres et la guerre ? Peut-on détourner les yeux et faire chacun petitement dans son coin ?
Tout le monde sait que, comme pour la guerre d’Algérie, comme pour la guerre du Vietnam, c’est avec la mobilisation de millions dans le monde, en opposition aux gouvernements qui aident les massacres, qu’il y a le plus de chance de les stopper. La suite nous dira ce qu’il en est.
Constatons toutefois que, à leur niveau, dans des départements, sur des lieux de travail, les syndicats s’unissent et cherchent à se battre sur un mot d’ordre simple et clair : « Cessez-le-feu immédiat et permanent, la paix, arrêtez le massacre ! » Et ce serait impossible pour les secrétaires généraux des confédérations ? A ne pas le faire ne voient-ils pas qu’ils brouillent le message, qu’ils rendent compliquées les mobilisations et qu’ils laissent le champ libre à toutes les aventures ?