Conférence sur le Front populaire aux AmFis
Extraits de la conclusion de Jérôme Legavre (député LFI et militant POI) à l a discussion à l’occasion de la conférence sur le front populaire. Conférence co-animée avec Ludivine Bantigny et Léo Rosell, historiens.
- Actualité politique et sociale

Cela a été dit avant moi, en mai et juin 1936 une aspiration profonde surgit et s’exprime dans la grève générale : changer radicalement les choses. La grève générale correspond à une situation révolutionnaire.
Dès 1935, il y a des grèves très dures, notamment à Brest, à Toulon. Des grèves, rappelons-le, toutes condamnées à l’époque par les directions des partis du Front populaire…
En mai 1936, la grève générale balaie le pays. Elle s’étend comme une traînée de poudre. 12 000 usines sont occupées. Et alors, comme disait ce révolutionnaire qui m’est cher, Léon Trotsky, une question est posée : qui est le maître dans l’usine ? Et, plus largement, qui est le maître dans la société ? Donc la grève générale pose la question du pouvoir. Du pouvoir des travailleurs, pour les travailleurs. Le problème, c’est : les dirigeants du front populaire, de la SFIO, du PCF, alliés aux radicaux, parti bourgeois, pilier de la IIIe République, étaient-ils sur cette perspective ? Clairement, non.
La presse du PCF début 1936 publie le programme du Front populaire : vous n’y trouverez pas mention des revendications correspondant aux conquêtes arrachées par la grève de 36. Et pour cause, elles n’y figurent pas. Comme disait la direction du PC : il ne faut pas effrayer la petite bourgeoisie. C’est la puissance de la grève qui a arraché les acquis. La bourgeoisie a eu très peur.
Mais dès le 11 juin, quelques jours après la signature des accords de Matignon, l’ordre était donné par Thorez, chef du PCF : il faut savoir arrêter une grève. Et on connaît la suite qui a été rappelée, la répression, les remises en cause successives des acquis par le même gouvernement du FP, le retour en force des radicaux, les décrets-lois liberticides et anti-ouvriers de Daladier, l’oppression des peuples colonisés, l’union nationale sur la guerre…
L’enseignement que pour ma part je tire de tout cela c’est que la force de la mobilisation des plus larges masses peut, un temps, balayer les obstacles. Elle peut même faire reculer un gouvernement ou un parlement sous la cinquième république. Question qui a une certaine actualité… Mais, le développement des événements en 1936, montre aussi que pour aller jusqu’au bout, la classe ouvrière, les travailleurs, le « peuple » ont besoin, d’un parti, d’un mouvement, bref d’organisation qui l’aide pour son émancipation, pour renverser l’exploitation capitaliste et son État.
Leçon d’une brûlante actualité.
Nous sommes réunis ici aux Amfis de La FI. La France insoumise, c’est aujourd’hui 100 000 militants réunis dans un cadre large sur une ligne de rupture.
Pour que les choses soient très claires, je vais citer l’éditorial d’un journal qui formule très clairement les enjeux, à savoir l’Opinion qui s’étrangle dès qu’il est question du programme du NFP et qui dit « En 1936, le PC avait exigé la plateforme la plus anodine possible (…) ; en 2024, LFI a arrimé le cartel électoral à son projet maximaliste. »
Vous l’avez vu et demain le meeting de clôture y accordera, j’en suis sûr une large place, on engage la bataille sur l’exigence : Macron destitution. Parce que franchement, après tous ses refus systématiques, que faudrait-il faire ? Que fallait-il faire ? Continuer de demander gentiment à Macron de respecter la démocratie. Excusez-moi, mais Macron et la démocratie, rien que l’association des deux, ça ressemble à une mauvaise plaisanterie.
Je ne vous rappelle pas la répression contre les Gilets jaunes, les 49.3 à la pelle, cet été les centaines de décrets passés en douce mais passés quand même par un gouvernement démissionnaire, paraît-il, mais qui continue comme si des millions n’avaient pas dit très clairement : ça suffit, on n’en veut plus…
Une épreuve frontale
Avec la destitution, nous engageons une épreuve
frontale. Roussel (encore…), vient de dire : on ne peut pas demander la destitution sinon, c’est la crise institutionnelle. Ah bon ? Donc pour que ces institutions qui ne sont quand même pas un modèle de démocratie ne soient pas bousculées, il faudrait finalement ne rien faire, ou faire semblant ?
Que Roussel le dise et le pense n’est pas surprenant mais à l’inverse je suis persuadé que le sentiment dominant dans le pays c’est le rejet de Macron de sa politique et ces millions qui l’ont dit, ne vont pas accepter comme ça de se soumettre. Alors oui, plutôt démettre le président que de nous soumettre.
Je pense que ça fait écho à ce que beaucoup ont dans la tête… Un camarade s’interrogeait sur la grève, il demandait : pourquoi il n’y a plus aujourd’hui de grèves à la hauteur de 1936. Déjà pour commencer je pense que poser le problème comme ça risque de nous faire passer à côté de quelque chose d’essentiel. Si on regarde dans le rétroviseur sur les toutes dernières années, qu’est-ce qu’on voit ?
Les journées de grèves et de manifestations puissantes contre la loi Travail en 2016, les manifestations des Gilets jaunes, la puissante grève de 2019 contre la réforme des retraites menée par les AG des agents de la RATP, contre les directions des confédérations. Et les manifestations de millions et de millions pour le retrait de la réforme des retraites en 2023 pendant des mois. Rien que ça… Sur un laps de temps pas très long… On ne peut pas dire qu’il ne se passe rien. Ce n’est pas l’atonie, loin de là.
Le résultat des législatives déjouant tous les scénarios a tout à voir avec ce mouvement profond.
En revanche si je regarde les sommets des organisations syndicales, des confédérations, c’est une autre chanson. J’ai été militant syndicaliste pendant 20 ans. Et je vous le dis franchement, quand je vois ce qu’ils font les bras m’en tombent. Un génocide à Gaza ? Rien. Ou si peu, c’est pareil. Macron qui dit : au fait, je vais continuer. Et là encore, en tout cas pour l’instant, rien…
Mais je suis sûr qu’à l’opposé aujourd’hui dans les organisations syndicales ce que veut, ce à quoi aspire la masse des syndicalistes est à l’inverse de cette dangereuse apathie.
Moi je suis sûr que la situation va à la confrontation.
Alors oui, il faut une organisation. Et tous les développements m’incitent moi à dire : on va être plus insoumis que jamais.
Et je voudrais terminer par une chose : regardez la situation à l’échelle mondiale… Je pense que « ça marche à la guerre », que ce système pourri et tous ses tenants poussent à ça. Alors j’ai une conviction profonde : ce n’est pas quand la guerre tue des milliers chaque jour, ce n’est pas quand la loi martiale impose sa censure et ses interdits qu’il faut s’organiser. C’est avant. Et avant, c’est maintenant !
